C’est une première. Le château d’Ormesson-sur-Marne sera ouvert aux visites à l’occasion des journées du patrimoine. A l’intérieur de ce monument familial, qui se distingue par sa double façade 16e-18e siècle et les trompes qui supportent ses pavillons d’angle, se trouvent des joyaux d’historien comme
le dossier de plaidoirie du procès Fouquet dont Olivier Lefèvre d’Ormesson, dit Olivier III, fut le rapporteur en 1662, mais aussi les lettres du maréchal Lyautey dont Wladimir d’Ormesson fut officier d’ordonnance, ou encore la nombreuse correspondance que ce diplomate entretint avec les chefs d’Etat et têtes couronnées durant le 20e siècle.
Cet article s’inscrit dans le cadre de la rubrique Loisirs et tourisme, rédigée grâce au soutien de Tourisme Val-de-Marne. Le comité du Tourisme organise les réservations des visites de l’intérieur du château, une première historique, à l’occasion des journées du patrimoine des 16 et 17 septembre. Réservation en ligne. Voir le programme complet des Journées du patrimoine
Un château bi-face 16e – 18e siècle
L’histoire du château d’Ormesson n’a toutefois pas commencé avec celle de la famille d’Ormesson. C’est d’abord la famille Picot de Santeny, alors à la tête du fief d’Amboile (ancien nom de la commune), qui a fait ériger la première partie du bâtiment au début du XVIe siècle, dans le style de l’époque, mêlant briques et pierres de taille. L’architecture pourrait avoir été inspirée de la planche 9 du Livre d’architecture de Jacques Androuet du Cerceau. Les trompes qui portent les deux pavillons d’angle, côté parc, et qui constituent l’un des éléments remarquables de la construction, seraient pour leur part proches de celles du château de la Folletière, situé sur les berges de l’Eure. (Lire à ce sujet le livre de Josiane Sartre “Châteaux brique et pierre en France“).
D’Enghien à Amboile : l’origine des Lefèvre d’Ormesson
La famille Lefèvre d’Ormesson, elle, est originaire de l’ouest parisien (Val d’Oise). Anoblie en 1553 en achetant des charges, elle dispose alors de son château d’Ormesson dans un quartier de l’actuel Enghien les bains. De cette trace des Ormesson à l’ouest parisien, reste la gare Ormesson, située à Deuil la Barre.
Le premier d’Ormesson qui prend possession du château est André d’Ormesson (1577-1665) en 1632. Conseiller d’Etat, il devient propriétaire du domaine en tant que gendre de Nicolas le Prévost qui l’avait racheté à la famille Picot de Santeny en 1619.
Olivier III et le procès Fouquet
Après André, c’est l’un de ses dix enfants, Olivier (1616-1686), qui hérite du domaine à l’occasion de son mariage en 1640. Conseiller au parlement, puis maître des requêtes au Conseil d’État, intendant et juge, il est connu en tant que juge – rapporteur du procès du surintendant Nicolas Fouquet en 1662. Un procès fleuve de trois ans lors duquel une certaine forme d’acharnement à charge finit par se retourner en faveur du surintendant déchu. Bien que reconnu coupable de péculat (détournement des biens de l’Etat), en principe passible d’une condamnation à mort, Nicolas Fouquet verra finalement sa peine commuée par Louis XIV en détention à perpétuité. Seule une minorité des juges se sont en effet prononcés pour la peine capitale. Juge-rapporteur, Olivier Lefèvre d’Ormesson (également dit Olivier III), a contribué à peser sur le jugement des magistrats en restant impartial et en résistant à toute influence. Une rigueur qui lui vaudra la disgrâce, ainsi qu’au second rapporteur, Pierre de Roquesante. De cette page de l’histoire, le château d’Ormesson conserve encore la trace dans deux salles complètes, remplies de pièces du procès. Une autre partie de cette énorme documentation a été déposée aux Archives nationales.
