Société | | 11/02/2016
Réagir Par

Les Kurdes du Val-de-Marne dans la rue après le massacre de Cizre

Les Kurdes du Val-de-Marne dans la rue après le massacre de Cizre

Entre les Kurdes et le pouvoir en place turc, les relations déjà tendues ont carrément dégénéré ces dernières semaines et c’est une véritable guerre qui oppose les uns et les autres au sud-est du pays, près de la frontière syrienne. Le weekend dernier, la “neutralisation” de rebelles kurdes réfugiés dans un bâtiment de la ville de Cizre a fait plusieurs dizaines de morts dont une majorité de civils . C’est dans ce contexte que le Conseil démocratique kurde de France appelait sa diaspora à manifester un peu partout cette semaine. Ce mercredi 10 février, la communauté kurde du Val-de-Marne était au rendez-vous. Reportage.

Dès 10 heures du matin devant la mairie de Villeneuve-Saint-Georges, une centaine de personnes s’étaient rassemblées pour cheminer vers Choisy et Vitry avant d’aller à Paris, hissant haut le drapeau à l’effigie de Abdullah Öcalan, fondateur en 1978 du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), organisation armée considérée comme terroriste,  en prison depuis 1999.

Arrivé de Turquie avec ses parents à l’adolescence, en 2007, Murat a commencé sa nouvelle vie à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Il ne parlait pas un mot de français. Aujourd’hui âgé de 23 ans, il s’est accroché mais reste très marqué. “On avait la pression de l’Etat turc sur nous, qui nous considère comme un groupe terroriste. Mes grands-parents, eux, sont encore au Kurdistan du Nord, dans la ville de Varto. Je n’arrive pas à dormir la nuit…” témoigne l’ouvrier en bâtiment. “Mon cœur bat toujours là-bas, mon enfance, je ne l’oublierai jamais… On veut faire passer un message, en réponse aux 60 civils Kurdes qui ont été massacrés en Turquie ce weekend”, motive le jeune homme. “On essaye de sensibiliserOn n’a jamais oublié notre peuple, et on sera toujours derrière.” Aujourd’hui, Murat s’implique dans la communauté par le biais d’associations culturelles. “Je participe à des cours de langue et de danse folklorique.

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (11)

Murat, 23 ans, ouvrier dans le bâtiment, à Mantes-la-Jolie (Yvelines)

Mohamed, lui, est arrivé tout seul à Corbeil-Essonnes (Essonne) lors qu’il est arrivé il y a sept ans, à l’âge de vingt ans. Il garde la foi. “C’est dur mais c’est comme ça … Je marche avec mon cœur. J’ai toujours manifesté partout, en France comme en Turquie, même si là-bas, les manifestations sont interdites. Au moins, ici, on ne risque rien” se rassure-t-il avec ses camarades de fortune. Le Français, il l’a appris sur le tard, au travail, dans le bâtiment.

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (17)

Mohamed, 27 ans, ouvrier dans le bâtiment à Corbeil-Essonnes

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (28)

Ozgur (debout), 17 ans, en école de mécanique à Melun, avec ses camarades

Capuche sur la tête et foulard devant le visage, Devrim reste méfiant. “Je suis sur mes gardes, parce que c’est déjà arrivé qu’un extrémiste turc s’en prenne comme ça à une manifestation kurde en France. Cela peut dégénérer à tout moment“, justifie le jeune maçon de 21 ans, né à Mulhouse (Alsace), d’un père réfugié politique. “On est venu avec un groupe depuis Rouen.” 

Yoncu, mère de 5 enfants, est arrivée en France à l’âge de 19 ans. “Je me suis mariée jeune et installée à Mantes-la-Jolie. Je suis couturière mais je ne trouve pas de travail en France, c’est donc toujours difficile de s’intégrer…” En Turquie, elle a laissé derrière elle un frère, emprisonné depuis 21 ans.

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (15)

Yoncu, 38 ans, couturière sans emploi, à Mantes-la-Jolie

On veut la libération d’Öcalan, le peuple kurde est le dernier rempart contre Daesh, nous combattons dans les premiers rangs”, implore Isabelle, 25 ans et étudiante en langues étrangères appliquées. “J’ai de la famille au Kurdistan du Nord, mes grands-parents, ma tante, mon oncle… Je suis née en France en Seine Saint-Denis. Le PKK m’a aidée à retrouver mon identité. Tout le monde est à la recherche d’identité à un moment donné dans l’adolescence. Je me demandais qui j’étais vraiment. Cela ne m’empêche pas d’être citoyenne française mais c’est un manque en moi, les Kurdes, c’est mon peuple…

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (14)

Cemile Renklicay, coprésidente du conseil démocratique Kurde de France, a rejoint son père à l’adolescence à Vincennes depuis la Turquie, et milite aujourd’hui pour faire reconnaître des droits constitutionnels aux Kurdes

 

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (33)

Nous avons appelé à manifester pour arrêter le silence des meurtres commis en Turquie. Les Français parlent de nous uniquement à travers le prisme de Daech, et des actions que nous menons là-bas sur le terrain” insiste Songul, 18 ans à peine. “Je me sens à la fois Française et Kurde. J’ai de la famille au Kurdistan du Nord, des grands-parents, des oncles, des cousins, notre peuple, c’est notre famille !” Après une enfance en Bourgogne, la jeune fille a rejoint Paris pour des études en sciences politiques et commerce. Elle demeure très active avec l’Union des Etudiants Kurdes de France. “On tente de sensibiliser la jeunesse, par des tractages et des conférences à l’Université de Créteil.” Sur son drapeau, on peut lire en Kurde : femme, vie et liberté.

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (9)

Songul, 18 ans, étudiante à Paris

Le centre culturel kurde de Villeneuve-Saint-Georges cherche à communiquer avec les élus locaux pour se faire connaître et montrer qu’il n’y a aucune peur à avoir de nous”, plaide Assad, en charge des relations extérieures du centre.”Les Kurdes ont inventé l’écriture, c’est le berceau du monde”, défend-il. “Nous sommes habitués à souffrir, cela nous motive et décuple nos forces !”  De la deuxième génération, Assad a grandi dans le Val-de-Marne. “Ma tante, mon grand-père…  j’ai encore du monde encore là-bas…  J’avais 5 ou 6 ans quand je suis venu habiter du côté d’Ormesson-sur-Marne. Maintenant, je vis à Créteil.” C’est aussi le cas d’Ozgur, 17 ans, arrivé en première année de collège en 2010 à Melun (Seine-et-Marne).

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (18)

Avant de marcher vers la Bastille, les manifestants ont tous été reçus par Didier Guillaume, maire PCF de Choisy-le-Roi, à midi. “La guerre crée des traumatismes profonds dans la famille. Tous ici, nous pouvons vivre en paix“, plaide l’édile.

Une marche de plus grande ampleur  est prévue le 13 février à Strasbourg, et nombre de personnes présentes aujourd’hui ont d’ores-et-déjà prévu de s’y rendre.

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (29)

marche kurde villeneuve saint georges didier guillaume choisy pkk turquie prison migrants portraits (13)

 

Abonnez-vous pour pouvoir télécharger l'article au format PDF. Déjà abonné ? Cliquez ici.
Aucun commentaire

    N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.

    Ajouter une photo
    Ajouter une photo

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

    Vous chargez l'article suivant