Petit à petit, la cité Petit-Pré-Sablières de Créteil fait place nette pour un nouveau quartier, même s’il reste quelques irréductibles qui se retrouvent autour des deux barres d’immeuble encore debout et du local du centre social. Actée depuis octobre 2011, la rénovation urbaine du site gomme cette ville dans la ville dont les anciens habitants conservent un souvenir vivace et un peu nostalgique. L’âme de ce quartier, un Cristolien la perpétue aujourd’hui sur les réseaux sociaux, en partageant les clichés qu’il y a pris pendant ses longues années comme travailleur social. Son nom d’artiste : Linstable photographie. Rencontre.
« Je suis arrivé dans le quartier en 2003, après avoir fait plusieurs missions dans d’autres cités, j’ai tout de suite été marqué par cette jeunesse. Cet endroit bouillonnait de vie. Plus de la moitié des habitants avaient moins de 25 ans! Des années plus tard en 2011, j’ai eu comme un déclic en regardant les enfants jouer, je me suis demandé comment j’avais pu passer à côté de ces scènes de vie magnifiques qui s’offraient à moi », se remémore linstable, qui a grandi dans un quartier voisin. N’y connaissant pas grand-chose, comme il l’avoue lui-même, le Cristolien achète un appareil photo d’entrée de gamme assez rudimentaire. Le travailleur social sait ce qu’il veut : de la photographie de rue, de la spontanéité en noir et blanc. «Au départ, c’était compliqué. Les enfants me voyaient arriver avec l’appareil et ils prenaient la pose. Mais avec le temps, ils m’ont oublié et ont repris leur vie. Contrairement aux adultes que je photographie, l’enfant est tellement en mouvement, qu’en une minute, on peut prendre une dizaine de clichés ».
La vie de ces hommes, femmes et enfants, dans ces bâtiments construits pour contrer la crise du logement à la fin des années 1950 était loin d’être facile, mais l’esprit de « village » résultant de l’enclavement du quartier (sans voie traversante et cerné de rocades et de routes), ainsi que l’esprit communautaire des populations y vivant, a rendu le quotidien plus festif et moins angoissant, selon l’ancien travailleur social. «Pour les plus jeunes, cela a été compliqué de sortir du quartier. C’était un cocon où les aînés gardaient un œil sur les petits. Dehors, c’est l’individualisme, on est seul», insiste le Cristolien d’origine italienne.
Alors que cette effervescence n’est aujourd’hui plus qu’un souvenir, Linstable photographie la fait revivre en publiant des scènes de la vie quotidienne du quartier sur une page Facebook des « anciens » de la cité, ainsi que sur son propre compte. C’est aujourd’hui sur Internet que les anciens résidents s’échangent désormais des nouvelles, publient les photos qu’ils ont retrouvées dans de vieux albums et organisent des retrouvailles. « Depuis les années 2000, les habitants savaient que le quartier allait être démoli mais ils s’est écoulé tellement de temps que certains n’ont réalisé qu’ils allaient devoir partir qu’une fois qu’ils ont vu les grues et les tractopelles devant chez eux. Les plus téméraires n’ont pas voulu partir et se moquaient des inconvénients dus aux travaux. Parmi ceux qui ont déménagé, il sont nombreux à revenir ici pour les activités du centre social. Des liens fraternels se sont tissés. A la base, j’avais été embauché pour porter des projets socioculturels collectifs, mais au final, j’ai fait énormément de suivi personnel. Nous nous sommes donnés pour eux, nous faisions partie d’une même famille au final », confie le photographe qui se prépare à la fermeture définitive du centre social des Petits-Prés-Sablières où il a tout appris de son métier.
