L’élection du nouveau président de l’Upec (Université Paris Est Créteil) qui se tiendra vendredi 22 décembre suite à la démission d’Olivier Montagne pour raisons de santé sera loin d’être une formalité et intervient au moment paroxystique d’une crise majeure dans la gouvernance de l’université.
Vendredi 15 décembre en effet, le budget 2018, qui prévoyait quelques coupes au niveau des personnels et des formations, a été retoqué par un vote de 28 voix sur 31, ce qui donne une idée de la contestation. Au-delà de la question financière, le plan étudiant, la stratégie de l’université dans le Grand Paris, la vie étudiante et les liens avec le territoire constituent également des enjeux qui devraient largement nourrir le débat en séance, avant le passage au vote.
Plan étudiant, place dans le Grand Paris
Du côté des étudiants, les attentes sont fortes. “Nous voulons une ligne politique claire sur les enjeux des réformes en cours, prévient Cécilia Koch du syndicat étudiant Unef. Nous sommes opposés au plan étudiant qui va acter la sélection à l’entrée à l’université et voulons des engagements pour mener la bataille en s’organisant pour accueillir tous les étudiants. L’université doit rester un ascenseur social”, poursuit-elle. L’étudiante souhaite aussi une université plus conquérante et innovante, citant par exemple la capacité à obtenir le label développement durable et responsabilité sociale des établissements supérieurs (DDRS), et plaide pour une université davantage ouverte au territoire. Pour Mihai Guyard, de l’association étudiante majoritaire Bouge ta fac, l’une des urgences concerne le positionnement de l’Upec dans le paysage universitaire grand parisien alors que la fusion avec l’Upem (Université Paris Est Marne la Vallée) a été stoppée sans se convertir en coopération renforcée et que l’Upem prépare pour 2019 une nouvelle université avec cinq autres établissements. “Aujourd’hui, l’Upem a réussi à obtenir des investissements du PIA 2 (Programme d’investissement d’avenir), ce qui se chiffre en investissements de dizaines de millions d’euros, dans le cadre du projet Future I-Site sur la ville de demain porté avec la Comue (ndlr, communauté des universités de l’Est parisien qui comprend notamment l’Upec et l’Upem). L’Upec est sortie de ce projet dans lequel elle avait toute sa place. La Comue sera demain une coquille vide et l’Upec risque de se retrouver fragilisée si elle se replie sur elle-même”, s’inquiète l’étudiant qui souhaite également de la part du nouveau président ou présidente qu’il ou elle s’engage sur la rénovation du patrimoine de l’Upec en faisant des choix, sur les moyens accordés à la vie étudiante et sur les relations avec le territoire de proximité.
Quatre candidats en lice
Pour rappel, les grandes élections des différents collèges (enseignants, personnels, étudiants…) ont eu lieu en 2016 et il ne s’agit pas d’un suffrage universel au sein de la communauté universitaire. Ce vendredi, c’est le Conseil d’administration qui élira un nouveau président dans le contexte exceptionnel d’une démission en cours de mandat, pour des raisons de santé. En piste: quatre candidats. Les trois premiers sont issus des trois listes qui étaient en présence lors des élections de 2016. Il s’agit de Caroline Ollivier-Yaniv qui était sur la liste Penser l’avenir, agir ensemble de l’ancien président Luc Hittinger, Frédéric Gervais qui était sur la liste Quelle gouvernance pour quelle université ? du président sortant Olivier Montagne, et qui est président par intérim, et enfin Vérène Chevalier qui menait la liste Stoppons la fusion et décidons ensemble. Est également entré en scène Jean-Luc Dubois-Randé, le doyen de la fac de médecine.
32 électeurs à convaincre
Face à ces quatre candidats : 32 électeurs membres du Conseil d’administration (télécharger la composition du CA à ce jour, les noms grisés ne prennent pas part au vote). 32 précieuses voix à récupérer. Si la campagne ne passe pas par de la communication grand public, les allers-retours entre les candidats et leurs 32 électeurs s’accélèrent pour discuter de chaque point, et pas une voix n’est laissée au hasard. Ce vendredi, il en faudra 17 pour être élu. Si une majorité ne se dégage pas dès le premier tour, ce qui semble à ce stade assez probable compte tenu du nombre de candidats, ce ne sont pas les deux premiers qui seront départagés mais il y aura un nouveau vote avec tous ceux qui souhaitent rester en lice, après dix minutes de suspension de séance pour permettre d’éventuels accords et désistements. Au total, quatre tours de vote sont ainsi prévus pour élire le ou la future présidente. En cas de non majorité au terme du 4ème tour, une nouvelle élection sera convoquée par le CA.
