Environnement | Val-de-Marne | 13/12/2016
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Une pétition pour déprivatiser les bords de Marne

Une pétition pour déprivatiser les bords de Marne

L’offensive se poursuit contre la privatisation des bords de Marne par des riverains. Après plusieurs courriers à VNF (Voies navigables de France ) qui a promis de faire respecter la loi, un promeneur vient de lancer une pétition. Sur place, les habitants ne sont pas prêts à sacrifier leur accès protégé à la rivière. 

La fronde a commencé il y a un an, à l’automne 2015. Agacé de ne pouvoir cheminer le long des bords de Marne en raison de leur occupation par les habitations riveraines au niveau de Chennevières-sur-Marne, notamment d’un hôtel ayant carrément posé une pancarte sens interdit, Raymond, un Saint-Maurien, a écrit à la mairie de Chennevières, rappelant que l’article L-2131-2 du CGPP (Code général de la propriété des personnes publiques) fait obligation aux propriétaires riverains d’un cours d’eau ou d’un lac domanial de laisser libre sur chaque rive une bande de 3,25 mètres. Voir notre article de l’époque.  Sans réponse de la ville, il a également écrit au Conseil départemental et à la région Ile-de-France qui ont tous deux répondu à son courrier. Le Conseil départemental a indiqué qu’effectivement ce n’était pas légal mais précisé que le département était seulement propriétaire des ouvrages anti-crue.  Le Conseil régional d’Ile-de-France a également répondu qu’il s’agissait là «d’une situation malheureusement constatée en plusieurs endroits en Ile-de-France, notamment le long de la Marne et de l’Oise, qui résulte d’une défaillance de l’exercice de police du domaine public fluvial, domaine sur lequel la région n’a aucune prise». La région indiquait toutefois avoir transmis l’information au maire de Chennevières et à VNF (Voies navigables de France), l’établissement public en charge de la gestion des rives, et précisé que dans le cadre de sa politique de biodiversité, elle pourrait, lorsque l’emprise serait libérée, «participer à la renaturation de la berge».

VNF réagit

Raymond a donc écrit à VNF. Interrogée par 94 Citoyens, la direction territoriale de VNF indiquait en septembre  2016 avoir bien été informée de points de rupture de passage sur la commune de Chennevières et précisait alors que ses  agents «ont effectué un premier contrôle d’identification de ces points de rupture le 4 juillet et un second contrôle sur une portion fermée à ses extrémités a été réalisée le 24 août. VNF recense actuellement les parcelles au droit desquelles le passage est rompu et se rapprochera de la mairie pour connaitre les noms des propriétaires afin de pouvoir lancer les mises en demeure. Les propriétaires riverains ont en effet l’obligation de laisser un droit de passage pour les piétons de 3,25m, ce qu’on appelle une servitude de marchepied» , détaillait la direction territoriale de VNF. Voir article de septembre

A Nogent, une situation historique car l’île de Beauté était auparavant une vraie île

Alors que la situation est similaire dans plusieurs villes du Val-de-Marne, Annie Lahmer, conseillère régionale EELV, a également écrit à VNF,  à la région et au maire de Nogent-sur-Marne, pour dénoncer une situation analogue derrière le chemin de l’île de Beauté de Nogent où certaines propriétés vont également jusqu’à la rivière.  Un état de fait qui a une explication historique, réagissait alors le maire LR de la ville, Jacques JP Martin, interviewé sur ce sujet, expliquant que l’île de beauté était auparavant une vraie île, non viabilisée pour avoir des chemins de halage. «L’actuel chemin de l’île de Beauté était en effet un bras de la Marne.  Aujourd’hui, le PLU (Plan local d’urbanisme actuel) ne prévoit pas de voie publique à cet endroit car le passage que nous avons aménagé est celui du chemin de l’île de Beauté, mais je suis prêt à discuter avec VNF de la situation et les ai du reste sollicités à cet effet» , indiquait l’élu fin septembre, rappelant avoir tenté de créer une continuité entre la promenade depuis Joinville et le chemin de l’île-de Beauté grâce à un passage en bois au-dessus de la Marne au niveau de l’immeuble du 13-15 bd de La Marne, mais avoir renoncé suite au «tollé général des habitants de l’immeuble».  

