Clément Spiteri, vient à 35 ans d’entamer sa deuxième année d’activité avec son entreprise, Eco 2PR, spécialisée dans la valorisation des déchets de polystyrène. Résident de l’incubateur-pépinière du MIN, Rungis & Co, l’entrepreneur originaire du Val d’Oise, vend essentiellement à des grossistes sa production pour des applications industrielles, mais espère à terme réaliser lui-même des produits issus de matière plastique et composite.
Quelques billes de polystyrène égarées jonchent le sol du bureau de Clément Spiteri comme autant de clins d’œil à la passion de cet entrepreneur pour ce matériau austère qui crisse au moindre frottement. Au départ pourtant, celui qui se considère désormais comme « un drogué de plastique et de plasturgie (l’activité industrielle qui permet de fabriquer des produits à partir de matières plastiques ou composites)», était plutôt branché nature. « J’ai toujours été très proche de la nature. Je me suis engagé dans des associations de défense de l’environnement et ai fait mon cursus universitaire en fonction de ce centre d’intérêt. C’est ainsi que j’ai obtenu l’équivalent d’un master 2 en traitement des déchets et éco-conception. Concrètement, j’ai appris comment développer des filières de recyclage et concevoir des produits avec un impact moindre sur l’environnement », détaille-t-il.
Cet article s’inscrit dans le cadre de la rubrique Histoires d’entreprises et d’entrepreneurs, rédigée grâce au soutien de la CCI du Val-de-Marne. Voir tous les articles publiés dans cette rubrique.
Une intuition et un échec fondateur
Son diplôme en poche, Clément Spiteri rejoint d’abord un syndicat de traitement de déchets dans une collectivité locale. Un choix motivé à l’époque par ses convictions personnelles. « Je n’étais absolument pas attiré par l’univers de l’entreprise. Pour moi, c’étaient des méchants qui étaient là pour polluer la terre », reconnaît-il. Une mission va faire changer son point de vue alors qu’il doit travailler au contact d’industriels du polystyrène, ce déchet de l’industrie pétrolière dont il estime désormais que les propriétés en font un atout en matière de protection environnementale. « Ce matériau permet aujourd’hui de se vêtir, de transporter des denrées périssables, de faire des véhicules plus légers et donc moins consommateurs. Ce produit a indéniablement une utilité », défend l’entrepreneur. Devenu responsable du syndicat professionnel des industriels du polystyrène expansé, il est chargé de mettre en place des filières de recyclage et de défendre l’utilisation du polystyrène expansé dans l’emballage auprès des pouvoirs publics et des industriels. « Au cours de ces dix années, j’ai pu constater, notamment sur le MIN de Rungis, que les entreprises n’avaient aucun intérêt à utiliser nos caisses recyclables car il n’y avait pas de filière et tout partait à l’incinérateur. En plus, cela prenait de la place!» Il imagine alors l’ouverture d’une filière de valorisation des déchets de polystyrène sur le MIN de Rungis. « Mais j’ai eu le tort de penser que je pouvais arriver avec ma solution et qu’elle s’imposerait aux acteurs du MIN, sans penser aux conséquences. Je n’avais pas complètement intégré l’ensemble de l’écosystème et pensais pouvoir y aller tout seul, ce qui était une erreur.» Un premier projet d’entreprise est donc avorté.
Pendant toute l’année 2015, l’entrepreneur reprend sa démarche de recherche et développement. Il écume les salons professionnels à la recherche d’usages, de technologies, mais aussi de partenaires commerciaux, et intègre l’incubateur-pépinière du marché, Rungis & Co (espace conjointement développé par la Semmaris, l’exploitant du MIN, et la CCI Val-de-Marne) qui aide la toute jeune pousse, Eco 2PR, à trouver ses premiers partenaires. « Le MIN est une ville dans la ville, et face à des entreprises travaillant sur le marché depuis des années, je souffrais d’un déficit d’image que m’a permis de compenser la pépinière. Dans le même temps, la Semmaris avait la volonté de faire éclore cette filière de traitement de déchet et m’a aidé à signer un contrat de sous-traitance pour le polystyrène avec la Coved, le gestionnaire de la collecte des déchets du MIN. Sans ces partenariats, le projet n’aurait pas pu aboutir.»