Et maintenant ? Artiste, citoyen engagé, Linstable photographie n’a pas renoncé au terrain. «Je mise beaucoup sur les plus jeunes. Ils ont notre avenir entre leurs mains, il faut arrêter avec le discours victimaire et montrer que l’on peut agir. A mon niveau, j’essaie de leur faire prendre conscience qu’ils peuvent être autonomes et se donner les moyens de donner un sens à leur vie». Au-delà des enfants, c’est la rue qui inspire Linstable parcourant les villes pour se laisser surprendre par un vieux couple d’amants complices, un chat errant, un sans abri qui tend la main et avec qui, il engage la conversation. Il reverse d’ailleurs sous forme de dons alimentaires ou vestimentaires les bénéfices tirés de la vente des photos de sans domicile fixe.
L’oeil flingué : un collectif de photographes de la rue
Entre-temps, le Cristolien a aussi rencontré Ladramstars, un photographe d’Aulnay-sous-Bois qui va notamment à la rencontre des jeunes de sa ville le soir, avec son appareil, et Cebos alias piscs&love, un autre photographe rencontré lors d’une manifestation, et qui fait entre autre, du photo-reportage. Ensemble, ils ont créé le collectif « l’œil flingué » et s’apprêtent à exposer ensemble. A 39 ans, l’artiste a aussi des envies de voyage et savoure ses escapades à l’étranger où il mitraille la vie quotidienne des gens qu’il rencontre en route. Le photographe aura le cœur gros au moment de quitter Petits-Prés-Sablières, mais il est prêt à se lancer dans l’inconnu, c’est même pour cela qu’il a choisi le pseudonyme Linstable.
Retrouvez Linstable Photographie sur son site Internet
j’ai habité cette cité au tout début, en 1961 ou 62, avant on habitait dans des chambres de bonnes à Paris, c’était compliqué, le chauffe eau sur l’évier, pas de salle de bain et le WC commun à la turque pour tout l’étage …Mais Paris était une belle ville, ma mère nous emmenait au parc tout les jours, et à part l’exiguïté des lieux, on était pas malheureux ! On est arrivé dans cette cité, c’était tout neuf, on était ébloui par le confort de l’appartement, une cuisine, une salle de bain avec une baignoire sabot, un salon, une chambre pour les parents, une autre pour les filles et une pour les garçons…Nous étions déjà cinq enfants, deux garçons et 3 filles, des jumeaux sont arrivés, un enfant de plus par chambre… Mais cette période aux sablières, ce fut la pire période de mon enfance, je suis arrivée là bas, je suis entrée au CP, j’en suis partie l’été avant ma rentrée au collège! la cité à cette époque était habitée en majorité par des français, des blancs, beaucoup de rapatriés d’Algérie aussi.. Toutes ces années, on ne pouvait pas sortir sans se faire insulter, se faire maltraiter, nous on était des sales étrangers, des espingouins! Née avec un handicap, je portais des chaussures orthopédiques, ce qui n’arrangeait rien… Beaucoup d’alcoolisme, de délinquance, de violences, des gens qui n’avait plus un sou le 15 du mois…Mon père était de bonne famille, ma mère de famille plus modeste, avait reçu une bonne éducation. On était élevé à la dure, on parlait un français correct, ce qui était peu courant dans la cité…On nous inculquait le respect, jamais je n’ai entendu une insulte dans la famille, la maison était toujours impeccable, on mangeait très équilibré, pas de bonbons,mais des légumes tous les jours. Mon père était guitariste, il avait fait des études de musique, amoureux des chanteurs à texte français, il nous a inculqué l’amour des livres…On faisait tache dans cette cité, alors on était des cibles! On rentrait de l’école et tous les sept on se retrouvait enfermés dans la maison, sans pouvoir sortir…Quand on essayait ça se terminait toujours mal, heureusement on avait un terrain vague derrière l’immeuble, ou parfois on allait jouer entre nous…Plus grande j’allais au centre social qui jouxtais notre immeuble, avec les éducateurs ça limitait les risques de nous faire maltraiter ! Mais j’ai un bon souvenir, l’autre famille sur notre palier, connaissait