Sur les 2000 habitants évacués des quartiers inondés de Villeneuve-Saint-Georges et Villeneuve-le-Roi, environ 350 personnes ont passé leur weekend dans les cinq gymnases mis à disposition dans ces deux villes mais aussi à Valenton, Choisy-le-Roi et Créteil. Sur place, unités de la Croix-Rouge du Val-de-Marne, agents départementaux et municipaux n’ont pas ménagé leur peine de jour comme de nuit pour que cette expérience soit la moins pénible possible. Médecins, urgentistes, psychologues et psychiatres du SAMU 94 sont également mobilisés.
«Des équipes pluridisciplinaires ont été mobilisées et il y a un vrai élan de solidarité qui fait plaisir à voir, avec surtout une bonne coordination. L’exercice qui a été fait il y a quelques mois a servi. Tout s’est naturellement mis en place», témoigne un agent départemental au gymnase Guy Môquet de Valenton. «Le plan Sequana a été fructueux et a permis de ne pas s’affoler», le rejoint Michel, également agent du département. Déployé en mars de cette année, le plan Sequana 2016 a en effet servi de répétition générale. Lors de cet exercice réalisé au niveau de toute l’agglomération parisienne, avait été simulée une crue du niveau de celle de 1970 afin de tester la bonne coordination de tous les services – jusque dans les opérations les plus spectaculaires de sauvetage en hélicoptère. Malgré cela, difficile de tout régler comme du papier à musique. «Les gens sont sympas et compréhensifs», apprécient les agents alors que les familles commencent à former des files d’attentes pour venir prendre leur repas du midi. Deux micro-ondes dépêchés par la ville de Chevilly chauffent les plats en même temps. Un troisième ne peut pas être utilisé pour le moment, sous peine de faire disjoncter le gymnase.
Sur le sol du gymnase dont le marquage délimite en principe les emplacements des équipes pour les épreuves sportives, une centaine de lits ont été installés entre plusieurs paravents, afin de préserver un minimum d’intimité. Un coin regroupement a aussi été prévu pour les enfants, avec des jeux de société, des dessins animés et une télévision. Des multiprises sont installées pour recharger les appareils numériques et téléphones portables. Après une deuxième nuit passée au gymnase pour la plupart des sinistrés, la liste des besoins commence malgré tout à s’allonger. «On écoute les besoins des gens pour que la situation soit la moins difficile possible. On nous a demandé de ramener principalement des duvets, des produits pour l’hygiène, des rallonges électriques. On va souvent faire les courses», explique Judith. «Les gens autour ont spontanément ramené des vêtements et des poussettes. Toutes les aides extérieures sont les bienvenues», encourage de son côté un élu de Villeneuve Saint-Georges.
En pleine période de révisions pour ses partiels de droit, Noémie s’est par exemple vue apporter un pack de feuilles pour préparer ses fiches. «Pour travailler, je révise la nuit parce qu’en journée, il y a trop de bruit. Ici, réviser est ma seule distraction“, confie l’étudiante, qui a improvisé un bureau sur la table de la cuisine.
Pour les enfants en revanche, des puéricultrices de Bonneuil-sur-Marne ont été appelées pour venir leur proposer des activités. “Ils ont de quoi faire de la pâte-à-modeler, des dessins. On en a un peu près une dizaine. Ils ont l’air bien, je ne sais pas s’ils se rendent compte. Si on était à leur place, on aimerait aussi avoir une personne pour nous» témoigne Angélique, puéricultrice. «On essaie de mettre les familles au maximum à l’aise. On leur dit de ne pas s’isoler, de faire jouer les enfants. On fait pour le mieux» motive également Serge, agent logistique.
«On n’a pas le moral mais ils sont gentils, ils font de leur mieux. Le simple fait de demander si on mange bien et si on dort bien, c’est déjà quelque chose», témoigne Maria, qui a dû quitter son logement de la rue du docteur Roux dans le quartier Blandin de Villeneuve-Saint-Georges.
