Entreprendre | | 05/11/2017
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Géo-Instrumentation évite que ponts et tunnels ne s’écroulent

Géo-Instrumentation évite que ponts et tunnels ne s’écroulent

Des ponts, des tunnels profonds, des centrales nucléaires, des barrages… Autant d’ouvrages sensibles qui nécessitent une surveillance régulière pour éviter qu’une micro-déformation ne s’avère fatale. C’est tout l’enjeu de la petite entreprise industrielle Géo-Instrumentation, basée dans la zone d’activité Carré d’Ivry, à deux pas des quais de Seine. Rencontre avec sa dirigeante et fondatrice : Isabelle Lamarque.

Ingénieure en géotechnique et géophysique, Isabelle Lamarque s’est très tôt spécialisée dans la fabrication de capteurs de déformation physique de long terme des ouvrages, d’abord au sein d’une entreprise américaine puis à son propre compte. Objectif : déceler les moindres déformations – tassements, pression interstitielle ou encore inclinaison, pour guérir lorsqu’il est encore temps. Comment ? Grâce à des capteurs à corde vibrante, tout simplement constitués d’une corde de piano tendue entre deux points. Des électro-aimants excitent très légèrement la corde dont la tension varie en fonction de la pression exercée ou non de chaque côté. Une formule de calcul permet d’en déduire le niveau de déformation en train de s’opérer. “C’est un métier passionnant car on se rend sur les chantiers pour surveiller les ouvrages : tunnels, centrales nucléaires, monuments historiques…”, indique Isabelle Lamarque. Embauchée en 1992 comme ingénieure technico-commerciale de l’entreprise américaine qui commercialisait cette technique en France, la future cheffe d’entreprise monte les échelons et en devient directrice générale.

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Cet article s’inscrit dans le cadre de la rubrique Histoires d’entreprises et d’entrepreneurs, rédigée – en toute indépendance – grâce au soutien de la CCI du Val-de-Marne. Voir tous les articles publiés dans cette rubrique

Un marché de niche

C’est en 2008 que cette ingénieure se lance dans l’entreprise. A cette date, son employeur américain rachète en effet une société suisse qui fabrique des capteurs à fibre optique. “L’entreprise était alors moins intéressée par les cordes vibrantes et j’ai proposé de racheter la filiale française car l’affaire était déjà rentable, nous travaillions pour des grands groupes comme EDF, Vinci, Areva, l’Andra…”, motive l’ancienne cadre, qui rentre alors en négociation pendant quelques mois. L’affaire ne se concluant pas, elle se lance en solo, commençant par nouer un partenariat avec son associé, Norbert Chéron, qui avait continué à fabriquer en sous-traitance des capteurs à corde vibrante amortie pour les clients qui ne souhaitaient pas changer de technologie. “Cette technique est plus chère mais plus robuste et pour les ouvrages sensibles prévus sur du long terme, les opérateurs ne veulent pas prendre de risque. Il s’agit d’un marché de niche sur lequel nous n’avons pas de concurrent direct. Notre défi reste néanmoins de convaincre les jeunes générations qui peuvent être sensibles à l’avènement de produits moins robustes mais aussi moins chers”, explique lsabelle Lamarque.

Un capteur à corde vivrante

Dès sa création en 2008, Géo-Instrumentation peut s’appuyer sur plusieurs contrats et pense immédiatement à la diversification en prenant en sous-traitance la fabrication d’autres appareils de mesure pour le compte d’EDF. “Il s’agissait d’un contrat de quatre ans qui nous donnait de la visibilité.” La jeune PMI, d’abord basée à Choisy-le-Roi, s’occupe de l’assemblage et de l’usinage dans l’atelier de son associé, qu’elle achète pour intégrer toutes les étapes de la fabrication à la commercialisation, et s’installe à  Ivry-sur-Seine. Progressivement, l’équipe s’étoffe d’une assistante, un commercial, une responsable marketing, un géologue pour montrer aux clients comment poser le matériel sur les chantiers, et de plusieurs personnes à l’atelier, augmentant son effectif jusqu’à douze salariés.