VNF menace d’aller au Tribunal administratif si les points de rupture ne sont pas réouverts

VNF a également réagi et répondu à la conseillère régionale écologiste, lui indiquant que des visites avaient été effectuées dès février 2016 pour identifier les points de rupture et que des mises en demeure avaient été adressées aux propriétaires pour rétablir le passage avant le 5 décembre 2016, précisant qu’une visite de contrôle serait faite en décembre, et que si les passages n’étaient pas rétablis, une procédure de contravention de grande voirie serait entamée, avec transmission au tribunal administratif compétent.

Une pétition contre la privatisation des bords de Marne

En cette mi-décembre toutefois, la situation n’a pas bougé, ni à Chennevières, ni à Nogent. C’est dans ce contexte que Raymond le Saint-Maurien vient de lancer une pétition en ligne «contre la privatisation des bords de Marne». Voir la pétition.

Les riverains veulent préserver leur accès à l’eau

Pour les promeneurs, comme ce joggeur qui fait ses étirements sur une barrière du sentier à la limite entre Chennevières et Champigny, les bords de rivière devraient être praticables sur toute leur longueur dans le Val-de-Marne. «Je ne comprends pas cette situation en fait. Il y a d’autres villes, où d’un coup, sans raison, on se retrouve bloqué, en courant, ou en faisant du vélo. Je comprends bien le plaisir que les habitants peuvent avoir à disposer de leur propre bras de Marne. Mais elle ne leur appartient pas!»

Les riverains qui ont payé le prix  fort pour disposer de cet accès direct sur le cours d’eau, raisonnent différemment. «Je ne me suis jamais vraiment posé cette question, car le bord de Marne sur lequel donne mon jardin n’est pas aménagé. Il n’y a pas un mètre de largeur pour marcher et d’ailleurs, avec ma famille, on ne l’utilise jamais, sauf quand les enfants font tomber un ballon dans les branches ou qu’ils donnent le pain rassis aux canards», indique un habitant des rives de Chennevières. Pour Stéphane, qui se plaît à naviguer avec son petit bateau sur la Marne, hors de question de partager sa berge. «C’est clairement l’atout charme de cette maison, son petit plus. Je n’ai pas envie que cela devienne une plage publique. Si la police vient me demander de reculer ma barrière de 2 mètres, je le ferai, mais pas avant!» D’autres encore dénoncent une remise en question du droit à la propriété. «J’y vois surtout une démarche pleine de jalousie. Quand on vous fait visiter le bien et qu’on vous vend l’accès direct à la Marne, on considère qu’il fait partie du lot. Je suis même quasi sûr que c’est précisé dans mon acte de propriété, revendique un jeune retraité. En plus, je protège l’environnement ! Quand on voit l’état de saleté des bords de Marne publics… Mon terrain est toujours nickel !»

Chennevieres-bords-de-marne (7)

Même réaction à Nogent-sur-Marne.  «On a déjà donné un peu de notre surface pour pouvoir réaliser cette promenade qui a coûté beaucoup à la ville. Dé-privatiser ces berges pour qui ? Pour une poignée de personnes et des sans abris ? s’agace un fringant septuagénaire en train de bichonner sa Porsche. De toutes façons, ce serait illégal. Vous vous rendez compte, nous payons déjà un impôt foncier énorme ainsi qu’une taxe parce que nous vivons sur les berges, sans compter que nous avons l’obligation de les entretenir. Tous les quatre ans, je dois faire appel à une société privée pour venir vérifier parce qu il y a du trafic avec les péniches. L’été, il y a des jeunes qui viennent sur les berges et qui se baignent. Cela ne me dérange pas»

Propos recueillis par F. de Paola, F. Bascoul et C. Dubois.

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