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Justice | Val-de-Marne | 17/10/2016
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Eviter la récidive des mineurs: le quotidien de la Protection judiciaire de la jeunesse

Eviter la récidive des mineurs: le quotidien de la Protection judiciaire de la jeunesse

900 jeunes sont suivis par la Protection judiciaire du Val-de-Marne. Focus sur une institution méconnue dont l’objectif est de prévenir de nouveaux afflux en prison en réinsérant des ados qui étaient bien mal partis.

En France, ce-sont près de 138 000 mineurs délinquants ou en danger qui ont été suivis par cette direction du ministère de la Justice en 2015.  67% des jeunes suivis ayant commis un acte de délinquance n’ont pas récidivé. Seuls 700 mineurs sont actuellement en détention.

«Ces jeunes sont souvent en rupture scolaire, parfois depuis longtemps. Tout l’enjeu est de les remobiliser autour de la citoyenneté et de l’employabilité pour permettre leur réinsertion dans la société», explique Jean Menjon, directeur interrégional adjoint de la PJJ Ile-de-France, qui assure actuellement l’intérim de la direction territoriale du Val-de-Marne. Pour cela, différentes structures, relevant du secteur public ou du secteur associatif habilité, se relaient, composées d’éducateurs (60% du personnel de la PJJ), de psychologues, d’assistantes sociales, de professeurs… Ce lundi 10 octobre, à l’occasion de la journée portes ouvertes annuelle des directions interrégionales, des responsables d’unités du département s’étaient donnés rendez-vous à l’UEMO (Unité d’éducation en milieu ouvert) de Nogent-sur-Marne pour présenter leur activité.

Le temps de l’investigation

Au sein de l’UEMO de Nogent, la mission est double : mettre en œuvre les mesures d’investigation demandées par les juges pour éclairer une situation, et faire appliquer les mesures pénales prononcées, avant ou après jugement, qui vont d’actions de réparation à des mesures d’éducation en passant par les travaux d’intérêt général. L’équipe est composée de sept éducateurs, deux psychologues, un responsable d’unité et une assistante sociale- dont le poste est actuellement vacant. «Pour l’investigation, un éducateur référent travaille en binôme avec un psychologue pour étudier en détail la situation scolaire, familiale, sociale… en rencontrant la famille, en allant à son domicile pour évaluer les conditions de vie… Nous prenons les jeunes dans leur globalité de manière individualisée et faisons remonter les points qui nous questionnent lorsqu’il y a lieu d’être, comme par exemple un rapport particulier à la sexualité», détaille Isabelle Reboussin, responsable de l’unité. «Nous travaillons avec les parents, c’est très important de leur laisser leur place, même si c’est compliqué. Ils sont souvent dépassés, ne savent plus comment mettre des limites. Parfois, l’enfant a pris la place d’un père absent et pris l’habitude de donner des ordres à sa mère depuis très jeune», note la responsable de l’UEMO de Nogent. Le département compte également quatre autres UEMO à Arcueil, Créteil, Villeneuve-Saint-Georges et Vitry-sur-Seine.

Beaucoup de jeunes ont décroché au collège

Les UEAJ (Unité éducative d’activités de jour), elles, mettent en œuvre, directement ou via des partenariats, des activités scolaires, professionnelles, culturelles ou sportives. Il y a par exemple le module Dinamo, dédié aux 16-18 ans très en marge, qui replonge à la fois sur les savoirs de base, la culture générale et propose également des ateliers (cuisine, jardinage, hygiène, sport…) et la participation à des actions citoyennes nationales comme des challenges sportifs. Beaucoup des jeunes concernés ont en effet complètement décroché au niveau scolaire. «Ils ont pris en retard en primaire puis passent de classe en classe au collège et arrivent en troisième en sachant tout juste compter, totalement démobilisés, avec souvent de l’absentéisme et des problèmes de comportement», expose Jean-Marc Vanrossem, directeur du STEI (Service territorial éducatif et d’insertion) du Val-de-Marne. «Notre objectif est de viser l’employabilité. Pour cela, les activités sont un support. On ne propose pas une activité pour elle-même. Par exemple, en faisant du sport, on travaille l’effort, la ponctualité, les règles… Nous recourrons aux pédagogies détournées», détaille le directeur du service.

Remobiliser sur l’employabilité et la citoyenneté

Pour les 14-16 ans, il y a des classes relais, qui n’accueillent pas seulement des jeunes envoyés par la PJJ mais aussi des élèves décrocheurs. L’UEAJ de Créteil accueille par exemple la classe relais Simone de Beauvoir. Des professeurs de l’Education nationale viennent y enseigner et les élèves ont également des tuteurs pour faire le point régulièrement. Ils déjeunent à la cantine au lycée Branly de Créteil. «Nous avons également un restaurant d’application qui offre à douze jeunes des formations qualifiantes en cuisine ou service en salle, sur une période de dix mois», explique Evelyne Fleur, responsable de l’UEAJ de Créteil. L’unité cristolienne accueille en outre un Point d’accès au droit des jeunes, ouvert à tous les mineurs indifféremment de leur préoccupation, du souci d’orientation aux problèmes familiaux en passant par la solitude, les problèmes avec la justice ou encore l’accès aux soins. L’UEAJ du Perreux-sur-Marne travaille de son côté sur les thématiques du sport, en partenariat avec l’UCPA, et du cycle, et de la culture, avec par exemple un projet avec le Palais de Tokyo, pour remobiliser ses jeunes. «Nous travaillons sur la revalorisation. Ceux qui sont sortis du système scolaire depuis longtemps ont une image d’eux-mêmes très dévalorisée. Nous leur montrons leurs compétences, leur faisons faire des bilans avec les CIO (Centres d’information et d’orientation) et les éducateurs», explique Emmanuelle Mollet, responsable de l’UEAJ du Perreux.