Après sa disgrâce, Olivier III d’Ormesson se retire dans son château où il reçoit la compagnie d’hommes et femmes de lettres tels que La Fontaine, Bourdaloue, Racine ou encore Madame de Sévigné à qui il est apparenté via Marie Lefèvre d’Ormesson, belle-fille des grands-parents de l’épistolière. Egalement ami d’André Le Nôtre, il fait dessiner le jardin du château dans l’esprit du maître.
Le château prend ses allures 18ème
C’est en 1758 que Marie François de Paule Lefèvre d’Ormesson, arrière-petit-fils d’Olivier III, obtient du roi Louis XV que les terres soient érigées en marquisat. La famille donne alors son nom à la commune (qui ne reprendra que peu de temps le nom d’Amboile pendant la révolution de 1789). C’est également à cette époque, que sera ajoutée une seconde façade en pierre blanche, de style 18ème, et que seront créés le grand canal abreuvé par le Morbras et la pelouse en forme de fer à cheval.
La famille et son château passent la révolution sans heurts. A cette date, c’est Henri Lefèvre d’Ormesson qui est à la tête du domaine. Nommé contrôleur général des finances par Louis XVI, il est renvoyé en 1783 mais devient conseiller d’État et il participera à la rédaction du règlement électoral pour la convocation des États généraux en 1788. Il ne sera incarcéré que quelques mois durant la terreur.
Conseillers d’Etat, magistrats, diplomates, écrivains se succèdent ensuite dans la généalogie de la famille d’Ormesson dont le château ne compte pas moins de six bibliothèques remplies des oeuvres de différentes époques.
Wladimir d’Ormesson : correspondance avec le maréchal Lyautey
Au début du 20e siècle, c’est Wladimir d’Ormesson qui marque le domaine de son empreinte. Diplomate et fils de diplomate (il est né à Saint-Pétersourg en 1888, alors que son père était conseiller d’ambassade). Officier d’ordonnance du futur maréchal Lyautey durant la première guerre mondiale après avoir été blessé, journaliste – notamment au Figaro et à la Revue des deux mondes, maire d’Ormesson-sur-Marne de 1919 à 1925, brièvement ambassadeur au Vatican en 1940, il entre dans la clandestinité en 1942. Après la guerre, il est nommé ambassadeur de France en Argentine, puis à nouveau au Vatican. Essayiste et écrivain, il est élu à l’Académie française en 1956 au fauteuil 13, après la disparition de Paul Claudel (le fauteuil 13 sera par la suite celui de Simone Veil). En 1964, il prend la présidence de l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française) issue de la réforme de la RTF . Retiré dans son château, il décède en 1973 en y laissant une impressionnante correspondance avec de nombreux chefs d’Etat et souverains du monde, ainsi que quelques 500 lettres du maréchal Lyautey, qui s’est rendu régulièrement au château et y sa chambre au 1er étage.
Dernier membre de la famille à résider effectivement dans le château, dont la décoration est globalement restée dans son décor 18ème, Wladimir d’Ormesson a été à l’initiative de la création du golf en 1925. Si ce dernier n’a pas survécu à la seconde guerre mondiale, il est recréé ensuite dans les années 1960, inauguré en 1969. C’est aussi Wladimir d’Ormesson qui a cédé une partie des terres domaniales pour les lotir, tout en conservant le château, ses dépendances et le golf.
Le domaine et sa mémoire, c’est ensuite André d’Ormesson, l’un des trois fils de Wladimir, qui l’entretiendra. Le comte n’habite toutefois pas dans le château même mais dans la grange proche, qu’il a faite aménager. S’il est décédé en 2014 dans sa 93e année, sa veuve, Antonella Feltrinelli, continue de venir régulièrement sur place. Les filles ont également fait aménager des dépendances, mais personne n’habite aujourd’hui dans le bâtiment même du château.
Dans la famille contemporaine, il faut aussi citer Olivier d’Ormesson, fils aîné de Wladimir, qui fut maire d’Ormesson-sur-Marne de 1947 à 1998, et aussi successivement conseiller départemental, député et député européen. D’abord au CNI, il adhéra au FN de 1984 à 1987 avant de revenir au CNI. Il décède en 2012 à 94 ans.
