En principe, la justice des entreprises se règle au sein du Tribunal de commerce local, sous la houlette de juges bénévoles mais dûment formés à cette tâche. Dans le cadre de la loi Macron, il est désormais prévu de confier les affaires considérées comme importantes ou compliquées, à quelques tribunaux spécialisés.
Face à la fronde ds tribunaux de commerce contre cette décision, le nombre de ces tribunaux de commerce spécialisés, initialement prévu à 8 (alors qu’il y a en France 134 tribunaux de commerce), est passé à 18 (Besançon, Bordeaux, Evry, Grenoble, Lille Métropole, Lyon, Marseille, Montpellier, Nanterre, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Poitiers, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse), à l’occasion d’une annonce faite fin novembre 2015 par Christiane Taubira, l’ancienne garde des Sceaux. Mais le décret officialisant cette liste n’est pas encore paru.
Bobigny a déjà gagné la partie
Lors de son audience solennelle de rentrée, fin janvier 2015, Brigitte Gambier, présidente du Tribunal de commerce de Créteil, avait regretté que ni Bobigny, ni Créteil ne figure parmi cette liste pressentie. Finalement, le projet de décret, a rajouté Bobigny, passant à 19 tribunaux spécialisés. Officiellement, le chiffre reste à 18, auquel il faut rajouter la chambre commerciale spécialisée du TGI de Strasbourg. Ce rajout de Bobigny est la seule différence entre la liste des 18 tribunaux annoncée par Christiane Taubira et le projet de décret. Une belle victoire pour le Tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis) mais de la déception du côté de Créteil qui n’est pas non plus un petit tribunal. Avec ce décret, toutes les affaires concernant des entreprises du Val-de-Marne de plus de 250 salariés ou 20 millions € de chiffres d’affaires, seront jugées en Seine-Saint-Denis tandis que le tribunal du Val-de-Marne continuera de gérer les autres dossiers.
Avec 99 000 établissements publics ou privés, 87 000 sièges sociaux, 356 000 emplois privés, 11 entreprises du CAC 40, des grosses plates-formes d’emplois et d’entreprises de l’aéroport d’Orly, du MIN de Rungis, de la Sogaris, et un PIB au 8e rang au niveau national, le Val-de-Marne n’est pourtant pas un nain économique et son tribunal de commerce a de quoi faire chaque année. Toutes affaires confondues, ses 47 juges bénévoles ont traité en 2015 quelques 17 424 dossiers.
Le Conseil national des tribunaux de commerce rend un avis négatif sur le projet de décret
“Le poids du bassin d’activité du tribunal de commerce de Créteil nécessite qu’il figure parmi les pôles spécialisés. C’est l’assurance que l’ordre public économique y soit assuré au-delà de toute autre considération“, plaidaient ainsi les juges du Tribunal dans un courrier adressé mi février au Conseil national des tribunaux de commerces qui devait rendre un avis consultatif sur le projet de décret le lundi 22 février. Un courrier qui est sans doute venu s’ajouter à une pile d’autres en provenance des tribunaux de province. Toujours est-il que le Conseil national a rendu un avis négatif. L’avis n’est certes que consultatif mais il pourrait néanmoins inciter à rouvrir le dossier.
Les élus interpellent le Garde des Sceaux
Alertés par la présidente du Tribunal, Brigitte Gambier, ainsi que par le président de la CCI du Val-de-Marne, Gérard Delmas, les parlementaires Michel Herbillon, député-maire LR de Maisons-Alfort, Christian Favier, sénateur-président PCF du Conseil départemental, et Luc Carvounas, sénateur-maire PS d’Alfortville, ont pour leur part écrit au nouveau garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, pour plaider la cause du tribunal du Val-de-Marne, lui rappelant le poids économique du département et le fait des tribunaux beaucoup plus petits que celui de Créteil ont été retenus parmi les tribunaux spécialisés. “Je regrette cette intention de dessaisir la juridiction du Val-de-Marne alors qu’elle dispose des compétences indispensables et reconnues pour s’occuper sérieusement et efficacement des dossiers de sauvegarde, de redressement et de liquidation des entreprises et que leur activité ne cesse de croître“, défend le député val-de-marnais. “Je suis particulièrement surpris que le Val-de-Marne qui compte 99 000 établissements publics ou privés, 87 000 sièges sociaux, 356 emplois privés et plus du quart des entreprises du CAC 40, soit exclu de cette liste et que le tribunal de commerce de Créteil ne soit donc plus en situation de mettre son expérience et sa compétence au service des entreprises en difficulté“, regrette également le président du Conseil départemental. “Le Tribunal de Commerce de Créteil traite chaque année plus de 17 000 affaires, dont un très faible nombre (0,8% des affaires) fait l’objet d’un recours. Cet excellent rapport démontre s’il en était besoin la qualité et l’efficacité de cette juridiction qui rend un service public de proximité de grande qualité au bénéfice des entreprises et par voie de conséquence des salariés Val-de-Marnais“, pointe encore Luc Carvounas. Et les trois élus de demander l’intégration du Tribunal de commerce de Créteil parmi les tribunaux spécialisés.
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