Organisée début décembre par l’association locale Créations omnivores, la troisième édition des 72 heures de la mixité professionnelle a été l’occasion de faire le point sur les initiatives mises en oeuvre sur le terrain pour inciter les femmes à exercer des “métiers d’homme” et le contraire.
«Il y a encore trop peu de professions qui s’ouvrent aussi bien aux hommes qu’aux femmes. On parle de métier mixte à partir du moment où il compte 40% de femmes et en France, cela ne concerne que 12% des métiers», résume Anaïs Guillou, déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité à la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS 94). Selon l’OCDE, l’économie pourrait gagner 0,5% de croissance chaque année jusqu’en 2030 en permettant aux femmes un libre accès au marché de l’emploi. «A cause des stéréotypes, les femmes se tournent vers des métiers moins qualifiés. L’économie se prive alors d’un important vivier de talents. Et même dans les cas où les femmes accèdent à des professions gratifiantes, elles se heurtent à un plafond de verre avec des difficultés pour accéder aux postes à responsabilité», poursuit Anaïs Guillou.
Les hommes à la vaisselle et les femmes aux chaînes de tri
Sur le terrain toutefois, les initiatives existent pour tenter d’améliorer la mixité de certaines professions traditionnellement associées à un genre. «Nous recrutons des salariés pour les chaînes de tri sélectif de Suez, à qui nous envoyons 90% d’hommes, mais avons réussi à faire venir des femmes jusqu’alors réticentes, en leur montrant les installations et les missions, explique Frédéric Chaouni, directeur d’Ares services, une entreprise d’insertion basée à Boissy-Saint-Léger. Nous leur avons obtenu la création d’un espace détente et de vestiaires et elles se sont fait une place au milieu de ces hommes.» Chez L’Oréal, l’entreprise a du user d’autres arguments pour recruter des hommes dans l’équipe vaisselle du laboratoire de Chevilly-Larue composé à 98% de femmes. “Nous avons remplacé le terme de vaisselle par manutention d’ustensile de laboratoire. Nous avons également mis l’accent sur l’aspect physique du travail avec plusieurs kilomètres de marche parcourus chaque jours», reprend Frédéric Chaouni.
Transport de véhicules utilitaires ou cars : donner confiance
Les entreprises mettent aussi les bouchées doubles pour déconstruire les barrières psychologiques dans le secteur du transport de personnes ou de marchandises. «Nous souhaitons faire évoluer les femmes au sein de notre structure et passer de la préparation de commande à la livraison. Nous sommes convaincus qu’il leur est parfaitement possible d’assurer le transport. Ainsi, nous proposons régulièrement de l’accompagnement à la conduite» témoigne ainsi Véronique Frelon, directrice des ateliers et chantiers d’insertion Val Bio Île de France situés à Choisy-Le-Roi, qui assurent à la fois des activités de maraîchage et de transport de fruits et légumes à l’aide de véhicules utilitaires. Chez le transporteur Transdev, lae politique en faveur de la mixité a démarré il y a quinze ans et l’entreprise emploie aujourd’hui 14% de femmes. «Des accords d’égalité homme femme ont été mis en place pour ne plus pénaliser les absences pour congés parentaux dans le calcul de l’ancienneté. Des vestiaires et des toilettes ont été aménagés. Les réseaux ont été sécurisés. Désormais nous sommes en lien avec Pôle emploi et les Cités des métiers pour faire faire découvrir nos professions aux femmes et les accueillir en stage», détaille Aurélie Dumontaud Seure, des ressources humaines de Transdev pour le sud de l’Île-de-France.
Un club pour faire évoluer les mentalités au Min de Rungis
Autre monde très fermé aux femmes, le secteur de l’agroalimentaire. «Sur les 12000 personnes qui travaillent au Min de Rungis, nous sommes 20% de femmes, essentiellement aux postes administratifs et de facturation, donc invisibles. C’est pourquoi nous avons décidé de nous rassembler au sein d’un club pour valoriser nos activités, permettre d’accéder à des métiers plus rémunérateurs et réfléchir aux moyens d’améliorer nos conditions de travail avec par exemple la mise en place d’une crèche à horaires aménagés», témoigne Frédérique Wagon, présidente du club des Rabelaisiennes.
«Dans le monde des entreprises, la conjoncture économique prévaut également. Et le secteur du bâtiment a par exemple recruté des femmes dans les années 1990 alors qu’il y avait une pénurie de travailleurs. Il faut laisser aux femmes une chance de montrer que leurs aptitudes sont égales à celles des hommes», insiste Frédéric Carlier, responsable de l’entreprise de travail temporaire d’insertion orlysienne, Pro Emploi Intérim.
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