Comment le territoire T12 (Grand Orly Seine Bièvre) imprime-t-il sa marque dans la Métropole du Grand Paris ? Retour sur huit mois de construction de cette nouvelle couche du «millefeuille territorial» avec son président, Michel Leprêtre.
Rappel du contexte. Penser Paris à l’échelle de sa métropole pour donner de la cohérence à ses projets, développer une vision stratégique identifiable au niveau international, atteindre ensemble des objectifs ambitieux comme la création d’un nombre de logements suffisants, et aussi réduire les inégalités d’un pôle à l’autre en dépassant les intérêts municipaux, voilà les défis de la Métropole du Grand Paris (MGP). Instauré par la loi Notre au 1er janvier 2016, ce nouvel échelon de décision politique locale est ainsi en charge des politiques d’aménagement de l’espace, de développement économique, social et culturel, de l’environnement ou encore de l’habitat pour 7 millions d’habitants. 7 millions de personnes résidant dans131 communes correspondant essentiellement à Paris et aux trois départements de petite couronne plus quelques communes de la grande couronne comme Argenteuil ou les villes riveraines de l’aéroport d’Orly. A la tête de la MGP : un conseil composé d’élus municipaux (principalement les maires des villes de la MGP). Pour faire fonctionner cette nouvelle institution en charge de questions stratégiques mais aussi de proximité, un découpage en douze territoires a été opéré. Alors que la banlieue, et particulièrement le Val-de-Marne, était loin d’avoir achevé sa carte intercommunale, et que de nombreuses villes restaient isolées (ne faisant partie d’aucune communauté d’agglomération), cet exercice a été long et fastidieux. Outre les logiques territoriales (situation du même côté d’un fleuve, autour d’un même pôle d’attraction économique…), la représentativité des couleurs politiques a aussi pesé et suscité moult-polémiques, en particulier dans le département. Le puzzle achevé, ces douze territoires ont commencé à prendre consistance en même temps que la métropole. A l’instar de la MGP, ils sont gouvernés par des conseils d’élus issus des conseils municipaux des villes qui les composent, et ils ont en charge des questions comme l’assainissement, l’eau, la gestion des déchets ménagers, les plans locaux d’urbanisme, la politique de la ville… Des questions jusqu’alors traitées par les villes, communautés d’agglomération (lesquelles ont disparu au profit des territoires) et syndicats intercommunaux comme par exemple le Sedif pour la gestion de l’eau, qui continuent eux d’assurer leur mission.
Comment les territoires du Grand Paris peuvent-ils trouver leur place entre les villes et la MGP, répondre aux objectifs de la Métropole, prouver leur légitimité aux citoyens alors que leur gouvernance n’est pas directement issue du suffrage universel? Invité du Club de la presse du Val-de-Marne ce jeudi 22 septembre, Michel Leprêtre, président du territoire T12 et maire-adjoint PCF de Vitry-sur-Seine, a témoigné des premiers pas de son Conseil de territoire et donné sa vision. Pour rappel, le Conseil de territoire T12 est le plus gros de MGP en termes d’habitants, après la ville de Paris. Il regroupe 24 communes*, depuis les portes de Paris (Ivry, Le Kremlin, Gentilly) jusqu’aux communes riveraines de l’aéroport d’Orly dont plusieurs de l’Essonne.
«La loi Notre nous pousserait à jouer un rôle d’ensemblier autoritaire»
Pour le président du T12, l’étape préalable à toute construction est celle de l’imprégnation des politiques communales et de leur savoir-faire, et des réalités sociales, culturelles et environnementales contrastées d’un bout à l’autre du territoire. L’objectif urgent : ne pas détruire. «Avant d’apporter un plus, il nous incombe déjà de ne pas perdre l’efficacité de l’expérience et de l’histoire des 24 communes pour pouvoir répondre aux besoins des habitants, explique l’élu. Concernant la gestion des déchets ménagers par exemple, je ne peux pas arriver en proposant de construire une grosse équipe qui remplira cette mission alors qu’il y a déjà de l’efficacité qui existe au pied des habitants, dans des contextes urbains très différents entre une ville comme Ivry ou Paray-Vieille-Poste. Nous devons d’abord nous appuyer sur cette capacité puis créer une dynamique pour consolider et réparer certaines fragilités. Il nous a fallu des mois pour travailler avec chaque maire à une stratégie commune que nous venons tout juste d’arrêter et il y a encore des questions, par exemple sur la gestion des dépôts sauvages, différente d’un bout du territoire à l’autre. La loi Notre nous pousserait à jouer un rôle d’ensemblier autoritaire, ce n’est pas notre démarche, ni celle des autres territoires du reste.»
