Sécurité | | 09/12/2016
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Zone de sécurité prioritaire du Bois l’Abbé : ce qui marche et ce qui reste à faire

Zone de sécurité prioritaire du Bois l’Abbé : ce qui marche et ce qui reste à faire

Instaurées à partir de l’été 2012, les zones de sécurité prioritaire (ZSP) visent à renforcer la sécurité de quartiers évalués comme les plus touchés par la violence et les trafics, en organisant la coordination de tous les services de l’Etat et autres partenaires, en octroyant prioritairement les moyens de police et

en se fixant des objectifs précis. (Voir le détail des missions telles que précisées dans la circulaire de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, en juillet 2012). Au total, 80 ZSP ont été instaurées  entre trois vagues entre la fin 2012 et la fin 2013. Le quartier du Bois l’Abbé, sis à la fois sur les communes de Champigny-sur-Marne et de Chennevières-sur-Marne a donné lieu à une ZSP fin 2012. A l’époque, le diagnostic qui avait motivé la création de cette ZSP était le trafic de stupéfiants, “enraciné dans certains bâtiments de la cité, mené par des bandes structurées et bien organisées” et “les occupations de halls d’immeuble qui en découlent” ainsi que “des phénomènes de violences urbaines directement liés à ces comportements d’appropriation du territoire“.  Si le Bois l’Abbé est la seule ZSP du Val-de-Marne, la méthode de concertation ZSP a été étendue aux Mordacs début 2014.

Ce jeudi 8 décembre, services de la préfecture, de la police, représentants des établissements scolaires, élus locaux, associations, représentants de la justice et autres partenaires ont procédé à leur réunion de bilan annuel en mairie de Champigny-sur-Marne. L’occasion de faire le point sur les avancées et les défis qui restent entiers.

Moins de délinquance sur voie publique mais plus de violences

Côté positif : une baisse de la délinquance sur voie publique estimée à 18% par rapport à 2015, date à laquelle avaient été recensés 1937 délits, une augmentation des interpellations et des déferrements de l’ordre de 20% et encore une diminution du nombre de mineurs mis en cause de 80 à 56 personnes, a précisé le préfet à l’occasion d’un point presse succédant à la réunion. Le point noir : une augmentation des violences et atteintes volontaires à l’intégrité physique, passée de 550 faits recensés en 2013 à 666 en 2014, 800 en 2015 et encore en progression de 18% sur les onze premiers mois de l’année 2016. Une violence qui n’est pas seulement le fait des garçons mais aussi parfois des jeunes filles, comme cela été le cas au lycée Champlain de Chennevières en début de semaine, où trois jeunes filles ont bousculé une enseignante en revenant dans l’établissement sans autorisation pour chercher un portable. Un incident suite auquel les enseignants ont exercé leur droit de retrait. Le préfet a également insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts dans le quartier des Mordacs.

62 500 euros du FIPD fléchés pour la ZSP Bois l’Abbé

La réunion a aussi été l’occasion de faire le point sur les initiatives mises en place par les différents acteurs de terrain. Des actions qui bénéficient d’un budget de 62 500 euros dans le cadre du FIPD (Fonds interministériel de prévention de la délinquance), en progression de 9,5% par rapport à 2015, dont 45 000 euros sont dédiés aux actions envers les jeunes, 14 500 sont fléchées sur les actions de prévention de violence faîtes aux femmes et 3000 euros vers les actions pour la tranquillité publique comme par exemple les marches exploratoires.

Les marches exploratoires encouragées

C’est le cas par exemple des marches exploratoires de femmes, une action initiée au Canada dans les années 1990 et aujourd’hui très encouragée par la politique de la ville. L’objectif : sillonner les quartiers et pointer les endroits où l’on se sent plus ou moins à l’aise, dialoguer avec les habitants. Une démarche qui a à la fois un rôle de diagnostic et de sensibilisation. Au Bois l’Abbé et aux Mordacs, six marches exploratoires ont été organisées au printemps 2016, et seront reconduites en 2017.

Partenariat entre l’INA et la ZSP

Dans le cadre d’un partenariat organisé par le ministère de la Ville, entre les lieux culturels et les ZSP, un projet va lier l’Institut national de l’Audiovisuel de Bry-sur-Marne et la ZSP du Bois l’Abbé depuis septembre 2016. Concrètement, deux groupe d’adolescents du quartier de Bois l’Abbé vont réaliser chacun une série de 12 portraits, encadrés par 2 réalisateurs, Jean-Claude Montheil, en résidence trois jours par semaine au Bois l’Abbé de septembre 2016 à juillet 2018, et David Khalifat, responsable pédagogique du BTS Montage d’Ina SUP. Une fois achevés, les  portraits seront présentés dans le cadre d’un événement organisé au Bois l’Abbé. Ce projet bénéficie à lui seul d’une enveloppe de 60 000 euros de la Politique de la ville, indépendante du budget FIPD.

Des médiateurs sociaux financés par les bailleurs

A partir de janvier 2017, une équipe de médiateurs sociaux composée d’un directeur et de trois binômes, sous l’égide des bailleurs sociaux du quartier, interviendra également dans les halls d’immeuble pour assurer une présence humaine entre 16 heures et 22 heures. Une requête de longue date du maire de la ville, Dominique Adenot (lire article à ce sujet) et qui a déjà été expérimentée il y a dix ans par 3F. “A l’époque, cela avait porté ses fruits“, relève l’édile. Cette fois, ce-sont tous les bailleurs de la cité qui sont impliqués, 3F, mais aussi Paris Habitat, Valophis et Toit et joie, sur les deux communes de Champigny et Chennevières.

