Entre les collectifs écologistes qui manifestaient haut les banderoles contre la reconstruction de l’usine d’incinération à Ivry-sur-Seine, et le Syctom, syndicat de gestion des déchets maître d’ouvrage du projet, l’heure est la trêve. Il y a quelques jours, le bureau du Syctom s’est même fait présenter le projet alternatif de réduction des déchets concocté par Zéro Waste France! Objectif : une redéfinition partielle du projet dans un contexte de transition énergétique qui commence à s’imposer. Explications.
Rappel du contexte
Pour mettre à niveau le centre de tri et d’incinération vieillissant d’Ivry, mis en service en 1969 et qui couvre 38% des capacités de traitement du Syctom (Syndicat en charge de la gestion des déchets ménagers de 84 communes de l’agglomération parisienne), un double projet dont la capacité totale de traitement a été réduite d’un quart, passant de 770 000 tonnes traitées par an à 554 000 tonnes, a été lancé. Contrairement à l’usine actuelle, qui traite 730 000 de ses 770 000 tonnes par incinération, le nouveau projet, qui a fait l’objet d’une concertation sous l’égide de la Commission nationale du débat public en 2009, prévoit à la fois une unité d’incinération de 350 000 tonnes par an, et une unité de valorisation organique (UVO) destinée à séparer la matière organique contenue dans les déchets ménagers pour traiter séparément les bio-déchets et fabriquer avec du compost, du biogaz (méthanisation)… Or, cette technique de tri-méthanisation suscite une forte hostilité des écologistes car si elle est intéressante en raison de ses capacités de recyclage en compost et en énergie (biogaz), elle génère un compost pas toujours suffisamment propre pour être compatible avec un usage agricole. En outre, l’exploitation même des usines de méthanisation peut générer des nuisances, voire des fragilités (incendies). (voir article détaillé). Début 2014, la majorité municipale d’Ivry-sur-Seine s’est rassemblée sur cette question et a voté un voeu contre la TMB (traitement mécano-biologique). (voir article). En septembre 2014, le Syctom a retenu au terme d’un dialogue compétitif un groupement conduit par Sita (filiale de Suez environnement), avec Eiffage Travaux publics, Chantiers modernes BTP, Inova, Hitachi Zosen Inova, Vinci Environnement, Cegelec (désormais Vinci Energies), Satelec, Bonnars & Gardel Ingénieurs Conseils et Aia Architextes Ingénieurs associés, pour réaliser le projet.Celui-ci comporte toutefois plus tranches, fermes (recontruction du centre) et optionnelles (tri-méthanisation). Le collectif local 3R et les associations comme Zéro Waste France et Arrivem, ont de leur côté continué à plancher sur des solutions alternatives, et on présenté au printemps 2015 un plan B’OM (Baisse des ordures ménagères) destiné à éviter carrément la reconstruction de l’usine en réduisant les déchets. Voir article présentant ce plan. Au-delà des oppositions spécifiques à Ivry, la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte et les initiatives qui se multiplient pour réduire et recycler les déchets ont également contribué à faire évoluer la donne.
Nouvelle concertation depuis fin 2015
C’est dans ce contexte que le Syctom a décidé fin 2015 d’ouvrir une nouvelle phase de concertation et de réflexion “susceptibles d’intégrer dans le projet les nouveaux objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte relatifs à la collecte des biodéchets et à l’optimisation de la valorisation énergétique au travers de la préparation de combustible solide de récupération (CSR)”. Le syndicat intercommunal a à nouveau sollicité la Commission nationale du débat public (CNDP) pour lui demander de désigner un garant. Invités à participer à cette concertation, non seulement les élus des villes concernées, les représentants de la région, du département, de l’Etat… mais aussi les collectifs qui s’étaient investis sur le sujet, comme le Collectif 3R ou Zéro Waste France. (Voir la liste des membres du comité de suivi) Depuis la fin 2015, plusieurs réunions ont ainsi commencé à se tenir des groupes de travail se sont constitués. Un premier (gisements) a permis à chacun de présenter ses prévisions en termes de besoins de gestion des déchets à moyen terme. Un deuxième, qui se réunira le 30 mars, doit s’intéresser aux bio-déchets, et un troisième, qui se réunira le 4 avril, aux alternatives à la méthanisation sur site et à la valorisation énergétique. Un site Internet dédié a été mis en ligne et il est possible d’y déposer ses contributions et de s’inscrire à une newsletter pour être tenu informé des prochaines étapes. Voir le site. Tout le monde est donc désormais autour de la table pour échanger ses arguments, chiffres… même si les points de vue ne sont pas encore complètement réconciliables.