«Elaborer le PLUI prendra 24 à 36 mois»
Au-delà de la gestion des déchets, qui pose déjà un certain nombre de questions opérationnelles, de nombreux autres sujets, dont certains nettement plus sensibles, figurent sur la feuille de route du territoire, comme par exemple la question de l’urbanisme et du logement, qui clive le plus les candidats au moment des municipales. Alors que les PLU (Plans locaux d’urbanisme), levier d’action stratégique des maires, sont désormais votés par le territoire, celui-ci va-t-il s’y impliquer politiquement ou jouer les bureaux d’enregistrement? «Il convient de distinguer le PLU et le PLUI (Plan local d’urbanisme intercommunal), pose, sur ce sujet, le président du T12. Concernant le PLU, je n’ai ni l’ingénierie humaine ni la volonté politique d’imposer un PLU aux 24 maires du territoire. J’ai en revanche la mission d’élaborer un PLUI. C’est un gros défi. Additionner les PLU et leur PADD (Plan d’aménagement et de développement durable) n’auraient pas de sens… Nous avons des enjeux lourds sur ce territoire, qu’il s’agisse de la ligne C du RER, des futures gares du Grand Paris Express, du prolongement de la ligne 14, des franchissements de la Seine, des pôles comme l’aéroport d’Orly ou le MIN de Rungis. Mon défi est de travailler à faire du commun sur ces enjeux plutôt que d’aller mettre mon nez dans le PLU des villes. Aujourd’hui, il y a une vision à construire et il faut définir ensemble les défis à partager. Il y a bien sûr celui du logement, avec 300 000 demandeurs dans la métropole. Le territoire doit prendre sa part et cela fait partie des éléments du PLH (Plan local d’habitation). Il y a aussi celui du développement économique et de la mise en avant des atouts du territoire alors que les bureaux continuent de se construire à l’Ouest. Sur ces questions, nous sommes à l’écoute des entreprises, des universités qui ont énormément de données à nous apporter. Tout cela prend du temps. Elaborer le PLUI prendra 24 à 36 mois», estime l’élu.
«La solidarité doit aussi se construire à l’échelle de la métropole»
A moyen terme, ce-sont bien des enjeux stratégiques qui vont donc occuper le territoire, nécessitant une vision politique et suscitant inévitablement des divergences entre les villes. Dès le mois de juin, la question de la participation des communes au fonds de péréquation a divisé les élus. Et le dossier de la gestion de l’eau, qui pourrait passer en régie publique, promet aussi des débats animés, une fois passée l’étape consensuelle des études. «J’ai des valeurs que j’essaie d’impulser, il faut que l’on crée des dynamiques de solidarité, insiste Michel Leprêtre. Cela ne sera pas simple de rapprocher les intérêts des populations extrêmement pauvres du territoire et celles qui le sont un peu moins. Nous avons déjà eu des débats, parfois vifs, sur les moyens financiers de nos initiatives solidaire, et notamment un long débat sur la péréquation, reconnaît l’élu. Mais je veux travailler à cimenter, élaborer des connexions, des objectifs communs. La solidarité doit aussi se construire à l’échelle de la métropole. Car ne nous voilons pas la face, nous n’avons pas la même problématique aujourd’hui dans le T12 que dans le territoire autour de la Défense. Cette question de la solidarité, je la poserai donc dans le territoire mais aussi dans la métropole.»
«problème de démocratie»
Alors que la démocratie à l’échelle des élus constitue déjà un défi colossal, reste à l’étendre aux citoyens. «J’ai un problème de démocratie, j’ai un problème de communication, d’information, pour que l’objet du territoire soit en rapport avec les attentes des habitants. La population a besoin de partager, d’être dans la construction», pose Michel Leprêtre. Pour cela, l’élu compte s’appuyer sur des réalisations concrètes. «Le jour où l’on sera capable de parler de la Cité de la gastronomie, cela parlera à des dizaines de milliers d’habitants», se projette-t-il. En attendant, le territoire T12 a consulté les habitants sur son nom, Grand Orly Seine Bièvre, qui devrait être adopté lors du Conseil territorial de ce lundi 26 septembre. Suivra une consultation sur le logo.
* Ablon-sur-Seine, Arcueil, Cachan, Chevilly-Larue, Choisy-le-Roi, Fresnes, Gentilly, Ivry-sur-Seine, Le Kremlin-Bicêtre, L’Haÿ-les-Roses, Orly, Rungis, Thiais, Valenton, Villejuif, Villeneuve-le-Roi, Villeneuve-Saint-Georges et Vitry-sur-Seine (où se trouve le siège actuel du territoire), dans le Val-de-Marne. Athis-Mons, Viry-Châtillon, Juvisy-sur-Orge, Morangis, Paray-Vieille-Poste et Savigny-sur-Orge en Essonne.
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