Logements | Val-de-Marne | 05/01/2017
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Grandes manœuvres autour des offices HLM pour se prémunir du Grand Paris

Grandes manœuvres autour des offices HLM pour se prémunir du Grand Paris

Fin 2017, les offices HLM des villes devront se rattacher aux territoires du Grand Paris. Inquiets d’une distanciation entre les locataires et les décisionnaires et d’une perte accrue de la maîtrise dans les attributions, certains maires ont trouvé la parade de différentes manières tandis que d’autres espèrent encore une évolution de la loi. 

Parmi les solutions mises en place pour éviter un transfert de l’OPH au territoire  : la revente à des Sem (société d’économie mixte) ou des bailleurs sociaux maison détenus majoritairement par la commune. Plusieurs villes ont aussi choisi des grands bailleurs sociaux, sans participation de la ville dans la gouvernance mais avec des garanties.

A Maisons-Alfort, un bailleur social maison

“Le logement est une affaire de proximité et constitue un élément important de l’attente des habitants, qu’il s’agisse des questions de rénovation, de la gestion des parties communes, de la politique de loyer, des charges d’attribution… Il faut une distance très courte entre l’organisme et les locataires et je suis totalement opposé au fait que ces questions soient regroupées au niveau des territoires et de la métropole, pose Michel Herbllon, député-maire LR de Maisons-Alfort. J’ai déjà vécu les organismes tentaculaires qui gèrent des dizaines de milliers de logements depuis Paris sans gestion de proximité! C’est la deuxième année que nous n’augmentons pas les loyers, je suis sûr que si c’était géré au niveau de la métropole, cela ne serait pas le cas.”  Afin de garder la main, la commune a donc pris les devants. Dans un premier temps, elle a transformé la Sem (Société d’économie mixte de la ville détenue à 51% par la commune et le reste par la Caisse des dépôts et consignations) qui gérait le quartier des Planètes en Entreprise sociale pour l’habitat (Esh). C’est cette société, détenue majoritairement par la ville, aux côté de la CDC et de la région,  qui va ensuite absorber l’office HLM. Les autorisations préfectorales ont d’ores et déjà été accordées et la ville attend désormais l’agrément ministériel dans les prochaines semaines.  L’opération concerne 3 000 logements sociaux sur les 8000 que compte la commune (25% des logements), et qui appartiennent à  16 bailleurs sociaux différents. “Dans le quartier des Planètes, situé sur les bords de Marne près de Créteil, il y a environ 900 logements sociaux, dont une partie était gérée par la Sem et l’autre par l’OPH, il y aura désormais une unité dans la gestion“, ajoute l’édile. Une opération dénoncée par la conseillère d’opposition PS Sophie Gallais, comme un contournement de la Loi Alur.

Créteil choisit la Sem

A Créteil, c’est dès 2015 que le député-maire PS de la ville, Laurent Cathala, a impulsé la fusion entre la Sem locale (la Semic) et l’OPH Créteil Habitat. Le patrimoine de l’OPH a ainsi été vendu à la Semic dès avril 2015, avec au passage une augmentation de la participation de la commune dans le Conseil d’administration, passant de 51% à plus de 70%.

Joinville et Vincennes ont opté pour des grands bailleurs sociaux

A Joinville-le-Pont, c’est à l’entreprise sociale pour l’habitat Logirep, que la commune a cédé son OPH fort de 1437 logements. L’entreprise, qui gère 38 000 logements, est une filiale de Polylogis (75 000 logements), un groupe qui appartient à la société d’économie mixte Adoma (Etat et Caisse des dépôts), les banques Crédit mutuel et Crédit coopératif et la coopérative européenne Lhedco. Pour le maire LR de la ville, Olivier Dosne, l’objectif est le même : “éviter le rattachement de l’OPH à la métropole et conserver la proximité”.  Alors que l’OPH présente un excédent brut annuel de 2 millions d’euros, l’édile indique avoir obtenu dans sa négociation la garantie d’engagement de 30 millions de travaux sur l’ensemble du patrimoine en plus des travaux de réhabilitation déjà engagés à hauteur de 6-7 millions d’euros par site dans les résidences du Rond Point, du Viaduc et d’Hippolyte Pinson. Au total, l’OPH a été vendu pour 75 millions d’euros. Une somme sur laquelle seront pris les 30 millions d’euros de rénovation tandis que le reste devrait revenir aux autres OPH. La discussion sur ce point est en cours avec l’Etat, précise le maire. A terme, une soulte de 2 millions d’euros devrait revenir à la ville. L’autre gros point, pour l’édile, est l’attribution des logements, sur laquelle la commune souhaite garder la main, dans les proportions qui lui sont autorisées par la loi. Actuellement, 30% de l’attribution des logements revient au préfet pour le droit au logement opposable (Dalo) et  20-25% sont du ressort de la ville, précise l’élu. Alors que la ville compte environ un millier de demandes de logement en cours, et qu’une petite dizaine de commissions d’attribution se tiennent annuellement, allouant à chaque fois entre 5 et 7 appartements, le temps moyen d’attente pour obtenir un logement est de 8 à 10 ans. “Même en construisant du logement, il en manque toujours, en raison notamment du nombre important de séparation des couples, et aussi d’un manque de mobilité au sein des logements, avec par exemple des personnes âgées qui restent dans des appartements familiaux alors qu’ils n’ont plus d’enfants sur place“, insiste le maire dont la commune compte 27% de logements sociaux. Dernier élément dans le choix de Logirep-Polylogis, la garantie de maintien du personnel actuel de l’OPH. “Le bailleur s’est même engagé à installer son siège départemental à Joinville, sur le site actuel du boulevard de l’Europe, avec 60 salariés“, motive le maire. Du côté de la CNL, association de défense des locataires HLM, la décision passe mal.  Et l’association de dénoncer une “vente de logements financés par l’argent public à un groupe privé“. Les élus-administrateurs de la CNL ont voté contre cette décision. “La Confédération Nationale du Logement du Val-de-Marne condamne cette marchandisation politicienne d’un bien commun au mépris des locataires et de la démocratie locale“, insiste la centrale.

