Unique exemplaire d’école publique parmi les rescapées des écoles nouvelles germées dans l’après-guerre, l’école Decroly de Saint-Mandé, qui accueille les élèves de la maternelle à au collège, a craint à plusieurs reprises sa fermeture définitive. Dévoilée ce mardi 29 août par le Conseil départemental, son extension construite pour la première fois dans le dur et sur mesure constitue une étape forte dans l’histoire de l’école, signe de reconnaissance et gage de pérennité.
Des sections de maternelle identifiées par une couleur et enroulées autour d’un patio à la salle de sport et son mur d’escalade, le sourire n’a pas quitté le visage de Françoise Delahaye, directrice de l’établissement, durant la visite de ce mardi matin. “Nous avons pu nous exprimer sur le projet et il a vraiment pris en compte les spécificités de la pédagogie Decroly comme par exemple la présence de salles de travail en petits groupes entre les classes“, salue la directrice. Même satisfaction pour Clarisse Stein, principale du collège Decroly et aussi de Charcot (Joinville-le-Pont), qui avait pour sa part insisté sur la dimension sécurité. “Nous avons investi cette année 3 millions d’euros pour la sécurité dans les collèges, notamment pour séparer les alertes incendie et attentats“, précise sur ce sujet Evelyne Rabardel, vice-présidente du département en charge des collèges.
Voir la visite en images à la fin de l’article.
Une satisfaction d’autant plus importante que ces travaux étaient très attendus. “Lorsque je suis rentrée dans l’établissement il y a trente ans, on évoquait déjà les travaux…“, se souvient Françoise Delahaye. Car l’histoire de l’école n’a pas été un long fleuve tranquille.
Une école nouvelle qui a trouvé sa place dans l’Education nationale
Son histoire commence par celle d’Ovide Decroly, neuropsychiatre belge qui expérimente de nouvelles approches pédagogiques dès 1901, d’abord pour les enfants considérés comme “anormaux”, qu’il préfère qualifier “d’irréguliers”, puis pour tous les enfants avec la création d’une école à Bruxelles en 1907. Ovide Decroly privilégie notamment l’expérimentation, l’observation, l’interaction sociale, l’interaction avec l’environnement, l’intérêt suscité qui génère l’envie d’apprendre et une approche globale de l’apprentissage. Une démarche qui s’inscrit dans le courant de la pédagogie active et de l’éducation nouvelle initié par des Maria Montessori en Italie, Adolphe Ferrière en Suisse, John Dewey aux Etats-Unis…
C’est au sortir de la seconde guerre mondiale que des parents et enseignants essaiment l’école Decroly dans la banlieue parisienne en 1945. Ils sont alors soutenus par Paul Langevin et Henri Wallon – dont un plan qui porte leur nom (plan Langevin-Wallon de 1947) projetait une rénovation complète de l’enseignement en France. Si ce plan ne fut jamais mis en oeuvre, un certain nombre de ses principes infusèrent progressivement comme par exemple le collège unique. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, plusieurs écoles nouvelles prônant une pédagogie active se développent, souvent sous des formes associatives, et dont plusieurs existent encore aujourd’hui avec un modèle d’école privée sous contrat, comme la Nouvelle école d’Antony ou l’école nouvelle de Meudon, qui va de la maternelle au bac.
Seule l’école Decroly bénéficie d’un statut d’école publique, d’abord comme école primaire rattachée à l’Ecole Normale d’Instituteurs d’Auteuil à Paris par arrêté ministériel en 1948, puis comme école et collège. Initialement installée Chaussée de l’Etang à Saint-Mandé, elle s’agrandit avec une seconde adresse au 49 avenue Daumesnil, dans un hôtel particulier face au bois de Vincennes, en 1952. Cinq ans plus tard, l’ensemble de l’établissement est rapatrié avenue Daumesnil, avec des préfabriqués dans le parc. Une solution temporaire avant la construction de vrais bâtiments qui attendra quelques dizaines d’années.
L’école Decroly, une histoire mouvementée
Entre temps, l’école vit des heures compliquées. La propriété appartient alors à la ville de Paris, qui après avoir envisagé des travaux, renonce à investir dans cet établissement extra-muros. Début 1979, alors que les locaux sont devenus trop délabrés, le ministère de l’Education nationale décide de fermer l’école en fin d’année scolaire. Commence alors un long combat des parents et enseignants, à quelques centaines de mètres d’une autre fronde, celle des étudiants de l’université du bois de Vincennes dont les locaux seront finalement transférés à Saint-Denis en 1980. La rentrée de septembre 1979 commencera par plusieurs semaines de cours, sans livres scolaires.
