Nature | Val-de-Marne | 09/06/2016
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La moitié des villes du Val-de-Marne sont carencées en parcs et jardins publics

La moitié des villes du Val-de-Marne sont carencées en parcs et jardins publics

29 des 47 villes de Val-de-Marne sont carencées en espace verts publics de proximité selon le rapport de la Chambre régionale des comptes, et 80 villes dans la Métropole du Grand Paris. Des chiffres qui agacent  les élus locaux qui dénoncent des paramètres de calcul «poussiéreux». Au-delà de cet aspect, c’est la gouvernance globale de la politique d’espaces verts de la région que le rapport interroge.

C’est au début des années 1970 que l’on a recommencé à se soucier de la présence d’un peu de nature en ville, alors que se densifiait et s’étendait l’agglomération parisienne. Dès le 19e siècle, le baron Haussmann avait doté la capitale de deux poumons verts de près de 1000 hectares chacun avec le bois de Boulogne à l’Ouest et celui de Vincennes à l’Est, en plus de parcs publics intramuros. Alors que le nombre de logements explosaient au-delà du périph et que le mouvement de planification reprenait, sous l’impulsion de Paul Delouvrier, le schéma d’aménagement de 1965 insiste ainsi sur la nécessité de préserver les paysages, forêts et vallées existants. Conscient des limites des premiers grands ensembles, il pose aussi la nécessité d’y intégrer des équipements culturels, sportifs, d’éducation, administratifs… et aussi de la verdure. «C’est dans ce cadre du quartier que les citadins, enfants et personnes âgées, doivent pouvoir trouver, à proximité de leur résidence, leur part de verdure, d’espace et de soleil», y est-il ainsi mentionné. Le projet de schéma de 1980 propose ensuite de créer une ceinture verte régionale, à 10-15km de Paris. Le schéma directeur de 1994 intègre lui la nécessité de préserver l’activité agricole. On parle désormais d’espaces verts, de trame verte… et la surface dédiée à ces espaces fait partie des objectifs chiffrés des schémas d’aménagement.

Des objectifs très chiffrés, ville par ville

Concernant les espaces verts publics de proximité (les parcs et jardins que l’on peut fréquenter facilement et rapidement près de chez soi), l’objectif de 10 m2 par habitant, qui s’inspire de normes fixées dans les années 30 et 40 aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, est réaffirmé noir sur blanc dans le schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif) de 2013. Les objectifs de ce schéma d’ici à 2030 sont ambitieux. Ils prévoient la création de 2 300 hectares de parcs et jardins et 500 hectares de forêts, ainsi que la préservation de 45 fronts urbains d’intérêt régional (FUIR), 76 espaces de respiration permettant la limitation de l’étalement urbain, 158 continuités écologiques, 132 liaisons vertes et 92 liaisons agricoles et forestières. Comment concilier développement du logement, avec un objectif de 70 000 logements par an dans la région (9144 dans le Val-de-Marne), et développement des espaces verts ? Le Sdrif répond par la densification des espaces dédiés à l’urbanisation et la préservation des îlots de verdure.

Ces objectifs sont-ils atteignables ? La gouvernance et les moyens mis en œuvre pour y arriver sont-ils efficaces ? Voilà des questions auxquelles le rapport de la Chambre régionale des comptes sur la politique d’espaces verts, forêts et promenades apporte en partie des réponses et pose des questions.

Ce rapport, qui a fait l’objet d’un communiqué référé aux ministres de l’Ecologie, Ségolène Royal, et des Collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, au mois de mars, rendu public début juin 2016, pointe notamment le déficit récurrent d’espaces verts publics de proximité, indiquant que 80 communes de la Métropole du Grand Paris en sont carencées, dont 29 sur 47 communes dans le Val-de-Marne. Cet objectif «nécessitera des collectivités territoriales concernées non seulement une politique de programmation de nouveaux espaces verts accompagnant l’effort de densification à venir mais également une politique de rattrapage des déficits accumulés par le passé», note le rapport.

