Ancienne terre de chasse royale, zone d’entraînement militaire pendant la révolution, devenu un parc avec ses rivières, lacs artificiels et chalets restaurants au 19ème siècle, le bois de Vincennes est à la fois hyper-entretenu et un brin sauvage. Un espace public sans clôture que chacun s’approprie à sa façon, du “marginal” au citadin pressé. C’est ce rapport tantôt sacré, tantôt ludique, ou encore professionnel, que la réalisatrice Claire Simon a choisi d’explorer dans son documentaire Le bois dont les rêves sont faits, sorti en salle le 13 avril.
Durant un an, la réalisatrice de Récréations et Coûte que coûte, est partie à la rencontre de tous les pratiquants du bois, donnant à voir le festif comme l’insolite, les communautés d’amis qui se donnent-rendez-vous pour pique-niquer dans les prairies l’été comme ceux qui y ont élu domicile, à l’instar de cette femme qui vit dans sa tente et refuse de prendre un travail de peur de se retrouver dans un logement social. On y retrouve le peintre que tous les habitués du lac des Minimes croisent régulièrement, recouvrant ses mini-toiles posées sur son chevalet bien à l’ombre de motifs sans rapport avec le paysage qui l’entoure. On y croise une prostituée qui se raconte tout en ramant avec sa fille, dans une des barques vertes louées aux beaux jours, ou encore un fils de GI qui soulève des troncs pour garder la forme, un homo en quête d’un rapport éphémère, des Cambodgiens qui fêtent la nouvelle année, et même un voyeur qui entraîne la réalisatrice… et le spectateur, pour observer un couple s’embrasser contre un arbre.
A côté du foisonnement d’appropriations de ce coin de nature qui accueille aussi de nombreuses installations, du zoo au jardin tropical en passant par les théâtres, centres équestres, l’école de sport… Claire Simon met en évidence sa dimension domestique, accompagnant les agents de la ville de Paris durant leur nettoyage des feux qui sont faits pendant la nuit . On découvre avec effarement que certaines personnes considèrent le bois comme une décharge à ciel ouvert, prête à recevoir les anciens frigos, ordinateurs, bouteilles de gaz…
Dans ce bois qui a été le théâtre de nombreux événements, de l’arrivée du tour de France à la Cipale de 1968 à 1974 (magnifique vélodrome où furent également tournées plusieurs scènes de La Rafle du Veld’Hiv en 2009) aux épreuves de jeux olympiques en passant par les expositions coloniales de 1907 et 1931, pages moins glorieuses de son histoire, Claire Simon a choisi de chercher la trace de la Fac de Vincennes. Cette université de Vincennes (Paris VIII), créée après mai 1968, disposait d’un statut dérogatoire pour expérimenter en termes de découpage disciplinaire, pédagogie, évaluation, et accueillit comme enseignants des philosophes comme Hélène Cixous, Gilles Deleuze, Michel Foucault, Alain Badiou, Michel Serres… L’expérience s’arrêta en 1980, date à laquelle furent rasés les bâtiments tandis que le cursus était transféré à Saint-Denis. Aujourd’hui, l’université Paris VIII porte toujours le nom d’université Vincennes-Saint-Denis. (Voir le site consacré à l’histoire de cette université) La réalisatrice revient sur cette expérimentation en compagnie d’Emilie Deleuze, fille du philosophe, par une surimpression d’images d’archives des cours de Deleuze sur les ruines de l’université.
Deux ciné-débats ce weekend dans le Val-de-Marne
Sorti en salle la 13 avril, le film, qui dure 2h26, ne passe pas dans beaucoup de salles. Dans le Val-de-Marne, il est projeté cette semaine dans deux cinémas, Le Vincennes, à Vincennes, et le Luxy, à Ivry-sur-Seine. A noter que les deux cinémas proposeront un débat avec la réalisatrice Claire Simon ce weekend : après la projection de 20h ce samedi 23 avril à Vincennes, et après celle de 18h ce dimanche 24 avril à Ivry-sur-Seine.
Voir ci-dessous l’interview de Claire Simon lors du festival Indépendances et création
Et aussi un extrait du film
super
génial
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