Un livre autobiographique en librairie le 21 janvier et de nouveaux projets dans les cartons, entretien avec le Val-de-Marnais Jean-Claude Bourrelier, président-fondateur du réseau de magasins Bricorama.
A la une de l’actualité à plusieurs reprises entre 2012 et 2014, dans sa bataille pour pouvoir ouvrir le dimanche, le patron de la chaîne Bricorama, a été sollicité par la maison Robert Lafon pour raconter son histoire d’entrepreneur autodidacte. En est sorti un premier livre, «Ma boite à outils pour la reprise», qui sera en librairie ce jeudi 21 janvier.
Le self-made-man, décoré de la légion d’honneur à la promotion de Pâques 2014, y raconte son parcours, depuis son enfance dans une famille pauvre de Saint-Calais, un petit village de la Sarthe. «Il était prévu depuis toujours que nous quitterions l’école à quatorze ans pour aller travailler en apprentissage. (…) Voilà pourquoi, le 1er juillet, alors que je n’avais pas quatorze ans, dès le certificat d’études obtenu, je me suis retrouvé avant l’aube chez le boulanger du village pour commencer mon apprentissage, nourri et logé.» Fortement handicapé au niveau auditif suite à des otites à répétition, le jeune homme doit rapidement changer de voie en raison de la farine qui bouche ses oreilles. Direction la charcuterie d’en face, puis celles de la capitale où il devient ensuite livreur chez Nicolas, puis vendeur en porte-à-porte après une opération miracle des tympans qui améliore son audition.
C’est comme démonstrateur de perceuses au BHV Rivoli, petit boulot qu’il fait en extra, qu’il découvre l’univers du bricolage. Il devient représentant chez Black & Decker, puis, après avoir payé de sa poche des cours du soir en management, le Sarthois ouvre, en 1975, son premier magasin de bricolage. Ouverte sur le boulevard Vincent Auriol avec un associé ex-ouvrier tourneur, La Maison du XIIIe, adhère à un groupement de commerçants qui prendra ensuite le nom de M. Bricolage. En 1979, un second magasin ouvre, à Nogent-sur-Marne cette fois, en place d’une ancienne usine de roulements à bille à mi-côte du boulevard de Strasbourg. En 1983, l’entreprise compte 5 magasins. Son associé se retire et Jean-Claude Bourrelier poursuit ses emplettes. «Une entreprise, c’est comme un vélo, si on s’arrête de pédaler on tombe», motive le patron, qui fêtera ses 70 ans au mois d’août.
Le sixième, racheté à Bobigny sur 3000 m2, prend le nom de Batkor, car le site étant trop gros pour la coopérative M. Bricolage. Progressivement, le groupe Bourrelier développe ainsi le réseau Batkor pour les matériaux lourds, en plus de ses magasins M. Bricolage. Exclu en 1990 de la coopérative, dont il était devenu un adhérent trop puissant, le groupe renomme ses M. Bricolage sous le nom de IDF Bricolage avant de passer sous la bannière Bricorama. C’est en effet en 1992 que la petite entreprise rachète 15 magasins Bricorama à la chaîne d’hypermarchés Euromarché qui venait de se faire racheter par Carrefour, à l’époque propriétaire de Castorama… Une acquisition qui fait doubler de taille la PME.
Indépendance
En 1996, Bricorama rentre en Bourse, mais, n’en voyant finalement pas l’intérêt, veut en sortir quelques années plus tard. Entre temps, un fonds a acquis plus de 5% des actions et le prix proposé pour racheter ses actions est dissuasif. Le réseau de magasins reste donc sur le second marché, coté à Alternext. Propriétaire de 87% de ses actions, Jean-Claude Bourrelier a finalement relevé le défi de rester indépendant. La recette ? «Ne pas trop se poser de questions sur l’avenir. Et aller de l’avant, en continuant toujours à se développer», répond-il d’emblée, avant d’ajouter : «Entre avoir 10% de quelque chose qui vaut 100 et 100% de quelque chose qui vaut 10, j’ai tranché pour l’indépendance.» A la tête de 4600 salariés et 223 magasins dont 50 en franchise, l’ancien apprenti-boulanger aimerait toutefois passer le cap des 5000 collaborateurs pour officiellement figurer parmi les grandes entreprises.
