Tenir une librairie indépendante aujourd’hui relève de la passion et du combat quotidien. Lorsqu’une librairie ferme, c’est bien souvent en agence de services ou magasin de vêtements qu’elle se transforme. A Bry-sur-Marne, Albert Zenouda en a décidé autrement, qui s’est installé il y a maintenant cinq ans dans l’ancienne réplique de la Griffe noire (librairie saint-maurienne), sous le nom de l’Ivresse du livre, rue de la République.
Pour cet amoureux des bouquins, il s’agissait là d’un second défi entrepreneurial, mais toujours dans la librairie. Au début des années 1970, ce-sont pourtant des études d’opticien qu’Albert Zenouda a suivi pour rentrer dans la vie active. Une orientation par défaut. Ce qu’il voulait faire, c’était médecine. Mais la longueur des études et le prix des manuels écartent cette filière des options financièrement accessibles. Attiré par l’aspect scientifique de l’optique, il s’ennuie ferme à vendre des montures, plongeant dans la lecture dès que se présente la pause. Un de ses collègues lui fait remarquer. «C’est libraire que tu devrais faire !» Cherchant à se rapprocher de la dimension scientifique de l’optique, il persévère toutefois et se voit proposer des collaborations dans des bureaux d’études pour faire de la recherche sur les verres et les minéraux. Le projet l’enthousiasme mais il a des enfants en bas âge et la perspective de voyages permanents en Allemagne et en Italie apparaît compliquée alors que les deux parents travaillent. L’idée de la librairie prend forme.
«J’ai été voir le Syndicat des libraires en 1977 et leur ai dit que je cherchais un patron pour m’apprendre le métier, avant de créer mon entreprise», se souvient Albert Zenouda. C’est ainsi qu’il fait la rencontre de celui de la librairie Paul Vulin du passage Jouffroy (Paris 9e). «Il approvisionnait les bouquinistes, régnait sur plusieurs librairies et arrivait en voiture avec chauffeur, mais dans sa librairie, il portait la blouse grise», évoque l’ancien apprenti. Il y a passe trois ans, prenant une fois formé la tête d’un magasin rue de Rome. «Il m’a appris le métier, et a commencé par me faire lire toute la collection Folio, à raison d’une heure et demie par jour tous les matins!»
C’est finalement en 1980 qu’Albert Zenouda franchit la porte de son propre commerce. Il achète d’abord une toute petite librairie au 15 boulevard Henri IV, qu’il agrandit progressivement. Il la tiendra durant 27 ans. «Toute montagne a deux versants et je sentais qu’il fallait vendre avant la descente. Je n’avais plus la niaque. En plus, cela devenait compliqué d’avoir du personnel stable. J’ai décidé de prendre une année sabbatique.» Il devient ensuite consultant pour promouvoir les éditeurs de langue française dans les pays francophones, avant de retomber dans la librairie, à Bry-sur-Marne.
En 2010 en effet, Gérard Collard, le patron de La Griffe noire de Saint-Maur-des-Fossés, ferme la librairie éponyme qu’il avait ouverte 13 ans plus tôt à Bry, pour se recentrer à Saint-Maur où il vient de s’agrandir. A bry, Albert Zenouda rallume les lumières et remplit à nouveau les rayons de livres en mai 2011, sous le nom de l’Ivresse du livre. Pour redémarrer le stock, d’abord avec 15 000 références, il emprunte à la banque et bénéficie également d’un crédit via la région Ile-de-France.
«Il a fallu regagner la confiance des clients mais il y avait beaucoup d’attentes. J’estime qu’une librairie n’est pas viable dans une ville de moins de 20 000 habitants et Bry en compte 16 000, mais ce-sont des habitants qui consomment vraiment dans la ville. Et puis nous avons également des clients des communes voisines. Nous travaillons aussi avec les entreprises et les marchés publics», détaille le libraire.
Disposée sur deux niveaux, l’Ivresse du livre s’efforce d’être présente sur tous les registres, en tant que librairie généraliste, occupant les moindres recoins disponibles. Et à l’étage, les rayons jeunesse et bandes dessinées débordent littéralement des présentoirs de tous les éditeurs pour répondre à tous les âges. «Nous proposons aussi des produits de papeterie un peu originale, qu’on ne trouve pas forcément partout.» Rien n’est à négliger pour répondre à tous les goûts, susciter l’achat d’impulsion et assurer les recettes pour payer les quatre personnes qui se relaient en boutique. “Nous sommes une librairie généraliste et devons être polyvalents, mais chacun fait avec soi, avec ses goûts. Nous sommes quatre libraires. L’un est davantage orienté BD-jeunesse, l’autre littérature américaine… Moi je suis très fervent d’essais et conseille aussi les romans», détaille Albert Zenouda. Pour fidéliser sa communauté de clients, la librairie organise un événement chaque mois, en général une dédicace. Dernières en date, celles d’Olivier Bourdeaut (En attendant Bojangles) et de la Suédoise Katarina Mazetti (Le Mec de la tombe d’à côté, Caveau de famille…).
A Bry, le défi a été relevé. Mais il reste difficile. A Villiers-sur-Marne, ville voisine, la pétillante librairie indépendante Mille-feuilles, créée fin 2009 par deux passionnées, a arrêté son activité à l’été 2015. Albert Zenouda a songé un moment à la reprendre, mais a estimé la chalandise insuffisante. A 62 ans, le libraire briard a en revanche décidé de lancer son site marchand, histoire de rester à la page.
Les livres: un bon rempart contre les pensées simplistes qui tendent à s’imposer dans notre pays. Découvrir le monde et ses différentes cultures est un bon moyen d’ouvrir son esprit et de réfléchir. Courez acheter des livres (ou allez dans les bibliothèques).
Bravo aux passionnés qui transmettent l’amour des livres.
Très bel article, qui donne envie de revenir jusqu’à Bry pousser la porte d’une librairie autrefois fréquentée à l’occasion, du temps d’une autre enseigne. Qui rappelle, aussi, l’importance de favoriser les petits libraires indépendants face aux grands noms hégémoniques. Bravo, M. Zenouda !
Merci pour cet article qui permet de mieux connaitre cet homme formidable qu’est Albert ZENOUDA. Un petit coup de mou, je file à l’Ivresse du Livre et le moral revient !
Un grand bravo à vous Monsieur Zenouda !
Je ne savais pas tout ça, je suis eblouie !
Votre librairie est un repère de lectures, d’échanges et de petites trouvailles pour des cadeaux d’anniversaires originaux.
C’est un plaisir de franchir votre porte.
Ingrid BERNA
Je n’habite pas Bry mais je connais bien la ville car j’y ai travaillé et ma mère y vivait.
J’achète peu de livres pour moi car je fréquente des bibliothèques, par contre, j’ achète souvent ceux que j’ai aimés pour offrir.Un livre est le cadeau que je fais le plus fréquemment.A l’Ivresse du livre,j’achète aussi les cartes de style kirigami que mon entourage apprécie beaucoup.
J’aime feuilleter un livre ,en discuter avec un libraire et ça, internet ne le permet pas alors MERCi à L’Ivresse du livre et à tous les courageux libraires.
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