A Vincennes, c’est à l’immobilière I3F que le maire UDI de Vincennes, Laurent Lafon, a décidé de céder son OPH de 876 logements, en contrepartie d’un engagement de ne pas augmenter les loyers, hors évolution annuelle réglementaire (IRL), de reprendre les 20 salariés et de consacrer 16 millions d’euros à l’amélioration du patrimoine, dont près de 7 M€ dédiés à des travaux de réhabilitation thermique, notamment rue de Lagny en 2018 et rue de l’Industrie en 2017. Dans le cas de Vincennes, c’est à l’unanimité du Conseil municipal que la décision a été actée lors du conseil municipal du 29 septembre 2016.

Et si la loi évoluait ?

Au Kremlin-Bicêtre, le maire MRC, Jean-Marc Nicolle, figure parmi les nombreux édiles vent debout contre la disposition de la loi Notre qui verse les OPH communaux aux territoires mais il n’est pas question de faire glisser le patrimoine OPH de 2000 logements à un bailleur extérieur. “Je ne désespère pas d’une modification législative, je ne comprends pas comment on peu retirer aux maires l’outil d’office HLM alors que nous avons été précurseurs!  Mais s’il faut mettre en place une gouvernance à l’échelle du territoire tout en restant dans la décision, nous pourrons l’envisager, à la limite“, explique l’élu.  Une position sur laquelle on s’accorde également à Ivry-sur-Seine et à Vitry-sur-Seine.

Les territoires ne mettent pas la pression

Du côté de l’EPT T12 (Grand Orly Seine Bièvre), on indique de toutes façons que tout sera fait pour que les décisions restent aux villes. “Sur ce sujet, les questions importantes seront traitées par la conférence territoriale de l’habitat, qui mettra l’ensemble des opérateurs autour de la table à l’échelle de la métropole, et décidera des rapports entre les différents acteurs de l’habitat et ses équilibres. Ce sera l’acte fondamental de 2017 qui sera décliné  à l’échelle des EPT, avec en ce qui nous concerne un enjeu important concernant les territoires en politique de la ville“, explique-t-on au cabinet du T12. Pas de coup de pression non plus au T10 ou au T11.

Les grands OPH poursuivent leur course à la taille critique

D’autres communes, à l’instar de Fontenay-sous-Bois ou Champigny-sur-Marne, n’ont pas de sujet sur ce point, n’ayant pas d’OPH communal.  Certaines communes ont aussi transféré leur OPH à l’OPH départemental, Valophis Habitat, comme par exemple Nogent-sur-Marne il y a quelques années, dans le cadre d’un bail emphytéotique (de très longue durée).

En attendant l’issue de cette grande réorganisation de la gouvernance d’ici à la fin 2017, les grands OPH, eux, poursuivent leur course à la taille critique. Début décembre, Valophis a absorbé 805 logements val-de-marnais de l’ex OPH interdépartemental Opievoy, et revendique actuellement 43 000 logements. A Alfortville, l’OPH Logial, qui compte pas loin de 10 000 logements dans une trentaine de communes, se positionne pour sa part clairement comme l’OPH légitime du T11, et avait du reste envisagé de reprendre les 250 logements Opievoy de Boissy dans cette logique, de même qu’il a repris les 90 d’Alfortville. L’OPH va faire évoluer sa gouvernance en créant de nouveaux postes d’administrateurs dédiés au territoire.

 

 

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