Focus sur les communes carencées du Val-de-Marne

Concernant le Val-de-Marne, le chiffre de 29 communes n’est plus d’actualité indique l’Institut d’aménagement et d’urbanisme Ile-de-France (IAU-IDF) car d’une part Vitry-sur-Seine a désormais passé la barre des 10 m2 d’espace vert public par habitant, d’autre part, l’IAU-IDF a intégré dans ses calculs non seulement les espaces verts mais aussi les espaces boisés, ce qui fait sortir quatre autres communes (Boissy-Saint-Léger, Le Plessis-Trévise, Limeil-Brévannes et Noiseau) en bordure de forêts. Il en reste donc 24 selon les dernières données de l’IAU-IDF (Ablon-sur-Seine, Alfortville, Arcueil, Bonneuil-sur-Marne, Cachan, Charenton-le-Pont, Chevilly-Larue, Fontenay-sous-Bois, Fresnes, Gentilly, Ivry-sur-Seine, Joinville-le-Pont, L’Haÿ-les-Roses, Le Kremlin-Bicêtre, Le Perreux-sur-Marne, Maisons-Alfort, Nogent-sur-Marne, Saint-Mandé, Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Maurice, Thiais, Villejuif, Villiers-sur-Marne et Vincennes). A noter que sur ces 24, une dizaine se situent en lisière du bois de Vincennes ou de la Marne. Voir ci-dessous le tableau des 47 villes du Val-de-Marne comprenant à la fois la proportion de la population considérée dans la zone de desserte d’un espace vert public de proximité même s’il n’est pas dans la même ville (calculée en fonction de la distance, de la taille du parc et des éventuels obstacles sur le parcours comme une voie ferrée ou une grosse route) et le pourcentage d’espaces verts publics de proximité de la commune.

Pour les maires des villes concernées, ces statistiques agacent. «Les critères d’évaluation des espaces verts actuels sont technocratiques et poussiéreux, réagit ainsi Luc Carvounas, sénateur-maire PS d’Alfortville, avant-dernière de la classe en taux d’espace vert public par habitant (1m2). Ils ne prennent par exemple pas en compte les voies sur berge. Or, à Alfortville, il y a 4,5 km de promenade aménagée le long des berges. Nous allons livrer une nouvelle plage familiale de 2500 m2 le long du fleuve qui ne sera pas non plus intégrée. Nous sommes dans une commune dense mais nous essayons d’ouvrir des jardins et squares dès que nous le pouvons», détaille l’élu, citant les nouveaux espaces du grand ensemble, le parc de l’île au Cointre, le jardin partagé et encore le projet de parc reliant les squares Camélinat et Meynet. «Nous avons créé des petits espaces verts de proximité, nous avons rouvert le parc de la Bièvre, le parc des Aulnes sur les anciens terrains de la Cemagref, et recréons de l’espace vert à chaque opportunité, même lorsque nous construisons des logements. Mais nous avons deux autoroutes traversent la ville, une prison de 17 hectares, des pépinières de la ville de Paris de 39 hectares… Et le territoire de Fresnes n’est pas extensible», défend pour sa part le député-maire PS de Fresnes, ville qui dispose de 4,1 m2 d’espace vert public par habitant. A Villiers-sur-Marne encore, qui compte 3 m2 d’espace vert public par habitant, on s’étonne de ce verdict. «Nous faisons énormément pour les parcs et espaces verts. Nous avons créé le parc du bois Saint-Denis d’1,5 hectare en plein centre-ville, alors qu’y étaient prévus des logements, le parc Gervaise à côté du bassin de rétention. Nous venons d’ouvrir 5 squares de proximité dans le cadre de la rénovation urbaine des Hautes Noues. Nous sommes en train d’acquérir une propriété en plein centre-ville pour faire un centre de loisirs avec un par cet travaillons avec Noisy-le-Grand pour ouvrir au public le bois Saint-Martin», énumère-t-on au cabinet du maire. Idem encore à Ivry-sur-Seine (5,2 m2 d’espace vert public par habitant). «Il y a un objectif régional d’espace vert par habitant mais on ne peut pas traiter toutes les communes sur le même plan. Ce n’est pas pareil à Dourdan et Etampes qu’à Ivry ou Paris, pose-t-on au cabinet du maire. Nous avons tout de même créé le parc des Cormailles (10 hectares) et prévu le parc des Confluences dans le projet d’Ivry Confluences. Nous avons aussi le cimetière parisien, qui abrite énormément d’arbres et constitue un grand poumon vert, des jardins partagés, des jardins ouvriers. De manière générale, nous menons une politique de replantation des arbres dans toutes les opérations de réaménagement de voirie. Et dans tous les projets d’aménagement de la ville, nous veillons à ce que l’espace public ne soit pas seulement traité de manière minérale mais aussi végétale. Idem dans les projets privés pour lesquels nous imposons des obligations de replantation en pleine terre.»