le même genre de problème que nous, c’était une famille de la réunion, des gens de couleur, le père était colonel dans l’armée ! J’adorais la mère de famille, nous les enfants on l’appelait Mme Lalala, elle nous serrait sur sa forte poitrine et nous couvrait de baisers…Ma mère et elle étaient copines, et j’étais copine avec la plus jeune fille de la famille…On est resté amis pendant de très longues années, bien après notre départ de la cité…Jusqu’à la mort de Mme Lalala et même après, quand j’ai retrouvé une de ses filles là ou je vivais , ce fut le tour de nos filles de devenir copines …Tout le temps ou j’ai vécu là bas, les seules copines à l’école, c’était toujours des filles de couleur, reléguées comme moi au fond de la cour, qui comme mes soeurs , mes frères et moi, subissais le racisme ambiant ! Très vite ma mère à voulu qu’on quitte cette cité, cette zone de non-droit ou ses enfants étaient maltraités! On est partis quelques années plus tard pour une grande maison HLM à Vigneux sur Seine, ou on a jamais connu ces problèmes que nous avions vécus aux sablières…Mes souvenirs des sablières, c’est ça, la surprise de cet appartement tout neuf, les ivrognes, les insultes et les coups et Madame Lalala…Le marchand de couleur, les poussins donnés par la supérette de la cité , une année avec des boites d’oeufs, les poules et le poulet “Périco” qui chantait tous les matins et qui couraient dans l’appartement au moment de la ballade…qu’on a refusé de manger quand mon père s’est résolu à les tuer face aux plaintes des voisins excédés ! Il semble que par la suite la vie de la cité se soit modifiée et c’est tant mieux, parce que vraiment pour moi ce fut l’enfer de vivre là bas, je préférais nos chambres de bonnes à Paris !
Les concentrations ethniques et sociales conduisent toujours au rejet de l’autre et à l’isolement, puis au communautarisme. C’est vrai à Créteil, à St Denis, mais aussi dans le XVI ème. La société française que j’ai connue enfant et jeune n’existe plus ; je n’ai plus confiance en l’avenir et je n’ai que mépris pour ces politiciens irresponsables qui nous ont conduit là.
Et en plus, l’Union Européenne inféodée au lobbies financiers nous a imposé la concurrence faussée et totalement imposée, la désindustrialisation, la destruction des services publics, la rivalité sans frontière entre les pauvres et les plus pauvres.
Qu’avons nous à proposer à nos enfants ?
D’accord avec vous, le métissage ethnique/culturel/social est la solution.
La solution, c’est l’intégration, ce qui est impossible dans un ghetto …
Très beau travail photographique très utile pour la mémoire.
Un vrai ghetto , black et beurs . La miser sociale et une delingance record et certainssont nostaligues de quartiers . Les habitants ont ete tires vers le bas et certains sont nostalgiques .
Misere , misere ….. Tout ca avec la benediction de cathala !
Tout à fait Pierre. Et ces photos traduisent particulièrement bien la mixité sociale et ethnique que l’on trouve à présent à Créteil… le succès de Laurent 1er et de ses amis. Cette situation se généralise petit à petit dans toute la ville (ce n’est pas beaucoup mieux à l’Echat où j’ai le malheur d’habiter, une erreur de jugement qui va me couter cher à la revente), d’où mon souhait de quitter ce bidonville pour un endroit accueillant où je retrouverai les miens, comme Maisons Alfort, St Maur ou Le Perreux.
Pierre, les habitants n’ont jamais été tirés vers le bas . Ce sont des personnes comme vous, avec ce type de commentaire déplacé et loin de toute objectivité qui nous tire vers le bas. Vous connaissez quoi de ce quartier? RIEN comme la majeure partie de celles et ceux qui n’y ont jamais mis les pieds.
Je suis fier d’avoir travaillé plus de 17 ans dans cette cité où Je n’ai jamais eu aucun problème.
Il ne nous arrive jamais quelque chose par hasard.
Bien cordialement.
Je suis fier de toi et de ton travail. Un bonjour depuis Abidjan maintenant. Cédric Konan
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