L’abandon de la méthanisation sur place apaise
“Dans les esquisses de modification de projets qui nous ont été présentées, il y a des points d’amélioration comme la prise en compte de la collecte spécifique des biodéchets. Il est ainsi prévu, dans la meilleure hypothèse, de collecter sélectivement 30 000 tonnes de bio déchets par an”, apprécie Anne Conan, du collectif 3R. Sur le terrain, les choses ont en effet bougé. Dans le deuxième arrondissement, on collecte déjà les biodéchets des cantines de l’arrondissement depuis plusieurs années et il est prévu très prochainement de collecter ceux des particuliers en mettant à disposition des bacs en pied d’immeuble. Idem dans le douzième. A Ivry aussi, il est prévu de collecter des biodéchets à la cantine. Un mouvement pris en compte par l’opérateur de gestion des déchets. “Nous restons néanmoins vigilants quant au stockage des biodéchets car il y a quand même un début de fermentation et en pleine ville, il est très difficile de contrôler les odeurs de putréfaction qui en résultent“, reprend Anne Connan.
Mais le recours au traitement mécano-biologique divise
“Nous apprécions également qu’il ne soit plus prévu de procéder à la méthanisation des bio-déchets sur le site, même s’ils prévoient un pré-traitement que nous allons questionner. Les maires n’en veulent plus. Ils ont eu trop peur avec l’incendie de l’incinérateur de Fos sur Mer. En revanche, nous sommes hostiles au TMB (traitement mécano-biologique) qui reste à l’ordre du jour alors que nous pensions qu’il était également remis en question. Le Syctom pense qu’il n’y aura pas suffisamment de baisse des ordures ménagères pour que l’usine d’incinération de 350 000 tonnes soit suffisante. Nous pensons le contraire car ces estimations ne tiennent pas compte de la loi de transition énergétique ni du Predma (Plan régional d’élimination des déchets ménagers et assimilés). Le Syctom souhaite donc pouvoir agir sur les ordures ménagères en mélange en créant à la fois des CSR (combustible solide de récupération) et des fractions fermentescibles qui seraient envoyées avec les boues des stations d’épuration dans le cadre d’un accord avec le Siaap (traitement des eaux). Nous maintenons que ceci n’est pas nécessaire et restons fermes sur le plan B’OM que nous estimons tout à fait raisonnable”, indique Anne Connan.
La discussion promet donc d’être riche en arguments lors de la réunion des groupes de travail de fin mars et avril.
Bonne nouvelle de constater que les dirigeants du Syctom ne s’enferment pas dans un scénario de projet inutile. Je ne peux qu’encourager les associations à persévérer dans leur mouvement.
Les dirigeants du Syctom semblent avoir enfin compris l’impossibilité d’installer une usine de tri-mécano-biologique et de méthanisation de 310 000 tonnes dans une zone fortement urbanisée compte tenu des risques ( explosion, incendie) et du dépassement des coûts ( plus de 40% du coût initial à Montpellier qui doit par ailleurs mettre son compost en décharge car personne n’en veut tout en finançant des procédures judiciaires contre l’exploitant). L’usine d’Angers a dû fermer trois ans après son ouverture( odeurs pestilentielles un jour sur deux, danger pour les salariés)
Les biodéchets doivent être triés à la source , faire l’objet d’une collecte séparée pour ne pas être souillés afin de faire du bon compost comme à San Francisco. Il permettra d’apporter le fertilisant nécessaire à nos sols agricoles biologiquement appauvris et gravement pollués par les produits chimiques.
D’ailleurs le Syctom le sait bien puisqu’il propose des tarifs dégressifs en fonction de l’amélioration du tri , ainsi qu’une aide via ses tarifs pour encourager la collecte séparée des biodéchets : voir le dernier numéro du journal du Syctom. On peut se demander pourquoi les élus de nos communes qui se plaignent de voir leurs recettes diminuer ne se ruent pas pour lancer cette collecte séparée aidée par le Syctom ( pendant 3 ans ), qu’ils seront de toute façon tenus d’organiser d’ici 2025 selon la la loi de transition énergétique pour une croissance verte.
Curieusement ils préfèrent les solutions coûteuses et compliquées ( comme d’aller mélanger les éléments fermentescibles de nos ordures résiduelles collectées à Ivry avec les boues d’épuration d’Achères) proposées par les industriels qui dominent le secteur, on se demande pourquoi…
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