Finalement, un accord est trouvé avec le Conseil départemental du Val-de-Marne qui accepte de récupérer le bébé. La ville de Paris lui cédera définitivement le foncier en 2003. Concernant son statut au sein de l’Education nationale, l’école primaire devient alors école d’application de l’École Normale de Bonneuil-sur-Marne. En 1985, après les lois de décentralisation de 1983, un collège public est également officiellement créé. La gouvernance de Decroly reste toutefois unifiée de la maternelle à la troisième avec un Conseil d’administration unique. Côté entretien des bâtiments et fonctionnement, l’ensemble est géré et pris en charge par le département. Aujourd’hui, l’école accueille environ 360 élèves issus essentiellement du Val-de-Marne, et veille comme du lait sur le feu sur son statut particulier. Ainsi en 2013, banderoles et pétitions ont été ressorties lorsqu’il fut question de supprimer quinze heures d’enseignement hebdomadaire dans l’établissement.
Des travaux qui ont connu des dernières péripéties
Budgétés définitivement en 2014, les gros travaux de rénovation de l’école ont à nouveau connu un dernier report avant leur réalisation finale, car aucune entreprise n’avait répondu à l’appel d’offre initial, dont l’enveloppe a du être augmentée. Les riverains se sont aussi émus du projet, craignant une diminution des places de stationnement et l’abattage des arbres.
Un chantier à 8,5 millions d’euros
70 ans pile après la naissance de l’école, c’est en 2015 que le chantier a commencé par une opération de désamiantage et la création de nouveaux bâtiments provisoires pour pouvoir effectuer l’extension pendant les cours. Réalisée par l’entreprise Pitel et dessinée par une architecte du Conseil départemental, Céline Delattre, assistée du bureau d’étude CET, l’extension, qui comprend un rez-de-chaussée et un premier étage, a donné lieu à la création de 2200 m² de surface de plancher supplémentaire. Les nouveaux bâtiments, dont le gros défi a été de s’imbriquer en harmonie dans le tissus urbain très dense du quartier, ont aussi fait une large place à la lumière avec un patio intérieur au niveau de la maternelle, et beaucoup de parois vitrées pour diffuser la lumière naturelle jusque dans les parties reculées de l’établissement. En parallèle de cette extension, intégralement accessible, un ascenseur a été créé pour gravir les étages de l’hôtel particulier. Une passerelle relie les deux bâtiments. Au total, le chantier a représenté un investissement de 8,5 millions d’euros.
Beaucoup de demandes et peu de places
Si des bâtiments neufs ont été construits, ils n’ont pas été conçus pour augmenter la capacité d’accueil, limitée à 11 classes et 365 élèves. Pas question ici de passer à 500 ou 600 jeunes, non seulement en raison des contraintes urbaines mais aussi pour préserver la taille humaine de l’établissement. Un souhait partagé par les enseignants comme les parents. Pourtant, les candidatures en manquent pas, et, une fois les dossiers analysés et les familles reçues, c’est par tirage au sort que l’école procède tant il est impossible de satisfaire tout le monde. Il reste en général en moyenne cinq candidatures pour une place, indique-t-on du côté de l’Education nationale. “C’est surtout à chaque rentrée de cycle qu’il y a beaucoup de demandes. Pour inscrire nos enfants, nous avons déposé notre dossier pour la rentrée de CM2, et il n’y avait que 5 dossiers pour 5 places libres“, se souvient Christophe, dont les deux garçons s’apprêtent à attaquer leur quatrième.
“Ce-sont les difficultés rencontrées par l’un de nos enfants dans le système conventionnel qui nous ont conduit à changer d’école. Il a été un temps scolarisé à l’école Arborescences (école de pédagogie Montessori dédiée aux enfants précoces, créée à Nogent-sur-Marne en 2009 puis déménagée à Noisy-le-Grand) mais celle-ci s’arrêtait au CM2 et nous craignions que l’entrée au collège soit un retour dans la broyeuse. C’est en cherchant une école à la pédagogie nouvelle de niveau collège, beaucoup plus rare qu’en primaire, que nous avons découvert qu’il y avait un collège public qui mettait ces pratiques en oeuvre dans le Val-de-Marne. Nous sommes totalement en phase avec les principes de l’école : l’absence de compétition, le développement du travail ensemble, les passerelles entre les classes, l’élève acteur de la pédagogie… Il y a plein de choses qui n’existent pas dans l’école conventionnelle comme les nombreux ateliers manuels, les conseils hebdomadaires lors desquels les élèves font le bilan de la semaine et ont le droit de tout dire. La place des parents est aussi beaucoup plus importante”, détaille le parent.