Ouverture le dimanche
Ce parcours, Jean-Claude Bourrelier en témoigne dans son livre, reconnaissant ses coups de flair comme ses erreurs, et distillant au fil des pages une morale du travail dans la lignée du Laboureur et ses enfants, la fable de Lafontaine, et des conseils d’entrepreneur. Le self-made-man y solde aussi ses comptes avec ses concurrents ou les représentants de l’Etat qui se sont trouvés sur sa route, concernant notamment l’ouverture des magasins le dimanche. Alors que ses concurrents Leroy Merlin et Castorama pèsent plus de 70% du marché contre 3% pour Bricorama, c’est à l’aune de la concurrence du petit contre le gros que Jean-Claude Bourrelier présente ce combat, dénonçant des autorisations préfectorales exclusivement accordées à ces concurrents dans le cadre des PUCE (périmètre d’usage de consommation exceptionnelle) sans qu’il n’ait rien vu venir. Ouvert sans autorisation, le réseau Bricorama, assigné en justice par le syndicat FO, est d’abord condamné à payer 37 millions € avant de voir ce montant réduit à 0,5 million € en appel début 2015. En parallèle, l’enseigne va au tribunal pour dénoncer la concurrence déloyale des enseignes qui ont obtenu le droit d’ouvrir. Le tribunal lui donnant d’abord raison, les choses s’accélèrent subitement au niveau législatif et un décret est publié, qui autorise tous les magasins de bricolage qui étaient ouverts le dimanche à le rester.
Au-delà de l’entreprise, la politique a aussi tenté ce chef d’entreprise, membre du PS dans les années 1970, après le Congrès d’Epinay et jusqu’au milieu des années 1980. «Mais c’était difficilement conciliable avec mon statut de patron et mes problèmes d’audition rendaient les réunions compliquées pour moi. Sinon j’aurais continué», confie-t-il.
Deux hôtels sur le site de Villiers-sur-Marne
L’ancrage de l’entreprise dans le Val-de-Marne, il s’est fait par hasard. Après l’ouverture de son deuxième magasin à Nogent-sur-Marne, c’est aussi dans cette ville que l’actuel patron de Bricorama a acheté sa maison. Installé en 2000 à Fontenay-sous-Bois, le siège a ensuite élu domicile à Villiers-sur-Marne où l’enseigne a ouvert en 2004 son plus grand magasin, un 10 000 m2. Sur cette parcelle qui accueille déjà deux restaurants, en plus du siège et du magasin, le groupe Bricorama s’apprête à construire deux hôtels. «Nous discutons actuellement avec les exploitants», explique Jean-Claude Bourrelier. L’entreprise s’est de fait retrouvée à un endroit exceptionnel, qui , en plus d’offrir uen vue imprenable sur Paris et la tour Eiffel, verra s’ériger à quelques mètres la future gare de Bry-Villiers-Champigny qui reliera la ligne 15 sud du Grand Paris Express (Issy les Moulineaux – Noisy-le Grand) à celle du RER E d’ici 2022. A cette occasion, c’est un nouveau quartier de ville complet qui va se développer en face de la parcelle Bricorama, à l’emplacement actuel du golfe de Villiers (voir article sur ce projet urbain qui pourrait même se prolonger par une passerelle au-dessus de l’autoroute A4).
A Fontenay, Bricorama souhaite également construire un immeuble de bureaux au-dessus de son magasin mais attend les autorisations. A Ivry-sur-Seine, l’avenir est un peu moins rose. L’entrepreneur, installé dans la ville en 1987 avec un magasin Batkor, a vu Leroy Merlin prendre position à quelques dizaines de mètres et a été exproprié dans la partie de sa parcelle sur laquelle il souhaitait s’agrandir.
Au total, Bricorama compte cinq magasins en propre dans le Val-de-Marne, à Villiers-sur-Marne, Ivry-sur-Seine, Nogent-sur-Marne, Thiais et Fontenay-sous-Bois.
Implanté en France avec une centaine de magasins, l’enseigne est aussi largement présente en Espagne et au Bénélux, poursuivant ses acquisitions au gré des opportunités. Comble de l’histoire, l’ex coopérateur M. Bricolage, a fait une proposition de rachat au groupe à l’automne 2015, pour l’heure sans réponse.
Bricorama restera en famille
A bientôt 70 ans, quelle transmission envisager ? Dans le cas de Bricorama, le passage de témoin devrait rester en famille. «J’ai prévu de lâcher les rênes dans cinq ans», annonce le fondateur. «En 2006, nous avions envisagé un LBO pour 2011 avec les salariés de l’entreprise, mais avec la crise, cela ne s’est pas fait.» Au final, ce-sont les deux fils, Jean-Michel et Yoann, déjà les deux pieds dans l’entreprise, qui devraient reprendre la suite, après des parcours professionnels de leur côté, l’un comme ostéopathe, l’autre dans les vélos à assistance électrique avec la création du réseau Ecox.
Bricorama de Nogent S/M, Très mal reçu par des incapables,et surtout il ne faut pas les déranger.
Gilles Charvolin.
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