Implanté sur le marché de Rungis depuis 2008, le chantier d’insertion, Le potager de Marianne, permet à la fois de valoriser des fruits et légumes invendus au profit de l’aide alimentaire et de constituer un tremplin vers l’emploi à un public fragile. Cette structure innovante reste malgré tout tributaire des fonds publics et a défendu sa cause auprès de la sénatrice Catherine Procaccia à l’occasion d’une visite sur place hier.
Un trans-palette s’active pour vider la cargaison de clémentines d’un camion, dans l’entrepôt attenant, des hommes et des femmes préparent des lots, ou transforment les produits en soupe. Si ce tableau paraît tout à fait banal au sein du plus grand marché de France, à y regarder de plus près, cette structure a un mode de fonctionnement bien particulier.
«Tout a démarré en 2005 avec l’étude nationale nutrition santé concluant aux bienfaits des 5 fruits et légumes consommés chaque jours. En parallèle, l’étude Abema révélait que seulement 1,2% des bénéficiaires de l’aide alimentaire mangeaient des fruits et légumes», rappelle Guillaume Bapst, directeur et fondateur en 2000 de l’Andes, association nationale des épiceries solidaires. Il propose alors à Arnaud Langlais, lors de son stage de fin de master en valorisation des déchets, de réaliser une étude de faisabilité sur l’approvisionnement auprès des grossistes de Rungis, de fruits et légumes au profit du circuit de l’aide alimentaire en Île-de-France. Aujourd’hui, ce dernier est le responsable du chantier d’insertion, le potager de Marianne. «Tout le monde s’y retrouve avec ce système, les grossistes ne paient plus de taxes sur la destruction des invendus et font en même temps un geste solidaire» résume-t-il.
Les fruits et légumes sont ensuite transportés auprès des 80 points de livraison afin d’être distribués aux acteurs de l’aide alimentaire (banques alimentaires de la région, des restos du cœur, des secours populaires). L’Andes, forte d’un réseau de 300 épiceries solidaires, d’une ferme et d’une kyrielle de projets, a développé ce modèle de chantier d’insertion dans d’autres marchés de gros français, à Marseille, Lille et Perpignan.
Actuellement, les chantiers emploient une trentaine de personnes en CDDI (contrat à durée déterminée d’insertion) de six mois à deux ans. «En moyenne, 29% des personnes ayant bénéficié d’un parcours d’accès à l’emploi retrouvent un travail dans les deux ans suivant leur formation. Chez nous, 80% des collaborateurs trouvent un contrat de longue durée en 11 mois», souligne Romuald Corlou, le directeur des ressources humaines de l’Andes. Une prouesse réalisée grâce aux travailleurs sociaux qui proposent un suivi personnalisé pour valoriser les compétences et les savoir-être des personnes engagées.
Quid du financement des chantiers d’insertion
En 2016, près de 1000 tonnes de marchandises ont transité par Le Potager de Marianne, la moitié étant issue de la récupération et l’autre moitié de l’achat (1 million d’euros). La structure est financée à 70% par des fonds publics et semi-public, à savoir, l’État (subventions et aides aux postes de salariés en insertion), le Département du Val-de-Marne (57 000 euros en 2016 et 58 000 euros pour 2017) et la Semmaris. A cela s’ajoute la participation du groupe Pepsico. Enfin, le Potager de Marianne s’autofinance à 30%.
Mais le calendrier électoral et la limitation dans le temps des fonds versés par les collectivités locales inquiète les gestionnaires du chantier d’insertion. Ce jeudi 5 janvier, les dirigeants de l’Andes ont alerté la sénatrice LR du Val-de-Marne, Catherine Procaccia, en visite sur le terrain, sur la nécessité d’épauler ces acteurs de l’insertion professionnelle. «Il nous faut le soutien de l’État et des investisseurs institutionnels. Ce n’est pas de l’argent perdu puisqu’en faisant sortir des gens du chômage, nous permettons aux institutions de faire des économies», plaide Guillaume Bapst. Afin d’encourager l’État à renouveler sa contribution, l’Andes va commander un audit dans quelques mois pour déterminer les conséquences pécuniaires de son action.
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