Une coopération avec les parents qui va jusqu’à l’organisation d’ateliers pédagogiques le samedi matin et qui s’illustre dans l’Association des amis de l’école Decroly, qui comprend à la fois des parents d’élèves et des enseignants. “Son conseil d’administration se réunit chaque mois et discute d’énormément d’aspects de la vie de l’école”, explique Barbera Visser, sa présidente, qui a deux enfants scolarisés en CM1 et 5e. “Je suis hollandaise d’origine et je me sentais plus proche de la pédagogie Decroly de par ma culture”, motive-t-elle, ajoutant que son mari est lui-même un ancien de l’école. “Les parents qui inscrivent leur enfant ici cherchent le plaisir d’apprendre, l’épanouissement de l’enfant”, insiste la présidente de l’association.
Majoritairement fréquentée par des enfants de parents bien informés, disponibles pour s’impliquer et aller chercher leur enfant à 16h30 à l’école car il n’y a pas d’activité extra-scolaire, ou bien suffisamment fortunés pour aller les faire chercher, l’école Decroly est parfois considérée comme un repère de bobos. “C’est vrai qu’il y a beaucoup de parents qui vivent de professions artistiques au sens large”, reconnaît un parent d’élève. Accueillant les profils atypiques, l’école fait en revanche largement place aux enfants souffrant de handicap. “C’est dommage que l’on ne puisse pas inclure plus d’enfants. Il faudrait d’autres écoles de ce type”, pointe Barbera Visser.
Pas de réplique mais des expériences à l’échelle des enseignants
Aucun projet similaire, à l’échelle d’une école complète, n’est toutefois dans les cartons à l’heure actuelle, même si un certain nombre d’enseignants expérimentent leur propre méthode, s’inspirant et s’appropriant tel ou tel précepte de pédagogue. “Il y a beaucoup d’expériences pédagogiques innovantes dans le département. Si les programmes sont les mêmes pour tout le monde, les professeurs sont libres dans la manière de les enseigner. Nous avons par exemple des classes sans notes“, insiste Guylène Mouquet-Burtin, directrice académique du département. Une classe CM2-6e va également être expérimentée à Créteil cette année, pour travailler sur la liaison primaire-collège.
Les 360 élèves de Decroly, eux, découvriront leur nouveau collège ce lundi 4 septembre. Visite en images…
Ancien élève, père d’anciennes élèves, je témoigne de la pluralité d’origine des enfants scolarisés, parfois suite à des difficultés d’intégration dans le système classique. Le convivialité et l’entraide étant une des bases du fonctionnements des parents, le covoiturage, les gardes chez les copains, sont des solutions constantes et ce depuis plus de 50 ans.
Le défaut principal de Decroly est naturellement lié à son histoire, issue d’un regroupement de parents et d’enseignants en fonctionnement relativement clos, il n’y à pas de volonté prosélyte, d’autres établissements s’en sont inspirés, mais l’idée même de “franchise” du système est assez contradictoire avec la notion d’auto gestion qui s’y est faite place.
Pour ce qui est de locaux adaptés, cela fait plus de 50 ans qu’on en parlait. Bien qu’étant bien loin géographiquement aujourd’hui, je suis particulièrement heureux de cette nouvelle.
Que Decroly soit encore considérée comme une école expérimentale alors qu’elle existe depuis presque un demi-siècle … cela en dit long sur le conservatisme de l’école publique française !!!
Ma fille est rentrée en maternelle en 1979, année de la fermeture programmée et nous avons bataillé durant une bonne partie de sa scolarité pour repousser puis éviter les menaces de fermeture.
La rénovation est un gage de pérennité de l’école et j’espère de sa pédagogie. Ma fille a fait toute sa scolarité à Decroly. Quant à la rengaine “BOBO”, laissez-moi rire … Que vive Decroly et qu’elle se multiplie.
Rien n’est inventé de ce que je vous rapporte !
D’ailleurs, ces lignes ne sont pas ignorées des élus de Saint-Maurice.
Il serait assez distrayant que ces Messieurs-Dames me contredisent.
Les convictions restent solidement ancrées quand les idées faiblissent.
Quand les résultats aux examens sont le thermomètre de la réussite, et que ça n’est pas très glorieux, on bricole le thermomètre pour essayer de donner le change… un mien petit-neveu a eu son bac —à ne pas confondre avec le bateau qui relie Blaye à la marque, pas loin de chez-lui—cette année, mais ne sait pas lire —il a du mal à comprendre ce qu’il déchiffre, ou alors il lui faut lire à voix haute !— et qui ne peut se faire comprendre par écrit, ” mais me avait que” le clavier et l’aide avisée d’un correcteur orthographique. Il a fait sa scolarité à l’école traditionnelle de la République, et se trouve totalement bloqué malgré sa réussite à l’examen.
