Urbanisme | | 27/10/2016
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A Villeneuve-le-Roi, le devenir de la ferme Baron-Marais mis sur la place publique

A Villeneuve-le-Roi, le devenir de la ferme Baron-Marais mis sur la place publique

Des propriétaires qui veulent vendre le dernier morceau d’une ferme d’antan après y avoir porté à bout de bras un poney-club, un élu qui veut sauver le patrimoine en y installant un Ehpad, un hard-discounter qui aimerait étendre son parking et un maire très en colère par cette nouvelle polémique… A Villeneuve-le-Roi, le dernier vestige de la ferme Baron-Marais échauffe les esprits.

Au début du 20e siècle, la ferme Baron-Marais était la plus grande ferme de Villeneuve-le-Roi. Située dans la petite rue pavée Georges Hervier, elle abritait quelques 140 hectares de luzerne, pommes de terre, céréales. Cette ancienne ferme Saint-Victor, en raison de son ancienne appartenance à l’abbaye éponyme, résultait du rassemblement de deux propriétés. Depuis, l’urbanisation est passée par là. L’activité agricole s’est arrêtée dans les années 1960, une partie des terrains a été reprise par l’aéroport d’Orly et quelques hectares sont restés pour accueillir un centre équestre. S’il reste bien la petite rue pavée, elle débouche désormais sur le très passant cours Verdun (RD5), au charme limité. Dans les années 2000, la famille, propriétaire du site depuis quatre générations, a revendu une parcelle à Lidl et le hard-discounter jouxte désormais directement la fermette. En juin 2016, le poney club a officiellement fermé ses portes, après 17 ans d’exploitation. “Nous avions une cinquantaine de poneys. C’était un lieu de vie pour les enfants de la ville et des communes voisines, on recevait des personnes handicapées, des jeunes des centres de loisirs, on a même formé deux championnes de France! Mais l’exploitation nous coûtait vraiment très cher. Nous nous sommes résolus à fermer le poney-club et avons juste conservé une activité baby-poney pour les plus petits. Aujourd’hui nous  avons besoin de vendre mais ce n’est pas de gaieté de cœur“, explique Géraldine Chauvin, l’une des six enfants du propriétaire de la ferme.

Dès 2015, la famille envisage en effet de vendre le site. “Son entretien coûte très cher, certains bâtiments nécessitent de grosses rénovations, il y a des nuisibles comme les rats et nous avions un nouveau projet de vie, toujours lié à l’équitation, aux alentours de Fontainebleau (Seine-et-Marne), poursuit Irène Chauvin, soeur de Géraldine. C’est à cette époque que Lidl nous a fait une offre, une belle offre” , reconnaissent les deux soeurs, qui acceptent rapidement la proposition de l’enseigne allemande, soumise à acceptation du permis de construire. C’était il y a un an en octobre 2015. Mais le permis de construire est refusé. “Nous avons alors compris que le dossier glissait sur le terrain politique, ce que nous n’avions jamais voulu.”

Du côté des élus en effet, on voit rouge. Pas question de transformer en parking les restes de la ferme, qui figure parmi les derniers vestiges du vieux Villeneuve, à défaut de constituer en soi un objet patrimonial d’un caractère exceptionnel. Le maire LR, Didier Gonzales, bloque le permis, et le conseiller départemental MRC, Daniel Guérin, décide de plancher sur le dossier pour trouver une autre reconversion du site. “Dès que j’ai appris le projet de revente pour faire un parking, j’ai demandé le classement aux monuments historiques du corps de logis et du portail qui sont du 18e siècle et qui sont tous deux recensés à l’inventaire du patrimoine d’Ile-de-France. En parallèle, j’ai écrit à Lidl pour dénoncer leur projet. Pour l’instant, le distributeur semble avoir abandonné le projet, mais le classement est très long et la pression foncière peut reprendre à tout moment, j’ai donc proposé au maire de transformer ce site en Ehpad (Etablissement hospitalier pour les personnes âgées dépendantes) car il y a un déficit de ce type de structure sur le territoire. C’est le département qui est en charge des Ehpad et qui mènerait le projet, mais la ville s’engagerait en procédant au portage foncier durant le montage du projet”, expose le conseiller départemental. Est-ce que cela intéresse le département? “J’y travaille avec mes collègues. Si le maire s’engage à porter le foncier pendant la phase de montage,  je suis prêt, avec toute la détermination qui est la mienne, à me battre pour obtenir l’aménagement d’un Ehpad car il y a un manque de places dans ce secteur. Ma démarche ne vise pas à faire de polémique ni de procès au maire mai il faut agir vite“, se défend l’ancien candidat aux élections municipales de 2014.