Caroline Ollivier-Yaniv
Caroline Ollivier-Yaniv est professeure en sciences de l’information et de la communication et co-directrice du Ceditec (Centre d’étude des discours, images, textes, écrits et communication : laboratoire de recherche en sciences de l’information et de la communication et en analyse du discours). Sur les questions posées par les étudiants, Caroline Ollivier-Yaniv prend position en faveur du plan étudiant qu’elle veut mettre au coeur du projet. ” L’Upec devra amplifier son action afin d’être en mesure de personnaliser davantage les parcours et de tenir compte de la diversité de ses publics dans une approche de type formation tout au long de la vie. Le « Plan Etudiants » représentera l’un des leviers de cette transformation qui comprendra une diversification des parcours de formation, une personnalisation plus grande de l’accompagnement, un recours mieux pensé aux outils numériques, une meilleure reconnaissance de l’engagement étudiant et le renforcement des parcours de professionnalisation “, défend-elle. Si la candidate n’est pas sur ce point en phase avec les demandes de l’Unef, elle répond en revanche aux questionnements de Bouge ta fac sur la question du positionnement dans le Grand Paris. “Alors que le paysage universitaire français se structure autour de grands pôles qui résultent à la fois des politiques de site engagées depuis une dizaine d’années et des programmes du PIA (Idex et I-Site), l’Upec doit retrouver un rôle actif dans ce processus. Nous devons tirer parti à la fois des atouts de notre inscription institutionnelle territoriale (Paris-Est) et de notre intégration dans des réseaux qui conditionnent le portage de projets dans différents domaines de l’enseignement et de la recherche. Pour cette raison, l’Upec doit reprendre et assumer la place qui est la sienne dans la mise en œuvre de l’I-Site, le pôle santé et société élargi à l’environnement ayant beaucoup à apporter aux recherches sur « la ville de demain ». Elle doit aussi, dans les deux années qui viennent, travailler avec l’Upem, université avec laquelle nous partageons un grand nombre d’équipes de recherche et de formations. La fusion entre établissements n’est évidemment plus à l’ordre du jour. Il s’agit en revanche de trouver les conditions d’un partenariat privilégié avec la nouvelle université que l’Upem ambitionne de former, avec d’autres établissements, dans le cadre du projet I-Site”, pose la colistière de l’ancien président Luc Hittinger qui veut aussi investir “la réflexion sur les dispositifs numériques pédagogiques, sur la professionnalisation ou encore sur la modulation des rythmes d’apprentissage des étudiants“, ainsi que sur le nouvel appel à projet du PIA,“la deuxième vague de l’appel sur les « Nouveaux Cursus Universitaires », dédiée à la transformation du premier cycle universitaire“. Voir sa profession de foi complète. Pour mener son projet, la candidate souhaite développer cinq axes qu’elle développe sur le site de la liste Penser l’avenir, agir ensemble.
Frédéric Gervais
Président par intérim et vice-président du Conseil d’administration, Frédéric Gervais est maître de conférence en sciences informatiques. Colistier d’Olivier Montagne, le président démissionnaire, il entend poursuivre sa ligne et défend son bilan. “Si nous avons insuffisamment communiqué autour du travail effectué depuis 20 mois, ce dernier fut de grande ampleur. Avec l’horizon unique d’une fusion hasardeuse, l’UPEC était vouée à disparaître dans la «Nouvelle Université». L’équipe présidentielle a donc dû procéder à la réorganisation des services administratifs, mener des campagnes d’emplois sans gel de poste, relancer des projets de recherche avec des succès déjà enregistrés dans le cadre des domaines d’intérêt majeur de la Région ou de l’appel du président de la République #MakeOurPlanetGreatAgain, relancer la vie démocratique de l’univeristé, mettre en chantier des réflexions de fond sur la pédagogie et la formation, dont celle «tout au long de la vie», relancer une politique de vie culturelle et de campus, consolider et permettre l’émergence de nouvelles structures, établir de nouveaux partenariats.” Le vice-président s’engage aussi à développer les partenariats à l’international, et, sur le plan national, à se “rapprocher des territoires et des partenaires économiques“. Concernant la Comue (qui réunit divers établissements dont l’Upem et l’Upec), Frédéric Gervais souhaite à continuer à l’investir sans exclusive, et plaide pour que le pôle santé et société soit élargi aux sciences de l’environnement pour faire le lien entre le pôle « Santé – Société – Environnement » et le pôle « Ville, Environnement et leurs ingénieries ». Concernant le plan étudiant, le vice-président propose de le mettre en place
“de manière équilibrée et concertée” et annonce une concertation afin d’élaborer un schéma pluriannuel de vie étudiante. Il s’engage aussi sur la rénovation des locaux, en particulier de la grande dalle, et promet d’améliorer la restauration sur chaque site et l’accompagnement sur la santé. Concernant le budget 2018 qui a été refusé à une très grande majorité, le vice-président indique que suite aux annonces du 27 novembre sur les moyens nouveaux, des consultations seraient lancées dès janvier 2018 “afin de répartir ces nouvelles dotations”. Voir sa profession de foi. Voir son site Internet.