Sur place également, les équipes du SAMU 94 du CHU Henri Mondor à Créteil vont au devant des personnes les plus fragiles. «On rencontre des crises d’angoisse, des personnes encore choquées émotionnellement», détaille un médecin. Les psychologues vont voir chacune des familles pour voir s’il y a détresse. “Pour ceux qui ont oublié leurs médicaments, des ordonnances sont prescrites si nécessaire.”
A Choisy-le-Roi, c’est le gymnase Paul Langevin qui a été mis à disposition et confié à l’unité locale de la Croix-Rouge de la commune pour accueillir également une centaine de personnes. « Nous prenons en charge la logistique 24/24. Notre unité tourne à une petite vingtaine de personnes. Pour l’instant, nous sommes prévus jusqu’à dimanche. Pour faire le bilan, nous avons 100 lits pour 80 personnes ce soir. Et ce sont déjà 128 personnes qui ont été impliquées par le dispositif», détaille Sophie Thoreau, directrice locale de l’action sociale de la Croix-Rouge à Choisy. Après un avis d’évacuation du côté de la Gondole Nord par précaution, des Choisyens avaient rejoint les habitants du quartier Triage de Villeneuve Saint-Georges, avant de rentrer finalement chez eux le lendemain.
Les repas sont apportés par Villeneuve Saint-Georges et servis avec l’aide du personnel de cantine de Choisy. L’espace est assez restreint entre les différentes couchettes et la chaleur étouffe légèrement à l’heure du goûter, mais les deux animateurs périscolaires engagés à la journée par la commune ne ménagent pas leurs efforts pour encadrer une vingtaine d’enfants assez dispersés. «On organise des ateliers coloriages, des séances de dessin animé et des activités manuelles. Les enfants ont créé des colliers de perle. On a aussi des jeux de société, presque trop. Là c’était l’heure de la distribution du goûter, après on ira faire un tour à la kermesse de l’école Paul Langevin juste à côté», explique Rémi. «C’est compliqué car ils peuvent se balader partout», relève Zakaria.
Au parc interdépartemental des sports, près de la gare Créteil-Pompadour, c’est désormais l’heure de la relève pour les unités de la Croix-Rouge qui assureront leur mission jusqu’à minuit. Le gymnase du parc compte moins de personnes que dans les autres sites mobilisés. « Nous avons environ 200 lits pour 55 personnes. Elles arrivent au compte-goutte depuis vendredi. On est connecté à notre poste de commandement pour nous tenir informés d’éventuels transferts. On est toujours en contact. De notre côté, on a apporté tout l’aspect matériel et installé les lits. On fait de notre mieux», indique Alexandre, responsable de l’unité d’Ivry-sur-Seine, avec deux autres bénévoles, Dadou et Anaïs.
Egalement en appui, les agents de Villeneuve Saint-Georges font les comptes. «On est en train d’enregistrer les personnes pour voir celles qui sont parties. Certains partent travailler et trouvent des solutions de relogement dans la journée. Ce soir, une cinquantaine de repas apportés par Villeneuve Saint-Georges sont prévus. On est bien aidé par les professionnels. Une assistante sociale est sur place, mais aussi un médecin de la ville avec une infirmière.» En deux jours, Villeneuve Saint-Georges a apporté 1 500 repas dans les gymnases.
Malgré le travail pour maintenir le moral, difficile pour les sinistrés de ne pas être inquiets de ce qu’ils vont retrouver en arrivant, et du temps qu’ils devront encore passer en dehors de chez eux. «Les informations que nous avons peuvent manquer de fiabilité alors nous sommes prudents, mais c’est important qu’ils aient une visibilité. Nous venons faire le tour des gymnases pour parler aux gens», explique Daniel Henry, premier adjoint à la mairie de Villeneuve Saint-Georges. Pas question en tout cas de manquer l’école. «On va mettre en place un ramassage scolaire dès lundi matin qui les emmènera dans une école de « fortune » au centre de loisirs du centre-ville. Il faut que les enfants retournent à l’école, tout comme il faut soulager les parents», motive l’élu.
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