Début d’après-midi ensoleillé ce mercredi de février à Vitry-sur-Seine, Bebar, graffeur confirmé, partage sur son profil Facebook un message à l’attention de tous ces contacts : «Rendez-vous vers 16 heures à Romain Rolland pour ceux qui veulent graffer avec nous». Un quart d’heure plus tard,
Adam, un ado de 15 ans patiente en bas de la butte à l’angle du lycée ivryen, c’est la bille de sa bombe de peinture qui le trahit. «J’attends que les autres arrivent, je n’ai pas leur niveau mais je vais graffer à côté d’eux, ça fait plaisir», témoigne-t-il. Arrive alors un groupe d’une dizaine de graffeurs, âgés de 15 à 25 ans, avec des sacs plastiques remplis de bombes et de pots de peinture. Un peu de musique, un verre, on papote un peu et on se met au travail. Le mur, déjà recouvert de dessins et graffitis, est vite remis à l’uni. A grand renfort de rouleaux de peinture rose, les figures d’hier disparaissent pour en accueillir de nouvelles.
Chacun se choisit une partie du mur et commence par tracer les contours de son graf. Ce n’est qu’après de longues minutes de remplissage que le motif se révèle vraiment. L’équipée espère terminer le mur avant la nuit, mais ils ont commencé un peu tardivement. Certains sont venus de l’Essonne et de Paris pour participer à cette œuvre collective.
Bebar apprécie de voir autour de lui des graffeurs de niveaux hétérogène recouvrir ce mur ensemble. «Avant, c’était compliqué de rentrer dans ce monde, il y avait des codes à respecter, cela passait par une longue phase d’apprentissage, de règles à intégrer pour pouvoir s’y mettre vraiment. Aujourd’hui ça s’est indéniablement démocratisé, les gens se donnent beaucoup plus les moyens de créer, ils ont des sources d’inspiration à portée de main avec des livres, des expo, des workshop. Il y a des murs pour tout le monde, et plus nous sommes nombreux, plus il y a de dialogue donc c’est positif», estime l’artiste de 23 ans, qui mène en parallèle des études d’art appliqué. Des formations académiques qui contribuent à rendre poreuses les frontières entre street art et graffiti.
Vitry Fada, lieu emblématique et éphémère
Dans la ville de Vitry, en pleine recomposition urbaine, les friches qui attendent leur reconversion constituent autant de lieux éphémères où partager toutes les formes d’expression artistique. Jamel, lui, a repris une vieille friche sur la place du 19 mars 1962 pour installer Vitry Fada, un bar-brocante-salle de concert, qu’il a habillé grâce à des artistes graffeurs et pochoiristes. «Ce que je voulais ,c’était que l’art ait une plus large dimension, qu’il touche davantage de public, pas que ça parle seulement aux artistes, aux connaisseurs, puisque nous accueillons toutes les générations» explique le maître des lieux qui organise deux jours de fête les 24 et 25 février “avant la démolition” et une installation ailleurs.
Bienvenue dans la ville, à condition d’être sage
«Ce qui est fascinant et amusant à la fois à Vitry, c’est le voisinage d’un art officiel, subventionné, et d’un art de rue. Le street art est devenu esthétique alors que le graffiti a conservé un aspect revendication. Avec la commande publique il faut être un peu plus consensuel, mais dans le même temps cela permet de faire de la médiation culturelle, et de toucher des publics assez opposés ou étranger à cette pratique, comme les personnes âgées, qui vont s’intéresser et découvrir, explique Jean Philippe Trigla, de l’association Vitry’n Urbaine, qui organise régulièrement des visites terrain. J’essaye de proposer des expériences un peu différentes comme les balades de nuit où l’on va utiliser une lampe torche pour éclairer des détails de certains dessins.» Face à cette reconnaissance du grand public et cette adaptation, certains graffeurs en deviennent presque nostalgiques, refusant la monétisation de leur mode d’expression Il y a aussi les irréductibles qui signent un peu partout en ville pour laisser une trace de leur passage, provoquant souvent la colère des riverains et des autres graffeurs qui voient ces inscriptions recouvrir leurs dessins.
Sur une autre partie du mur ceinturant le lycée Romain Rolland d’Ivry, Tacos vient de terminer son graffiti, y ajoutant un petit gâteau d’anniversaire en clin d’oeil à l’un de ses amis. Il écarte son sac de bombes de peinture, recule et sort son téléphone portable pour immortaliser son graffiti. «Je ne connais pas un graffeur qui n’a pas Instagram. Dès que l’on a terminé, on prend une photo pour garder une trace, et tant pis si on se fait recouvrir ensuite. Nous sommes tous très actifs sur les réseaux sociaux et la communauté ne s’arrête pas à une ville. Un jour, un graffeur australien que je suis, a posté un message où il demandait où graffer sur Paris. J’ai pris contact avec lui et il m’a rejoint à Vitry, c’était une belle expérience!»
A ne pas manquer
Les associations Vitry’n Urbaine et Campus Urbain Seine-Amont, en collaboration avec Tourisme Val-de-Marne, organisent des balades mixant découverte du street-art et initiation à la photographie ou au graf, dans le cadre de leur programme #pARTicipACTIF.
Atelier street-art à Vitry-sur-Seine
Après une visite guidée autour des oeuvres du street art de Vitry-sur-Seine, atelier créatif animé par un street artiste.
Dates : samedis 25 février, 29 avril à 14 heures Prix : 40 euros
Réservation en ligne
Balade street-art et initiation à la photographie
Découverte du street-art et initiation à la photographie. L’objectif ici n’est pas seulement d’apprendre les aspects techniques de la photographie mais de donner des clés pour libérer sa créativité. Au programme : 3 heures d’atelier découverte et pédagogique avec un guide urbain et un photographe, Jean-Christophe Dichant.
Dates : samedis 4 mars, 17 juin, 1er juillet et 9 septembre Prix : 40 euros
Réservation en ligne
Balade street-art à Vitry : le samedi ou après le travail en nocturne
Une promenade dans les rues de Vitry à la découverte de C215, Meushay, Stew et plein d’autres artistes.
Dates : samedis 25 mars, 8 avril, 24 juin, 29 juillet à 14 heures Prix : 10 euros Réservation en ligne
Ou en after work : les mardis 18 avril, 30 mai, 20 juin, 18 juillet, 26 septembre à 19 heures Réservation en ligne
Découverte du street-art du 13ème arrondissement
L’équipe du FreshStreetArtTour propose une promenade d’environ deux heures à la découverte des plus grandes fresques parisiennes, et de nombreuses oeuvres de street artistes français et internationaux mondialement reconnus (Obey, C215, Miss Tic, Seth…).
Dates : dimanche 12 mars 14h30 Prix : 11 euros
Réservation en ligne
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