A quand des femmes au programme de littérature du bac L? Toujours pas pour cette année ni l’année prochaine. Professeur de lettres au lycée Maximilien Perret d’Alfortville, Françoise Cahen a décidé de réagir. Lancée sur Change.org la semaine dernière, sa pétition adressée à la ministre de l’Education a atteint près de 20 000 signatures et reçu une réponse de la ministre.
C’est lorsqu’elle a découvert que l’auteur au programme de littérature en terminale L pour 2016-2017 était André Gide, pour son roman Les faux monnayeurs, que l’enseignante a saisi sa souris. “C’est un beau livre, écrit par un auteur important qui mérite d’être étudié. Ce n’est pas lui, le problème, prévient-elle. Mais jamais une auteure femme n’a été au programme de littérature en terminale L. Nous ne demandons pas la parité entre artistes hommes et femmes. Nous aimerions que les grandes écrivaines comme Marguerite Duras, Mme de Lafayette, Annie Ernaux, Marguerite Yourcenar, Nathalie Sarraute, Simone de Beauvoir, George Sand, Louise Labé… soient aussi régulièrement un objet d’étude pour nos élèves. A un type de classe composé en majorité de filles et des profs de lettres qui sont majoritairement des femmes, quel message subliminal veut-on faire passer? Avec Bonnefoy, Jaccottet, Quignard, la littérature contemporaine a souvent été à l’honneur. Mais avec de bons chromosomes Y”, observe la prof de lettres.
“Si encore personne n’avait jamais signalé le problème, on aurait pu penser à une forme de négligence étourdie, mais une élève de terminale avait lancé elle-même il y a deux ans une pétition sur ce sujet”, pointe l’enseignante. A l’époque, la pétition avait obtenu près de 15 000 signatures. “A nouveau, nous protestons donc, à la suite de cette lycéenne dont nous renouvelons l’appel, contre le sexisme latent de ces programmes. Marguerite Duras, Mme de Lafayette, Annie Ernaux, Marguerite Yourcenar, Nathalie Sarraute, Simone de Beauvoir, George Sand, Louise Labé et les autres ne sont pas spécialement intéressantes parce qu’elles sont des femmes, mais elles méritent d’être étudiées pour ce qu’elles ont apporté d’essentiel à la littérature et à la société”, insiste l’enseignante val-de-marnaise.
La ministre répond
Ministre de l’Education nationale, c’est sur le site même de la pétition que Najat Vallaud-Belkacem a répondu. “Vous avez souhaité à travers votre signature attirer mon attention sur la pétition “Pour donner leur place aux femmes dans les programmes de littérature du bac L.” La question de la place des femmes, de leur image, est pour moi essentielle. (…) Depuis 2002, la commission en charge du choix des œuvres inscrites aux programmes de littérature de la série littéraire n’a pas mis à l’étude une seule œuvre d’une auteure. Depuis 2012, le programme de l’enseignement de littérature en classe de terminale de la série L fixe deux domaines d’étude choisis pour l’amplitude et la variété des champs d’investigation qu’ils autorisent. Un programme limitatif d’œuvres, en lien avec chacun de ces domaines, fait l’objet d’une publication au Bulletin officiel de l’Éducation nationale (BOEN). Ce programme est renouvelé par moitié tous les ans et constitue un ancrage à la réflexion sur le domaine étudié. La commission prend en compte plusieurs critères dans le choix des œuvres : des critères d’ordre littéraire et esthétique, la longueur des textes, l’accessibilité et la difficulté des œuvres pour les élèves de terminale dans la perspective de l’examen, les choix effectués les années précédentes pour varier les approches (genres et périodes). Je souhaite que désormais la place respective des auteures et des auteurs soit ajoutée à ces critères afin que les œuvres des auteures femmes puissent être étudiées. Un travail de sensibilisation sera par ailleurs mené afin que ce critère soit aussi retenu dans le choix des textes sélectionnés pour les sujets d’examens. Vous pouvez compter sur ma détermination et mon engagement pour donner aux femmes toute leur place“, insiste la ministre.
A suivre sur le programme de 2017-2018.
C’est amusant : l’Éducation Nationale est constituée à 90 % de femmes, notamment chez les enseignantes ; ce sont elles qui bâtissent les programmes, supervisent les livres scolaires, déterminent les sujets d’examens, et ce sont les femmes qui protestent contre le déséquilibre homme femme pour ce qui concerne les écrivains …. Les jérémiades permanentes des femmes, toujours victimes, finissent par être lassantes. Et dans la période considérée par le secondaires, quelle est la proportion d’écrivaines qui ont marqué leur époque ?
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.