Cela va de quelques heures le weekend au temps plein, voire plus. En dehors des amphis, nombreux sont les étudiants qui ne chôment pas, empilant les jobs pour financer leur loyer ou leurs sorties. A Créteil, les étudiants de l’Upec (Université Paris Est Créteil) ne font pas exception.
Clément, 21 ans, apprend l’Espagnol à l’université et travaille sur des chantiers en intérim, les weekends et vacances scolaires. “C’est un travail vraiment physique et difficile, mais je suis bien payé, parfois jusqu’à 300 euros en un weekend. J’ai de la chance carmes parents m’hébergent sans rien me demander et je mets moins de vingt minutes à rejoindre la fac depuis Saint-Maur, alors je travaille pour pourvoir sortir, m’acheter des choses, faire des cadeaux, me payer des voyages… Cet été, j’ai passé deux mois au Canada !” se réjouit l’étudiant. Les voyages sont aussi la motivation de Charlyne, de Maisons-Alfort, qui veut rejoindre son petit ami à Miami et est prête pour cela à se lever aux aurores les weekends pour vendre du pain sur les marchés de Drancy et de Pantin. “Le samedi, je me lève à 3 heures 50 et le dimanche à 4 heures 30… C’est fatigant avec les devoirs. L’après-midi, j’ai du mal à garder les yeux ouverts pour travailler mes cours.” En deuxième année d’Anglais, la jeune fille rêve de s’installer aux Etats-Unis et de suivre une formation d’hôtesse de l’air.
45% des étudiants ont une activité rémunérée pendant l’année universitaire
Selon la dernière enquête (2013) sur les conditions de vie étudiantes réalisée par l’Observatoire national de la vie étudiante, 45% des étudiants ont une activité rémunérée pendant l’année universitaire. Si un tiers ne sont que des jobs qui n’excèdent pas un mi-temps, et qu’un autre tiers des activités rémunérées sont directement en lien avec les études (stage professionnel ou alternance), 20% dépassent le mi-temps sans lien avec les études et même plutôt en concurrence avec elles. 13% des activités sont mêmes considérées comme “très en concurrence” avec les études, exercées au moins à mi-temps et plus de 6 mois par an. Télécharger l’étude.
Payer son loyer
Pour certains, les revenus dégagés permettent de prendre son indépendance en louant son propre logement. “J’ai commencé à travailler l’année dernière à la rentrée quand j’avais du temps libre. Cela m’a permise de m’installer en décembre avec mon copain qui travaille. Ma bourse et mon job me permettent de participer au loyer“, explique Ambre (photo de une), étudiante en L2 de Lettres Modernes, qui passe ses samedis comme vendeuse à la boulangerie Paul du centre commercial de la Place d’Italie, à Paris. Océane, étudiante en première année de biochimie, travaille pour pouvoir vivre plus près de l’UPEC. “Je fais ce boulot juste pour vivre parce que ça ne me plaît pas du tout ! Comme j’habite à Meaux, j’ai pris un appartement en colocation avec deux personnes à Bonneuil pour me rapprocher de l’université. Le loyer est à 800 euros. Les parents m’aident un peu, quand ils peuvent. Je fais du 7/7, il n’y a pas un seul jour où je ne fais rien !“, témoigne l’étudiante.
Drame de la vie
Pour d’autres, ce sont les événements de la vie, parfois dramatiques, qui ont précipité la recherche d’un emploi. “Ma mère est décédée l’année dernière, de manière soudaine“, se souvient William, ému. “Depuis, c’est compliqué financièrement pour nous, alors si je fais des études, je dois participer à tous les frais du foyer“, témoigne-t-il. “Cette nuit-même, j’ai participé à l’établissement d’inventaire de tout un supermarché. Je fais cela souvent. Cela prend toute la nuit donc c’est fatiguant, mais c’est plutôt bien payé : 100 euros la nuit environ.”
Pour étudier en France
Aziz, étudiant marocain de 26 ans en Master d’informatique après avoir effectué une école d’ingénieur, s’accroche pour suivre le cursus universitaire français. “A 5 heures, je suis dans le premier métro ! Je fais la promotion de produits dans les centres commerciaux où je suis envoyé. Je vis chez mon grand-frère qui est marié, avec des enfants. Après les cours, je vais chercher ma nièce à l’école, ça l’arrange, puis je participe aux courses. Avant, je ne faisais rien d’intéressant et j’aurais pu m’engager dans la mauvaise voie. Mais je savais au fond de moi que j’avais des compétences pour faire autre chose, insiste l’étudiant. Et là, je viens de trouver un super stage de 6 mois à Toulouse, payé 1000 euros par mois, je suis ravi !”
