Société | Val-de-Marne | 24/11/2016
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La lutte contre les violences faîtes aux femmes à l’épreuve du terrain

La lutte contre les violences faîtes aux femmes à l’épreuve du terrain

Ouverture de nouvelles places d’urgences, guide pour lutter contre le cyber-sexisme, formation des travailleurs sociaux , nouveaux outils juridiques, le préfet du Val-de-Marne, Thierry Leleu, présentait hier le nouveau plan d’action interministériel de lutte contre les violences faîtes aux femmes à l’occasion de la Commission départementale d’action contre ces violences, qui réunit les acteurs de terrain. L’occasion de confronter les dispositifs avec les besoins concrets.

Récemment encore nous avons appris le décès, à Valenton, d’une jeune femme de 21 ans, Aïssatou Sow âgée, battue à mort par son ex-compagnon parce qu’«Il n’aurait pas supporté, par jalousie, de la voir rentrer de soirée», a rappelé le préfet en préambule. Ces violences sont une violence à la société toute entière. Les répercussions économiques des violences au sein du couple en France sont estimées à 3,6 milliards d’euros. Ces violences ont des répercussions graves sur les enfants qui en sont témoins et victimes (conséquences sur la santé, troubles du comportement, échec scolaire,…), et la reproduction sociale de ces violences est très importante.”

Alors que 122 femmes sont mortes  sous les coups de leurs conjoints en 2015 en France, dont une dans le département, et  que 84 000 ont été victimes de viol ou tentative de viol, le nouveau plan est axé autour de trois objectifs : le renforcement des dispositifs déjà en place pour améliorer le parcours des femmes victimes de violences et leur assurer l’accès aux droits, le renforcement de l’aide publique et la lutte contre le sexisme ordinaire, la banalisation de la culture des violences et du viol.

Les ordonnances de protection font leur preuve

Pour améliorer la protection dans l’urgence, le plan préconise notamment un recours plus systématique aux ordonnances de protection, créées en 2010. Mathieu Guy, juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance (TGI) de Créteil, partage cet objectif. “Il faut renforcer les ordonnances de protection. En situation d’urgence, elles permettent l’attribution de logements avec interdiction de rencontrer les victimes, ou encore la possibilité de la dissimulation de l’adresse, même si cette demande est rarissime”, insiste le juge. Valables six mois, et reconductibles en fonction des situations, les ordonnances de protection sont de plus en plus demandées et accordées dans le Val-de-Marne. Au 1er novembre 2016,  100 ont été accordées sur 168 demandes, contre 31 accordées sur 74 demandes en 2013.

Loger la victime, ou déloger l’agresseur

Dans le département, aucune structure d’accueil d’urgence n’existe toutefois : le système repose sur des nuitées en hôtels sociaux. En 2015, près de 700 personnes ont été prises en charge dans le cadre des dispositifs d’urgence portés par le Samu Social. Actuellement, les places d’hébergement d’urgence, demandées très rapidement après le dépôt d’une plainte, manquent à l’échelle nationale comme à l’échelle du département. 4900 places devraient donc être créées d’ici à la fin 2019, au niveau national. “Il existe aussi un besoin pour l’hébergement des auteurs de violences intrafamiliales. Décider l’interdiction du retour au domicile est une chose essentielle, mais nous ne pouvons pas loger tous les auteurs en Val-de-Marne“, pointe Marie Deyts, directrice du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) chargé de prévenir la récidive et du suivi des mesures restrictives ou privatives éventuellement prononcées à l’encontre des auteurs.

Sept téléphones grand danger délivrés en Val-de-Marne en un an

Le recours aux téléphones “très grave danger” devrait aussi être favorisé. Entre septembre 2015 et septembre 2016, sept de ces téléphones ont été délivrés à des femmes victimes dans le Val-de-Marne. Aucun appel d’urgence n’a été émis. “Même si le critère, c’est un danger imminent. C’est une notion très subjective“, reconnait Emilie Rigaber, substitut du procureur de la République et chef de la division Affaires familiales au TGI de Créteil.  Les travailleurs sociaux verront aussi leur formation renforcée : beaucoup font la demande d’être régulièrement mis au courant des évolutions législatives, des structures disponibles, etc…

Ne pas oublier les enfants

D’autres besoins ont été identifiés à l’échelle nationale et déclinés à l’échelle locale. Ainsi, les enfants sont parfois mis de côté dans les situations de violences intra-familiales. “On manque clairement d’un centre d’accueil et d’écoute dédié aux enfants, regrette à ce sujet Annie Koskas, bâtonnière de l’ordre des avocats du Val-de-Marne. Très souvent, on les reçoit au sein même des commissariats : c’est une forme de maltraitance supplémentaires pour les victimes.