Mais le plus connu, aujourd’hui, est bien sûr Jean d’Ormesson, l’écrivain, neveu de Wladimir. Agé de 92 ans, il est aujourd’hui doyen de l’Académie française, auteur de dizaines de romans dont Au plaisir de dieu, librement inspiré de l’histoire familiale et qui donna lieu à une série télévisée dans les années 1970.
Un conservateur pour valoriser ce lieu patrimonial
Resté dans le domaine privé, le château d’Ormesson et ses 170 hectares sont aujourd’hui la propriété d’une SCI familiale grée par Charles Peugeot, à la fois descendant des familles Peugeot et d’Ormesson. Ni habité, ni utilisé à d’autres fins, en dehors du golf, le château commence à s’ouvrir par petites touches pour valoriser son patrimoine. C’est dans ce contexte qu’un conservateur a été nommé au printemps dernier, qui a déjà plusieurs pistes en tête pour ouvrir le domaine en douceur, notamment en accueillant des tournages de film. “Nous accueillons fin septembre l’un des Eductours organisés par la Commission du film d’Ile-de-France, qui permettra aux professionnels de repérer les lieux. Plusieurs professionnels se sont déjà intéressés au club house du golf en raison de sa déco d’origine”, explique Siegfried Boulard-Gervaise, le conservateur.
Une première : la visite des intérieurs du château
Côté grand public, le château a accueilli la kermesse dans son parc au début de l’été, et ouvrira grand ses portes les 16 et 17 septembre. Après une première participation aux Journées du patrimoine en 2015, lors desquelles furent organisées des visites en extérieur, le château ouvre pour la première fois ses portes. L’occasion de parcourir les salons et bibliothèques et d’admirer la vue magistrale sur la pelouse en fer à cheval.
Restaurer le bureau de Wladimir d’Ormesson
“Les fonds générés par les Journées du Patrimoine sont destinés à la restauration de la table-bureau d’époque Louis XIV sur laquelle Wladimir d’Ormesson a écrit toutes ses œuvres“, motive Siegfried Boulard-Gervaise. Une campagne de financement participatif devrait également être lancée prochainement pour contribuer à la restauration.
Réservation en ligne sur Tourisme Val-de-Marne. Attention, l’une des quatre visites du weekend est déjà complète !
Dans les dépendances évidemment mais aussi dans le chateau. Pour votre information Raymond je fais visiter le château depuis 8 ans à la kermesse et cette année pour les journées du patrimoine, j’y ai donc passé mon dernier weekend et le connais très bien.
Bon, je ne vais pas insister 🙂 Mais c’est à l’occasion d’une visite lors de la dernière kermesse qu’une de vos collègue m’a dit les propos que j’ai rapporté …
Amicalement
mais c’est vraiment n’importe quoi !
C’est une fausse information d’affirmer que ce château était privé d’eau et d’électricité, puisque le Comté Wladimir y a séjourné avec son Épouse, ayant moi-même travaillé pour lui et sa Famille.
Non : c’est une information officielle transmise par le guide lors de la journée portes ouvertes pendant la kermesse cet été. Le comte Vladimir vivait dans les dépendances aménagées, et recevait dans le salon, et il lisait et écrivait dans la bibliothèque, mais n’y vivait pas.
Si Raymond n’a pas vu d’électricité dans le château, c’est qu’il l’a visité avant 1927 date à laquelle le château a été équipé. Idem je le rassure il y a le téléphone depuis 1922, l’eau courante et le chauffage central.
Dans le château ou dans les dépendances aménagées en lieu de vie, très confortable ?
Ce n’est pas une première, il y a déjà eu des journées portes ouvertes, à l’occasion notamment des journées du patrimoine. Pour la petite histoire, ce château est en bon état, mais juridiquement inhabitable : il n’y a pas d’eau … Et comme il est classé monument historique, y installer canalisations, salles d’eau, robinets et éviers pose d’énormes problèmes, très couteux et difficiles à concevoir. Idem pour la distribution d’électricité, des alarmes et des circulations sécurisées. C’est pourquoi il faut dans un premier temps le valoriser (cinéma, salon littéraire, etc … ) pour récolter des fonds.
… On comprend mieux pourquoi le château n’est plus habité !
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