Objectif diversification

Mais en 2016, deux épreuves donnent des sueurs froides : le décalage de commande de deux ans d’un grand compte qui pesait un peu trop dans le chiffre d’affaires, et la concurrence de produits moins chers. “Ces produits n’ont finalement pas fait leurs preuves mais en attendant, nous avons perdu les marchés”, se souvient Isabelle Lamarque. Un double coup dur. “ Il a fallu se remettre en question pour redresser la barre. J’ai emprunté de l’argent dans mon cercle familial car les banques m’ont coupé les vivres.” A cela s’ajoutent des décalages coûts de production-paiement qui minent la trésorerie. “Nous sommes sous-traitants de niveau 4 et l’écart est donc de six mois”, précise la cheffe d’entreprise. Pour gérer les décalages de trésorerie, la société s’appuie sur l’affacturage, et pour passer le cap 2016, la PMI diminue ses effectifs et recourt à la sous-traitance. Surtout, elle revoit sa stratégie commerciale pour sécuriser ses commandes. “J’ai appris qu’il ne faut pas dépendre d’un client à plus de 20% de son chiffre d’affaires. Il en faut au moins trois ou quatre, ainsi que des plus petits clients comme par exemple les villes et les départements avec qui nous développons des contrats de maintenance. Ce-sont des contrats plus petits mais aussi pérennes. Nous explorons aussi les gros projets portés en co-traitance.”

Pour poursuivre sa croissance, Géo-Instrumentation accélère la diversification en investissant dans la recherche et développement avec des partenaires comme le LNE (Laboratoire national de métrologie et d’essais) pour créer des nouveaux produits et des brevets sous licence. “Nous avons par exemple développé un nouveau capteur de détecteur de gaz avec l’Andra, ou encore un capteur de tassement de digue avec Canal de Provence”, indique Isabelle Lamarque.

De l’innovation mais aussi de la certification. “Nous sommes certifiés Iso et appliquons la méthode des 5 S (méthode qualité reposant sur cinq mots d’ordre japonais et formalisant un processus de tri, rangement, optimisation des déplacements et port d’objets lourds, nettoyage, recyclage, ordonnancement des documents, rigueur…). Nous archivons et traçons tout ce que l’on fait.”

Géo-Instrumentation joue aussi la diversification verticale, avec l’intégration d’une couche de service pour offrir non seulement les produits mais aussi des contrats de maintenance avec par exemple visite régulière sur site et hotline pour valider les données mesurées en fonction du contexte, (foudre, petits rats qui mangent les câbles… ).

Cap aussi à l’International. “Nous souhaitons nous positionner sur des barrages en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire, au Maghreb et en Afrique du Sud, et nous partons au Pérou début novembre avec la CCI pour nous développer là-bas.

Plus près, la PMI se positionne enfin sur le colossal projet du Grand Paris Express et ses nombreux ouvrages en profondeur.

Usineur-programmeur : le profil introuvable

L’affaire désormais consolidée, Géo-Intrumentation table sur un chiffre d’affaires de 2,5 à 3 millions d’euros en 2018 et souhaite ré-embaucher pour répondre aux nouvelles commandes, même si certains profils sont plus compliqués que d’autres à trouver, comme par exemple celui d’usineur-programmeur. “La formation a changé. Avant, les usineurs savaient programmer leur machine. Désormais, il y en a un qui utilise, l’autre qui programme, mais cela ne convient pas pour des fabrications de très petite quantité.” La formation s’effectue donc essentiellement en interne, pour répondre aux exigences spécifiques.

Et pour concilier les tensions de l’aventure entrepreneuriale et sa vie privée ?J’ai toujours fait beaucoup de sport mais depuis quelques années, je fais aussi du yoga et de la méditation, cela me permet de lâcher prise et d’être plus sereine.”

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