Vérène Chevalier
Vérène Chevalier est sociologue, maîtresse de conférences en STAPS à l’Université Paris Est Créteil (UPEC), responsable du M2 Management du sport (SESS-STAPS et IAE). Tête de la liste Stoppons la fusion et décidons ensemble lors des élections de 2016 et a soutenu le président démissionnaire pour faire émerger une majorité lors de l’élection du président en 2016. Elle est donc déjà membre du Conseil d’administration, à l’instar de Frédéric Gervais et de Caroline Ollivier-Yaniv. Comme Frédéric Gervais, l’élue défend une certaine continuité pour des raisons de légitimité du Conseil élu. “Une élection de grands électeurs liée à des circonstances aussi particulières que l’état de santé d’un président ne peut pas légitimement décider d’un renversement complet de la politique de l’établissement. Seul l’ensemble des personnels et étudiant.e.s convoqué.e.s à de nouvelles élections générales aurait la légitimité pour en décider“, expose-t-elle. Dans la ligne générale du projet défendu par Olivier Montagne, à commencer par le refus d’une fusion Upec-Upem, elle souhaite en revanche “clarifier les objectifs, accélérer le rythme de sa mise en œuvre, et changer de méthode pour lui redonner lisibilité, visibilité, et efficacité“. La candidate développe cinq axes de travail : le maintien d’une université pluridisciplinaire mais en la structurant en axes thématiques, le développement des partenariats, l’encouragement des étudiants à participer à la vie de campus, un travail sur les ressources humaines avec notamment de la lisibilité dans la gestion des carrières, et l’adaptation des parcours étudiants à la diversité des formations. Voir sa profession de foi. Voir le site Internet de sa liste.
Jean-Luc Dubois-Randé
C’est un peu l’outsider de cette élection. Le doyen de la faculté de médecine considère que “l’UPEC est en manque de repères dans un paysage francilien, national et international très mouvant” et indique se porter candidat “avec la volonté d’apaisement, de rassemblement.” Concernant le positionnement dans le Grand Paris, le candidat souhaite à la fois nouer plus de liens stratégiques avec la Comue mais aussi avec d’autres universités et établissements, ainsi qu’avec “l’écosystème économique et politique des territoires“. “Le paysage universitaire francilien et national est dorénavant structuré en grands ensembles universitaires du fait des politiques mises en place et des strates successives du PIA. L’UPEC doit absolument afficher rapidement son rôle d’université du Grand Paris. Le risque est grand sans une ambition commune de voir notre université devenir un collège universitaire“, insiste le doyen. Pour faire émerger des axes stratégiques lisibles à partir de la multi-disciplinarité de l’université, Jean-Luc Dubois-Randé propose un séminaire de travail après l’élection. Le doyen évoque également la question de la gestion des carrières et de l’administratif, susceptible de s’appuyer sur “un environnement numérique pertinent“. Il s’engage à faire plus de place aux étudiants dans la gouvernance avec notamment la création d’un comité de vie de campus et des actions type “Campus vert, lutte contre les inégalités, développement durable, économie sociale et solidaire, santé étudiante, pratiques culturelles et sportives pour tous“, “renouvelant le rapport étudiants / personnels”. “Un dialogue avec les territoires doit être engagé en faveur du logement étudiant“, insiste aussi le doyen. Pour contribuer à l’aura de l’université et son ouverture sur l’extérieure, le candidat propose aussi de travailler sur la diffusion des savoirs auprès des différents publics et d’instaurer un dialogue entre science et société avec mise en place de cycles de conférences et actions de science citoyenne en direction d’élèves et d’enseignants du primaire et du secondaire. “Dans le même sens, nous renforcerons un média UPEC en réseau avec Radio Campus (en lien avec Radio France)“, enjoint le candidat. Voir sa profession de foi.
En principe, le nom du nouveau président ou de la nouvelle présidente de l’Upec sera connu ce vendredi 22 décembre. Pour rappel, l’Upec, créée au début des années 1970 au moment de l’éclatement de la Sorbonne en 13 universités sur l’ensemble de l’agglomération, compte aujourd’hui un peu plus de 30 000 étudiants, 6500 adultes en formation continue, 1600 enseignants et enseignants chercheurs, 3000 chargés d’enseignement et un millier de personnels administratifs. L’université s’appuie sur 7 facultés dans différents domaines allant du droit à la médecine en passant par le sport, les sciences humaines, les sciences et la technologie, 4 instituts (urbanisme, administration générale, IUT de Vitry-Créteil et de Fontainebleau-Sénart), a des partenariats étroits avec l’école vétérinaire à Maisons-Alfort, a développé une école d’ingénieurs (Esipe) et dispose aussi d’une école supérieure du professorat (Espe) à Bonneuil-sur-Marne. En termes de recherche, elle compte 32 laboratoires ainsi que l’Observatoire des Sciences de l’Univers (OSU – EFLUVE).
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