Société | | 30/10/2017
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Le bidonville rom de Limeil-Brévannes évacué

Le bidonville rom de Limeil-Brévannes évacué © FB

En quelques heures ce lundi matin, le bidonville rom des Temps Durables à Limeil-Brévannes a été vidé de ses occupants . Alors que la trêve hivernale démarre ce mercredi 1er novembre, et qu’elle concerne désormais les bidonvilles en vertu de la loi Égalité et Citoyenneté de janvier 2017,  la préfecture a procédé ce lundi 30 octobre à l’évacuation de ce bidonville  qui s’était progressivement constitué depuis cet été.

Aux premières lueurs du soleil, vers 7 heures 30 ce lundi, une trentaine de CRS, de policiers de Boissy-Saint-Léger et de policiers municipaux avec des chiens ont pénétré dans le bidonville rom des Temps Durables à Limeil-Brévannes. Une femme en civil, officier de liaison roumaine, explique aux habitants qu’ils doivent s’en aller. Plusieurs dizaines de personnes se précipitent dans leurs véhicules avec tout ce qu’ils peuvent porter : couvertures, tapis, vêtements chauds, papiers d’identité. Trois membres du collectif Romeurope tentent d’endiguer ces départs. «Attendez, il y a quelqu’un de la préfecture qui doit arriver pour vous donner un hébergement d’urgence». Selon Romeurope, le nombre d’occupants oscillait entre 100 et 120 personnes ces derniers jours. La majorité d’entre eux ont préféré partir sans attendre. 

Trois quart d’heure plus tard, le directeur adjoint de cabinet du Préfet du Val-de-Marne arrive avec une liste. Il s’agit de familles identifiées comme vulnérables lors du diagnostic social, mené quelques semaines auparavant. 49 places en hôtel pour trois nuitées ont été réservées par la Drihl dans des établissements de Boissy-Saint-Léger, Villeneuve-Saint-Georges et Montgeron (Essonne). Au total, 41 personnes ont été mises à l’abri par la préfecture dont 18 adultes et 23 enfants. Deux autres personnes, qui n’étaient pas éligibles, vont être hébergées dans un hôtel à Limeil-Brévannes, au frais de la municipalité.

Plusieurs dizaines de personnes non-éligible à l’hébergement d’urgence sont parties avant l’arrivée du référent de la préfecture.

Les pompiers fouillent les baraques vides à la recherche de bonbonnes de gaz. A l’intérieur de ces petites cabanes fabriquées à partir de matériaux récupérés, quelques bananes à peine entamées pour le petit-déjeuner restent posées sur des tables. Les enfants ont laissé leurs jeux et leurs peluches sur le sol. Une fois le bidonville “sécurisé”, une pelle mécanique détruit les habitations une à une.

«L’une des conditions à l’expulsion du camp était de faire en sorte que les Roms ne puissent plus s’établir à nouveau sur cette emprise», explique l’un des membres du cabinet de Françoise Lecoufle, la maire LR de la ville. Alors que le site doit accueillir une emprise du futur téléphérique qui ira jusqu’à Créteil, le propriétaire, Grand Paris Aménagement, louera la parcelle à Eiffage qui dispose déjà d’un site de stockage de matériel à proximité. Le promoteur s’est engagé à clôturer le site et à le faire garder par 5 maîtres-chiens financés par Grand Paris Aménagement.

Le directeur-adjoint du cabinet du préfet du Val-de-Marne, indique aux familles l’hôtel où ils doivent se rendre.

Banderole, réunion publique et soutien sénatorial

Face au habitants excédés, la maire LR de la ville, Françoise Lecoufle, avait convoqué une réunion publique et même fait hisser une banderole “Roms aux Temps durables, que fait l’État?” pour appeler à réagir. La semaine dernière, la ville avait aussi reçu le soutien du sénateur UDI Laurent Lafon, venu sur place pour promettre le dépôt d’une loi visant à accélérer les procédures d’expulsion. Le sénateur LR Christian Cambon a également déposé une question écrite au gouvernement, qui devait être publiée ce 2 novembre,  pour lui demander d’agir, rappelant qu’il s’agissait de “la seizième fois consécutive en quatre ans” qu’une installation illégale avait lieu dans la ville, et que la commune avait déjà “engagé plus de 30 000 € depuis juillet afin de sécuriser ce site qui appartient à l’État”. 

Romeurope condamne l’évacuation

C’est dans ce contexte que la préfecture a décidé d’intervenir avant la trêve, organisant l’opération d’évacuation ce 30 octobre au matin. Du côté de l’association Romeurope 94, qui accompagne les populations roms dans les bidonvilles, cette série d’évacuations juste avant le 1er novembre met par terre tout le travail associatif pour aider ces familles à s’intégrer, scolariser les enfants et accompagner les adultes vers l’emploi. “Quel bénéfice la préfecture retire de ces expulsions à tour de bras depuis mi août ? En effet les personnes évacuées ce matin qui sont sans hôtel vont aller grossir les bidonvilles existants ou en recrééront d’autres. Elles ne disparaîtront pas de l’espace public urbain dans lequel elles vivent depuis de nombreuses années dans notre département. Elles ne se déplacent pas, elles sont déplacées contraintes et forcées par des expulsions. Et c’est cette politique absurde et incohérente qui permet aux maires des communes telles que celle de Limeil-Brévannes de stigmatiser ces familles auprès de la population en provoquant des réunions publiques contre elles, en parlant de « prolifération », en accrochant dans la ville des banderoles pour dénoncer leur présence. Nous sommes déterminés avec les familles à faire respecter les droits des personnes à vivre dignement, en sécurité. Nous demandons que cessent les politiques d’exclusion qui entraînent le racisme, la discrimination et la xénophobie, et que des décisions politiques courageuses soient mises en place pour que les enfants et leurs parents s’insèrent dans notre société, dans laquelle ils souhaitent vivre“, réagit Romeurope 94 suite à l’évacuation. “Ce campement comportait des dangers et risques importants pour les 90 personnes occupants le terrain, notamment en raison de sa proximité avec une voie routière très fréquentée, avec beaucoup de poids lourds, et une ligne SNCF à grande vitesse. Par ailleurs, le terrain présentait des dangers en raison des risques incendies”, motive pour sa part la préfecture.

Romeurope 94 dénonce 750 expulsions pré-trêve hivernale dans le département

«Il fallait profiter de leur installation ici pour poursuivre les démarches en vue de l’insertion. Quand nous avons du temps, ça fonctionne, certains parviennent à s’intégrer. En choisissant l’expulsion, c’est la solution de facilité, ils vont s’installer ailleurs et tout recommence à zéro. Si l’on savait combien coûte au contribuable une expulsion telle que celle-ci, ou les frais de santé pour ces personnes qui vivent dans des conditions difficiles. Je déplore que ces élus ne mettent pas leur courage politique à faire en sorte que la situation des Roms s’améliore» , indiquait ainsi Aline Poupel, de Romeurope 94. Selon l’association, ce sont près de 750 personnes Roms vivant dans les squats et bidonvilles du Val-de-Marne qui “ont été jetées sur les routes“, sans compter l’expulsion de ce lundi matin à Limeil. “Cette politique est dénuée de bon sens et bien sûr ne respecte pas la dignité humaine et le droit de l’enfant. De plus elle accroît la vulnérabilité des personnes fragiles“, dénonce Romeurope.

 

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