Pacte de la deuxième chance pour les jeunes délinquants

Autre initiative  lancée au printemps, un pacte de la deuxième chance” pour les jeunes délinquants, organisé en partenariat avec la préfecture, la Direccte, la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse), le Spip (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) et mis en oeuvre par la mission locale des Bords de Marne, qui a consisté à accompagner une dizaine de jeunes en les insérant par le travail. Sur dix personnes, deux ont trouvé un CDI et un logement, deux ont décroché et sis sont encore en cours de suivi. Quatre nouveaux jeunes doivent arriver.

Education, soutien à la parentalité

Beaucoup d’initiatives dans les établissements scolaires aussi, tant de la part de l’Education nationale que des associations, qu’il s’agisse par exemple de soutien à la parentalité, d’accompagnement des parents qui ne parlent pas Français. Des formations de formateurs pour éduquer à la citoyenneté. “Il s’agit par exemple de ne pas confondre la démocratie et la République, une et indivisible, et laïque“, insiste le préfet.

Sur le terrain, des ressentis contrastés

Dans le quartier, les réactions sont partagées. “Je me sens pas en sécurité, je me suis faite agresser récemment, et il y a toujours autant de toxicos dans les halls et dans les cages d’escalier qui empêchent les résidents de passer“, note une habitante. “Il y a des problèmes sur les parkings. J’habite ici depuis trois ans et j’ai retrouvé ma voiture deux fois sur ses jantes, les quatre roues volées. Mais qu’est-ce qu’on peut y faire ? Cela me parait difficile de mettre un policier sur chaque parking“, questionne Cédric, en service civique.  “On entend qu’il se passe certaines choses à la télé, qu’il y a des incendies… mais je connais le quartier depuis toujours et je n’ai jamais eu de problème, et  je vois de moins en moins de jeune traîner dehors“, pointe une autre, trentenaire. “ J’aime de moins en moins mon quartier et son environnement, par exemple ils nous on enlevé notre centre commercial. Et en termes de sécurité, il n’y en a pas du tout. Si quelqu’un veut se plaindre au commissariat, on leur répondra qu’ils ne peuvent rien faire“, pose Charly, 36 ans.  “Je suis là depuis toujours et je ne me sens pas en insécurité, on prend l’habitude“, oppose Alicia, 26 ans. “Je suis infirmier, et je travaille souvent tard le soir la nuit. Quand je rentre, au beau milieu de la nuit, il y a souvent des jeunes qui traînent dehors, surtout pendant les beaux jours. C’est moins vrai au petit matin ! Mais je n’ai jamais eu de problèmes particuliers, et je connais tout le monde au Bois l’Abbé, même indirectement. Il y a bien le bruit des scooters… mais c’est aussi la vie d’un quartier“, tempère Désiré, 56 ans.  “Moi je suis une vieille dame, alors tout le monde me respecte. Mon petit-fils, qui habite aussi ici, et va au collège du Bois l’Abbé, s’est déjà fait voler son téléphone en sortant des cours. Il faut s’y attendre, vu la valeur de ces gadgets ! Comment faire pour que ça ne se reproduise pas ? Peut-être qu’il faut mettre des caméras à la sortie du collège, et même dans tout le quartier“, suggère Catherine, 71 ans. “J‘ai eu l’impression de voir de moins en moins de jeunes dehors”, remarque encore Jeff. ” Il n’y a pas plus de police ni de patrouille mais ils ont amélioré le système de caméras de surveillance et du coup, c’est un peu plus calme et ça améliore notre vie au quotidien”, relève pour sa part un commerçant de magasin de vêtements.

L’histoire du Bois l’Abbé

Jusqu’à la fin des années 1950, le quartier du Bois l’Abbé portait bien son nom. S’y trouvait un morceau de forêt un peu marécageux, autrefois propriété de l’Abbaye de Saint-Maur. C’est dans les années 1960 que surgit d’un bloc ce nouveau morceau de ville. Pour réagir à la crise du logement et mal-logement en bidonville ou lotissement vétuste, dénoncée par l’appel de l’abbé Pierre à l’hiver 1954, l’Etat planifie des grands ensembles en périphérie avec l’instauration des Zup puis des Zac. A la fin des années 1950, Champigny-sur-Marne accueille le plus gros bidonville de la région, au niveau du plateau, peuplé de près de 15 000 immigrés portugais.  Le grand ensemble du Bois l’Abbé est lancé en 1967, aux deux-tiers sur Champigny et un tiers sur Chennevières.  Il d’agit d’une décision de l’Etat qui confie à des offices parisiens HLM le soin de gérer cet ensemble de plus de 4000 logements, rues comprises. Un morceau de ville excentré et architecturalement tourné sur lui-même qui échappe donc complètement à l’action municipale, ce qui cause très vite des problèmes car les habitants eux, sont bien Campinois ou Canavérois. Ce n’est qu’à partir de 1981, étape par étape, parfois de haute lutte, que les villes récupèrent les voies publiques. Depuis le début des années 2000, le quartier a bénéficié des deux programmes de rénovation urbaine (Anru 1 et Anru 2). Outre la réfection des logements et la déconstruction de tours, ce programme a permis de désenclaver le quartier en l’ouvrant d’avantage vers le reste de la ville et a reconfiguré l’espace central. Parmi les réalisations notamment, la Maison pour tous, installée en contrebas de la dalle, en utilisant une partie des parkings souterrains qui avaient été construits mais n’étaient pas ouverts.

 

 

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