Les horaires de fastfood ont la cote
“Je travaille pour pouvoir couvrir mes dépenses personnelles et faire des économies. Je vis chez mon grand-frère à Vitry depuis trois mois. Plus tard, je voudrais devenir journaliste sportif, et comme j’adore la Bundesliga (championnat de football allemand), j’ai commencé par une licence d’Allemand“, pose un étudiant L1 d’allemand, qui a dégoté un CDI aux heures modulables au MacDonald’s de Créteil Soleil. De quoi gagner jusqu’à 700 euros par mois en fonction des heures supplémentaires effectuées. Pour les étudiants dont les emplois du temps évoluent parfois chaque semaine, il faut en effet jongler avec les horaires. Même si l’ambiance fastfood a ses avantages et ses inconvénients… “L’avantage, c’est que je n’y vais plus : ça m’a dégoûté de la friture, s’amuse un étudiant, employé, lui dans un Quick, une quinzaine d’heures par semaine. “Je me brûle sans arrêt, l’odeur de viande grillée m’insupporte… Mais c’est pratique, on peut faire beaucoup d’heures supplémentaires, et il y a une super ambiance car il y a pas mal de jeunes dans l’équipe.”
Conserver sa passion
Pour certains encore, il s’agit de ne pas renoncer à ses passions. “Je travaille dans le centre-équestre de mon village”, se réjouit Clémentine, 21 ans, qui suit des études de droit. “Le mercredi après-midi, je m’occupe des écuries et des chevaux, en les nettoyant, etc. Et le samedi, je donne des cours de poney aux plus-petits ! Ça me rapporte 450 euros par mois et surtout, ça me permet de garder un pied dans l’équitation, parce que je n’en avais plus le temps, ni les moyens !” Même topo pour Antoine, pongiste amateur en Seine-et-Marne. “Je jouais à un bon niveau quand j’étais ado, j’ai souvent remporté des compétitions, avec des gains d’argent à la clé, j’ai beaucoup mis de côté“, explique-t-il. Des victoire sportives qui lui ont permis de garnir un PEL (Plan Epargne Logement). “Aujourd’hui, je joue à un niveau amateur, avec les copains. On gagne de quoi se payer nos déplacements et un petit restaurant de temps en temps. En plus, j’encadre des jeunes dans mon club deux après-midi par semaine, pour 350 euros par mois.”
Anne, 20 ans, ancienne surveillante au collège-lycée Albert de Mun de Nogent-sur-Marne, a pu mettre de l’argent de côté pour financer son Erasmus en Espagne. “Je surveillais les primaires le midi et assurais les permanences des collégiens. L’employeur était très conciliant parce qu’il facilitait l’aménagement de mon emploi du temps. Comme je pars lundi à Cadiz, j’ai dû arrêter mon contrat de pionne mais mon employeur m’a laissé la porte ouverte pour le retour“, se projette déjà la jeune femme.
Bosser à l’Upec
L’université de Créteil elle-même, est pourvoyeuse d’emploi étudiant. l’UPEC a mené une politique active en faveur de l’emploi étudiant depuis quelques années. “En 2009-2010 : selon l’enquête menée par l’IGAENR en 2011 : l’UPEC se situait en 6ème position des plus gros employeurs d’emplois étudiants, sur 93 établissements“, indique-t-on du côté de l’université. “L’UPEC y a consacré 1, 35 millions d’euros en 2010-2011 pour un peu plus 400 emplois. En phase avec les caractéristiques sociales des étudiants, l’objectif était de développer un accompagnement par l’emploi, renforcer l’investissement des étudiants dans les activités de l’UPEC, promouvoir et assurer de nouveaux services aux étudiants eux-mêmes, favoriser par une première approche professionnelle les compétences acquises par les étudiants et permettre aux étudiants qui ont besoin de ressources de travailler au plus près de leur lieu d’études et à des tâches utiles pour les établissements, avec pour objectif l’amélioration de la qualité de vie des étudiants”, détaille l’université.
Propos recueillis par Florian de Paola et François Leroy
Que les étudiants fassent des petits boulots, cela a toujours existé. Mais ce qui est grave, c’est que aujourd’hui beaucoup d’étudiants sont en mode survie : le prix des logements (faute de résidences adaptées) est considérable (et les propriétaires tiennent compte de l’APL pour majorer les prix), et de très nombreux étudiants sont trop fatigués pour pouvoir étudier correctement car ils doivent trop travailler à l’extérieur ; beaucoup aussi mangent très mal et ne peuvent pas se soigner correctement. Et après leurs études, ils devront passer de stage en stage peu ou pas rémunérés. La jeunesse d’aujourd’hui a peu de raisons d’être optimiste …
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