Alors que la Coved fait une place à Eco 2PR sur son espace déchetterie, reste donc à convaincre les entreprises du MIN de faire le tri… « Il y a des secteurs dans lesquels c’est plus difficile que d’autre. En fruits et légumes par exemple, la plupart des marchandises sont transportées sur des palettes en bois ou cagettes en plastiques. Demander à mettre de côté le polystyrène leur prend beaucoup trop de temps. 90 % du polystyrène que l’on traite émane du pavillon de la marée où nous avons même installé une benne spéciale», explique Clément Spiteri.
Dès février 2016, un compacteur d’un montant de 120 000€ est installé. Ali et Rachid, deux réfugiés venus de Russie, rejoignent Eco 2PR et veillent au bon fonctionnement de l’imposante machine qui engloutit les caisses de polystyrène, produisant de longs pains compacts après avoir été fondus. Les morceaux sont ensuite montés sur des palettes de 300 kilos qui sont expédiées chez un partenaire de la start up qui fabrique des panneaux pour la bâtiment.
En 2016, Eco 2PR a produit près de 300 tonnes de polystyrène expansé. « La première année d’exploitation a été stressante parce que l’on consomme du capital pour l’achat des machines et l’on doit se préparer en cas de bilan négatif à se passer de prêt bancaire pour les années à venir. Finalement, l’activité a été rentable assez rapidement même si l’activité fluctue selon les mois », se réjouit le patron de la jeune PME.
Le jeune entrepreneur ne regrette pas d’avoir fait ce choix de carrière même s’il concède que cela demande énormément de temps, d’énergie, et qu’il n’est pas toujours facile de concilier sa vie professionnelle avec la vie de sa famille. « Il ne faut pas se lancer dans l’entrepreneuriat en se disant que l’on n’aura plus de patron! La relation avec les clients s’y apparente un peu et il faut s’attendre à faire beaucoup de sacrifice. Mais au final, cette difficulté du métier est compensée par le sentiment de satisfaction personnelle lorsque l’on réussit.»
Désormais, le directeur poursuit sa formation managériale grâce au réseau des centres des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD), et pense déjà à faire naître des vocations chez les plus petits en invitant régulièrement les classes scolaires des alentours de Rungis pour des exposés pédagogiques sur le polystyrène et son recyclage. Il souhaite aussi développer des partenariats avec des entreprises travaillant avec des publics éloignés de l’emploi.
Diversifier les débouchés
Pour Clément Spiteri, le défi consiste désormais à se développer au-delà du seul MIN de Rungis. D’ores et déjà, un second site a été ouvert à Courcouronne (Essonne), qui sert également de pôle de recherche et développement. Il y produit notamment des billes de polystyrène pour le bâtiment et génère déjà 3 tonnes par mois de polystyrène à haute valeur ajoutée. « L’objectif est de traiter tous les polystyrènes à terme, mais chaque type impose des traitements particuliers en fonction de leur densité, de leur composition chimique. Une fois que l’on est capable de traiter tel type de polystyrène, il faut trouver des clients qui seraient prêts à utiliser ce produit dans leurs procédés de fabrication. Aujourd’hui nous avons une douzaine de références produits, je ne veux développer que des applications dont les partenaires s’engagent à commander un volume annuel. Ma philosophie, c’est que lorsque je recrute des employés, je ne veux qu’ils soient pleinement intégré dans le projet d’Eco 2PR, ce n’est pas pour les mettre à la porte par manque de prudence».
A moyen terme, Eco 2PR projette la création future de 7 postes.
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