Depuis le stand Evasion, un jeu de ficelle qui permet de gagner d’immenses peluches… ou des lots de consolation, Geoffrey officie sans relâche au micro pour attirer la foule. Depuis quelques jours, le forain a garé sa caravane sur la pelouse de Reuilly du bois de Vincennes, à l’occasion de la Foire du Trône qui se tient jusqu’au 22 mai.
“La fête foraine, c’est une tradition familiale de génération en génération“, explique-t-il. Trentenaire et père d’un petit garçon, Geoffrey travaille avec sa femme Stessy. Le forain a repris les affaires des parents, comme les quatre générations le précédant, et travaille depuis l’âge de 14 ans. “Dès qu’on sait compter, on travaille, avant même d’apprendre à lire!” Le couple est aidé par deux employés forains extérieurs à la famille.
La Foire du Trône, pour Geoffrey, c’est un événement incontournable. Et il y retrouve chaque année les mêmes habitués. “Elle évolue toujours, y a qu’à voir les manèges à sensations, moi j’ai connu l’époque où ils étaient encore en bois, ça a bien changé. Et puis, maintenant, on a un bien meilleur éclairage des stands. Malheureusement, ces dernières années, on ressent la crise du pouvoir d’achat. On n’est plus dans les années 80“, regrette le forain. “Les gens viennent moins, peut-être la concurrence de Disney?“, s’interroge Stessy. “On est aussi tributaire du temps. Ce serait bien que le soleil revienne, que ça fasse venir du monde!” s’impatiente le couple.
Afin d’assurer l’animation du stand du matin au soir tous les jours de la semaine, le couple garde à tour de rôle leur jeune garçon dans la caravane. Mais il arrive aussi que le couple se retrouve séparé pendant des mois, quand leur itinéraire de travail ne coïncide pas. Car la fête ne s’arrête jamais. “On a juste une semaine de battement pour démonter le stand et le remonter dans une autre ville. En plus de Paris, on passe aussi par Beauvais, Douai, Rethel, Dieppe et Lille. Et les trois mois d’hiver, on descend dans le Sud, à Monaco, Nice et Menton“, égrène Geoffrey. Une vie à cent à l’heure dont le couple se satisfait. “Je ne me vois pas faire autre chose“, assure Geoffrey. “On aime ça ! C’est la liberté et le plaisir d’être patron. Si je n’avais pas fait ce travail, j’aurais été quoi ? caissière ? “ se demande Stessy. Pour les enfants des forains, tous ces trajets impliquent en revanche une autre forme de scolarité. “Si la tournée dure six mois, c’est plus simple de changer d’école à la fin de l’année, et puis les enfants peuvent aller chez leurs grands-parents. Mais si les tournées sont plus courtes, alors les enfants vont en pension.”
A quelques pas, le stand voisin Chez Loulou est tenu par la mère de Stessy. Elle aussi fait gagner des peluches mais avec une autre règle du jeu. Un anneau de fer devra être lancé sur le haut de la bouteille pour l’emporter. Avec deux autres employés, ses neveux Mohamed et Yanis font des démonstrations pour encourager les joueurs à tenter leur chance. Les deux cousins partagent leur temps entre leur caravane et un studio à Vitry-sur-Seine. Aujourd’hui âgé de 18 ans, Mohamed a commencé les Fêtes Foraines il y a trois ans, abandonnant son poste d’apprenti-serrurier. “Y a une bonne ambiance, les gens viennent s’amuser et y a rien de mieux que de les voir prendre du plaisir quand ils gagnent, surtout avec les enfants. En plus, j’adore voyager!“, motive le jeune homme. Du même âge, Yanis est encore au lycée Val de Beauté à Nogent-sur-Marne où il passera son bac professionnel commerce à la fin de l’année scolaire. Venir travailler tous les samedis et dimanches lui permet d’avoir un peu d’argent de poche et de profiter de la famille. “On aide notre tante! Ce qui me plaît dans ce travail, c’est la relation avec les clients et le dialogue avec les gens. Finalement c’est un peu du commerce. Je me vois bien continuer! Les jeunes prennent la relève“, se projette-t-il déjà.
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