A l’école, le combat contre les clichés sexistes doit aussi perdurer. “Il faut qu’on arrête de sexualiser les métiers : les femmes à la couture, les hommes dans les métiers de l’industrie, etc… Les statistiques montrent que les filles réussissent mieux à l’école, mais les parcours sont totalement différents“, note Pierre Quef, proviseur de vie scolaire à la Direction académique du Val-de-Marne. 16 stages sont désormais proposés aux enseignants et professeurs de l’Education Nationale sur ces questions.

Stages et groupes de paroles pour les auteurs

Le plan prévoit également une prise en charge différente des auteurs de violences intra-familiales, dans le prolongement d’initiatives existantes. “On a mis en place des stages de deux jours pour les auteurs des faits. Nous animons aussi des groupes de paroles. Cela fonctionne plutôt bien“, témoigne Alain Legrand, psychologue et directeur de SOS Violences Familiales mais aussi de la Fédération nationale des associations et des centres de prises en charge d’auteurs de violences conjugales. Des stages qui existent aussi, sur trois jours, dans les prises en charge du SPIP. “Le levier de l’obligation est un atout incontestable pour inciter les auteurs à y participer. On la demande de plus en plus aux juridictions“, explique Marie Deyts. Totalement à la charge des auteurs des faits, ces stages de prévention de la récidive affichent des premiers retours d’expérience positifs, même si le suivi des restrictions reste perfectible, selon Marie Deyts: “Je pense par exemple que le bracelet électronique est plus efficace que le contrôle judiciaire dans les cas de violences conjugales.

Lutte contre la prostitution

En ligne de mire également, la lutte contre la prostitution. Dans le Val-de-Marne, il n’existe pas encore d’organismes institutionnels ou associatifs qui chapeautent le réseau entre police nationale, structures sociales et associations locales. Mais les choses évoluent. “On va faire un diagnostic de la situation en Val-de-Marne”, annonce Hélène de Rugy, déléguée générale de l’association l’Amicale du Nid, représentée à l’échelle nationale, mais qui n’a pas d’antenne dans le département.

Déployé sur l’ensemble du territoire, le plan de lutte contre les violences faites aux femmes sera aussi mis en valeur par des campagnes de communication. Au total, 125 millions d’euros sont alloués à ce nouveau plan. Pour rappel, les victimes de violences conjugales peuvent contacter gratuitement et anonymement le 3919. Un site Internet est également disponible.

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Les chiffres, au niveau national

Violences conjugales
1 femme décède tous les 2,7 jours victime de son conjoint ou ex-conjoint : 122 femmes ont été tuées
en 2015.
Violences sexuelles
Chaque année, en moyenne, 84 000 femmes majeures sont victimes de viol ou de tentatives de viol. Dans 90% des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la
victime. Dans 37% des cas, c’est le conjoint qui est l’auteur des faits.
Enfants victimes des violences conjugales
143 000 enfants vivent dans un foyer où leur mère a déclaré être victime de violences de la part de son conjoint ou ex-conjoint. 42% d’entre eux ont moins de 6 ans.
Les conséquences sont parfois fatales. En 2015, 36 enfants mineurs ont été tués par leur père dans le cadre de violences au sein du couple : 11 en même temps que leur mère et 25 sans que l’autre parent n’ait été tué ; 68 étaient présents sur la scène de l’homicide ou au domicile ; 96 enfants sont devenus orphelins suite aux homicides au sein du couple.
Les jeunes femmes (18-25 ans)
1 victime d’agression sexuelle sur 3 était âgée de 18 à 25 ans au moment de l‘agression ; 20% des victimes de violences conjugales sont âgées de 20 à 24 ans en Ile-de-France ; 90% des mariages forcés sont réalisés avant 25 ans ;
1 jeune fille sur 5 a été insultée en ligne sur son apparence physique et 1 sur 6 a été confrontée à des cyberviolences à caractère sexuel par photos, vidéos ou textos.
Les femmes en situation de handicap
Le handicap est un facteur aggravant d’exposition aux violences faites aux femmes : des taux de prévalence plus importants sont enregistrés pour les femmes en situation de handicap. Ils
correspondent à 3,9% des femmes handicapées et 1,87% des femmes en moyenne.
Les femmes des territoires ultramarins
La prévalence des violences faites aux femmes est plus forte dans les territoires ultramarins : elles sont 15% à la Réunion et 18% à la Martinique à se déclarer victimes de violences conjugales, lorsque ces dernières concernent 10% des femmes dans l’hexagone.

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