Bravo Madame Delahaye, bravo Madame, et bravo à tous ceux qui ont contribué à maintenir cette école la tête de hors de l’eau !
Christian Ouvray
“Beaucoup de demandes et peu de places” et “Majoritairement fréquentée par des enfants de parents bien informés, disponibles pour s’impliquer et aller chercher leur enfant à 16h30 à l’école car il n’y a pas d’activité extra-scolaire, ou bien suffisamment fortunés pour aller les faire chercher, l’école Decroly est parfois considérée comme un repère de bobos” … Tout est dit : une expérience, surtout si elle est validée par le succès, n’a de valeur que si elle se reproduit. Cette école, dans les faits, reste un lieu exotique, mais à encourager.
À encourager en effet.
Pour bien mettre le sujet dans son contexte : j’étais conseiller Municipal minoritaire (Cap 21) jusqu’en 2014. Et j’ai toujours affirmé que si j’étais minoritaire et pas qu’un peu, je n’étais pas dans l’opposition systématique, qui d’ailleurs n’existe pas véritablement à Saint-Maurice
Quand l’exécutif de Saint Maurice écrivait noir sur blanc que cette école est spécialisée pour les enfants en difficulté, et qu’il s’oppose à ce que les parents de Saint-Maurice y inscrivent leurs enfants au motif parmi tant d’autres que ça coute à la Commune et que les résultats aux examens seraient médiocres, ce sans voir la contradiction des arguments, on mesure le chemin à parcourir.
1/ Si on réserve les inscriptions aux enfants en difficulté (j’ai conservé les documents présentant l’école au Conseil Municipal —J’en avais informé Mme Delahaye lors d’un rendez-vous qu’elle m’avait accordé le 8 octobre 2013— comment s’étonner de prétendus résultats médiocres ?
Un peu de logique : si la matière première est médiocre, les résultats sont mitigés, non ?
2/ Pour des questions de financement partiel de la scolarité des élèves de l’école par la Ville où il devrait être scolarisé ? à contrario la compensation versée à l’école pour les enfants scolarisés à Decroly émarge à moins que le budget moyen pour les enfants scolarisés dans les écoles de Saint-Maurice. Mais n’étant pas comptable je laisse à d’autres le soin de vérifier. En tout cas, c’est à la marge et du genre 100 €. l’année en plus ou moins pour à l’époque moins de 10 élèves à Decroly. On a le droit à la mesquinerie, si on l’est pour tous les sujets.
3/ Je n’ai pas fait le calcul pour les enfants scolarisés à Saint-Michel de Picpus ou Notre Dame des Missions, mais cet argument n’est pas employé par l’exécutif et un élu de gauche (?) qui n’avait pas vu non plus le nombre de familles placées sous le seuil de pauvreté, avait calculé que les inscrits dans ces ces deux écoles coutaient deux classes à la Ville .
Par contre, les visites du sénats étaient proposées aux enfants enfants scolarisés à NDM (nom employé par les initiés pour Notre-Dame des Missions, mais les enfants des écoles laïques et publiques passaient devant la glace.
Je ne sais pas si les enfants scolarisés à NDM out St Michel sont de familles ± favorisées qu’à Decroly. ce propos est d’ailleurs plutôt mesquin pr son profil idéologique.
J’avais informé M. le Maire en conseil municipal (de mémoire en 2012) qu’il y avait environ 100 élèves issus de familles aux revenus inférieur au seuil de pauvreté dans les écoles de Saint-Maurice, lors d’un débat sur les tarifs des cantines scolaires. et j’avais utilisé le peu de signes accordés à notre groupe de deux élus dans la publication Municipale, cette donnée n’a jamais été démentie. Le truc reste donc sous le tapis. Ces enfants ne sont scolarisés dans aucun des 3 établissements en question. Donc les personnes qui ne peuvent payer la cantine à leurs enfants doivent aller quémander au CCAS, où d’ailleurs elles sont très bien accueillies, et secourues.
Ici, les saltimbanques du plateau ont mauvaise presse, les dames patronnesses et les bigots, Tartuffes ou non, sont beaucoup mieux considérés.
Christian Ouvray
Pouvez-vous m’indiquer à combien s’élèvent les frais de scolarité à payer par la commune qui accepte de signer une convention avec Decroly? Merci
Je crains de vous citer des chiffres de mémoire.
Je vais certainement retrouver les chiffres de 2013 ou 2014 dans mes archives.
Mais comme je suis assez loin de mes bases au moins jusqu’à jeudi prochain, vous devrez attendre une petite semaine.
Par ailleurs ces chiffres, même si ils ne sont pas faciles à trouver pour vulgum pecus, sont réputés publics, puisqu’ils sont dans les comptes de la ville.
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