Pour travailler à la réinsertion, beaucoup de partenariats sont menés avec des organismes extérieurs. Des formations courtes autour de la logistique et la gestion des stocks sont par exemple proposées en lien avec l’ECF (Ecole de conduite française) de Fontenay-sous-Bois, pour passer différents types de Caces (conduite d’engins de manutention). Avec l’association Faire et en partenariat avec la région, un EDI (Espace dynamique d’insertion) a aussi été installé à Villejuif, destiné à tous les 16-25 en grande difficulté de logement, orientation… «Les jeunes sous protection judiciaire doivent y être intégrés mais pas seulement. Tout le monde peut passer la porte, parfois entraîner par un copain du quartier», témoigne Evelyne Fleur.

La remobilisation passe aussi par des actions nationales citoyennes de la PJJ, comme le challenge sportif Michelet, le concours culinaire Les Parcours du goût ou encore le jury de cinéma Des cinés, la vie.

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En partant de la gauche, Isabelle Reboussin, responsable de l’UEMO de Nogent, Evelyne FLeur, responsable de l’UEAJ de Créteil. En partant de la droite, Emmanuelle Mollet, responsable de l’UEAJ du Perreux, Jean-Marc Vanrossem, directeur du STEI du Val-de-Marne.

La vie en foyer : redonner des repères

Si la majorité des jeunes suivent ces parcours en regagnant chaque soir leur domicile, certaines situations exigent un placement, soit en famille d’accueil, soit dans un foyer, ouvert ou fermé. Le Val-de-Marne, situé immédiatement à côté de Paris, ne compte aucun centre fermé, mais plusieurs UEHC (unités éducatives d’hébergement collectif), des foyers d’une douzaine de personnes, à Arcueil, Nogent-sur-Marne et Villiers-sur-Marne, ainsi que des unités éducatives d’hébergement diversifié (famille d’accueil, foyer de jeunes travailleurs…). «Au sein du foyer, nous essayons de recréer une vie collective et quotidienne, de prendre les repas ensemble, de respecter des horaires, explique Marion Préaux, directrice de l’EPE (Etablissement de placement éducatif) qui comprend l’UEHC d’Arcueil et l’UEHD de Créteil. Les jeunes ont parfois du mal à se réveiller le matin car ils sont en décalage avec une vie plutôt nocturne, mais le petit-déjeuner est servi jusqu’à 8h30. Après, ils doivent être occupés à l’extérieur, dans une UEAJ, en stage en entreprise, ou encore en activité dans le foyer avec un éducateur. Il faut qu’ils aient un emploi du temps. Nous avons beaucoup de jeunes qui n’ont plus de repères de vie quotidienne comme par exemple manger ensemble, se poser pour discuter. Beaucoup sont nés dans un climat de violence et la reproduisent, ce qui est lourd à gérer, mais nous leur fixons un cadre, cela les rassure même s’ils essaient d’en sortir», détaille la directrice.

Marion Preaux

Marion Préaux, directrice de l’EPE d’Arcueil

Du travail de longue haleine, qui ne porte pas toujours ses fruits du premier coup. «Un jeune peut ne pas accrocher la première ni la deuxième fois, et finir par avoir le déclic. Nous ne perdons jamais espoir même lorsque la situation est très dégradée. Nous avons eu par exemple un jeune homme avec de gros problèmes psy et de violence. Il a fait de la prison où cela se passait mal et il y a un an, nous pensions qu’il n’y arriverait jamais. Finalement, il est actuellement en foyer et va travailler de l’autre côté de la banlieue tous les jours, en se comportant bien. Il a trouvé un endroit avec de l’écoute, a réussi à se poser, se soigner, et arrive à tenir le rythme malgré ses 1h30 de transport quotidien», témoigne Isabelle Reboussin.

Revendications syndicales

Ce lundi matin, le Syndicat national des personnels de l’Education et du social PJJ – FSU était aussi de sortie pour partager ses préoccupations, tracts à l’appui. «Si l’administration reconnaît le travail en milieu ouvert, les moyens continuent d’abonder vers les lieux d’enfermement, sans que soit prouvée une quelconque efficacité de ces structures, bien au contraire», regrette le syndicat qui réclame notamment un maximum de 20 jeunes par éducateur en file active en milieu ouvert, une comptabilisation par jeune et non par fratrie concernant le suivi par les psychologues ou encore une revalorisation statutaire des responsables d’unité éducative passant par leur intégration dans le corps des directeurs.

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