Chiffres espaces verts par ville du Val-de-Marne

Pressions foncières sur la ceinture verte

Concernant la géographie de la région, le rapport pointe les pressions exercées par les objectifs d’urbanisation sur la ceinture verte, qui concentrent 66% des espaces potentiellement urbanisables tels que définis dans le Sdrif, soit environ 19 000 hectares. Pour mettre en œuvre sa politique de préservation dans la ceinture verte, la région s’appuie sur 55 périmètres régionaux d’intervention foncière (Prif) au sein desquels elle peut procéder à des acquisitions. Le Val-de-Marne est concerné pour tout ou partie par 6 Prif : la Tégéval, la Plaine Montjean, Grosbois, Plessis-Saint-Antoine, Vallée du Morbras, Vallée de l’Yerres et du Réveillon. Le rapport de la Chambre régionale de la Cour des comptes préconise de mettre ces Prif en cohérence avec le Sdrif 2013.

Qui fait quoi, qui paie quoi ?

Concernant la gouvernance, le rapport rappelle que la région est, depuis 1976, en charge de coordonner l’intervention des acteurs publics sur les espaces verts, et doit être obligatoirement consultée par les autres collectivités territoriales sur leurs programmes d’investissement en la matière. Sur ce point, le rapport estime que la région ne joue pas son rôle de chef de file et n’utilise pas son droit à être informée, ce qui ne permet pas d’apprécier la coordination des collectivités et l’effort financier pour les usagers et contribuables. Surtout, le rapport pointe le manque de financement de cette compétence, indiquant qu’elle ne dispose pas de recette fiscale dédiée. Il note aussi que les compétences des autres collectivités ont évolué depuis 1976, conférant par exemple aux départements celle d’établir des plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée, ainsi que de gérer, protéger et ouvrir les Espaces naturels sensibles (ENS). En bref, la Cour des comptes suggère de repréciser qui fait quoi entre toutes les couches de gouvernance, région, métropole (qui ne s’est pas vue attribuer de compétences en matière d’espaces verts mais de plan d’urbanisme), départements, territoires, villes… «Les nouvelles compétences progressivement attribuées aux différentes collectivités comme le développement de l’intercommunalité et la création récente de la Métropole du Grand Paris, ont profondément modifié le partage des rôles fixé il y a 40 ans. Ce partage mériterait aujourd’hui d’être réexaminé à l’aune des évolutions intervenues», pointe ainsi le communiqué envoyé aux ministres. Le rapport constate également que, faute de financement dédié, la région conditionne ses projets d’investissement en espaces verts à leur entretien par les départements, communes ou groupements, et y voit là une source d’inégalités. Concernant la gouvernance de la politique des espaces verts, au sein de la région, le rapport recommande ni plus ni moins que de supprimer l’Agences des espaces verts (AEV), établissement public dédié, considérant qu’il n’est plus nécessaire de disposer d’une agence externe. A l’origine en effet, son Conseil d’administration était composé en partie de représentants de l’Etat, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui en raison de la décentralisation. La Cour des comptes estime donc que cette externalisation génère des coûts de personnels dans des fonctions supports qui pourrait être dé-doublonnées.

Sur le terrain, les coopérations entre les différentes collectivités et l’Etat suivent néanmoins leur cours, avec, dernière illustration en date, la signature de la nouvelle charte forestière de l’Arc boisé, massif classé depuis comme forêt de protection. «Nous travaillons également avec la région sur la Tégéval», note Hélène de Comarmond, vice-présidente du Conseil départemental du Val-de-Marne en charge des espaces verts. Au niveau départemental, la gestion de cette politique passe par un plan vert qui s’achève cette année (2006-2016). Le prochain reste à définir, alors que le département s’est vu conforter dans ses compétences, notamment concernant la valorisation des ENS. A ce jour, le Val-de-Marne compte 18 parcs départementaux.

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