Du côté de la famille, on ne voit pas exactement les choses sous le même angle. “Lidl nous a transmis un mail de Daniel Guérin dans lequel l’élu explique qu’il allait demander de classer la ferme aux monuments nationaux pour empêcher sa vente et sa destruction. Personnellement, nous nous opposons à cette initiative, d’autant plus que certains endroits de la ferme tombent en ruine. Seul un portail avait été identifié comme potentiellement réhabilitable lors d’un précédent diagnostic, et encore, on en doute, s’agacent les soeurs. Lorsqu’on les croise,  les élus nous promettent toujours de nous aider, mais au final, il n’y a jamais rien eu. On a demandé l’accès à des friches municipales pour y faire évoluer les poneys, on ne les a jamais eues. Et puis, on ne veut pas que nos histoires se retrouvent exposées sur la place publique, on n’a rien demandé!” 

Sur la place publique, le dossier y est désormais bel et bien. Lancée il y a quelques semaines par Daniel Guérin, une pétition intitulée “Sauvons le patrimoine des Villeneuvois” a déjà obtenu quelques 400 signatures en format papier, selon l’élu qui l’a également mise en ligne sur Change.org il y a quelques jours,  où elle a rassemblé une quarantaine de signatures. “Nous trouvons cette initiative scandaleuse. Il ne nous a même pas demandé notre avis.  Derrière l’argument du patrimoine, on sait bien que c’est politique. D’autant plus que sa proposition d’installer un Ehpad dans la ferme nous paraît totalement irréaliste : les bâtiments nécessiteraient d’importants travaux pour être mis aux normes. Le magasin Lidl,lui, a été construit sur une ancienne chapelle collégiale dont les souterrains,en très bon état de conservation, menaient jusqu’à Choisy-le-Roi.  Qui s’est intéressé au patrimoine à ce moment-là ?, reprennent les deux soeurs. La politique locale, on s’en fiche. On veut seulement disposer de notre bien comme on l’entend, c’est-à-dire le vendre si on en a besoin ou envie. Cette histoire aurait dû rester entre nous et Lidl. La ferme est estimée à 2 millions d’euros. Si la mairie veut la préserver, elle n’a qu’à la racheter!”  

Du côté de la mairie, cette histoire a aussi le don de mettre en boule. “Monsieur Daniel Guérin n’est plus au Conseil municipal de Villeneuve-le-Roi que je sache. Qu’il arrête donc de s’occuper des affaires municipales pour se concentrer sur les compétences du Conseil départemental! Installer un Ehpad dans la ferme est totalement ridicule. D’une part il n’y a pas l’espace, car il y a 3000 m2 et il faudrait 5000 m2. Quand bien même on ferait un mini-Ehpad, cela voudrait dire qu’on rase tout le site ou que l’on dénature complètement pour le mettre aux normes.  Je sais de quoi je parle car je cherche à installer ce type d’équipement dans ma ville. Précisément, le Conseil départemental est déjà propriétaire de l’ancienne gendarmerie qui dispose de la bonne superficie et se trouve en face d’un centre médical“, s’agace Didier Gonzales, maire LR de la ville, estimant par ailleurs que c’est la vente de la première partie du terrain cédée à Lidl il y a déjà quelques années qui a rendu difficile l’exploitation du centre équestre, et que c’est la hausse de TVA sur les Poney club qui a achevé de le tuer. “Aujourd’hui, la ville regarde quelle destination pourrait être donnée à cette ferme mais pour l’instant la famille n’est pas vendeuse. Nous ne pouvons donc pas préempter“, poursuit l’édile.

De leur côté, Géraldine et Irène ont rendez-vous début novembre avec la direction en charge des Monuments historiques pour savoir où en est la démarche de classement de la ferme. « Nous verrons alors ce qui nous est dit et nous rapprocherons éventuellement d’un avocat.»

Ferme Baron Marais 2

 

 

 

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