Santé | | 18/12/2017
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Greffe hépatique à Mondor : Hirsch rassure… ou pas les élus

Greffe hépatique à Mondor : Hirsch rassure… ou pas les élus

Durant une heure et demie ce lundi 18 décembre, Martin Hirsch a reçu une délégation d’élus à propos du projet de transfert de greffe hépatique de l’hôpital Henri Mondor vers l’hôpital Paul Brousse. Un discours perçu de manière sensiblement différente en fonction des élus.

(Lire aussi le retour de Martin Hirsch sur cette réunion)

Pour rappel, l’AP-HP souhaite réduire le nombre de ses centres de transplantation de 4 à 3 et transférer la greffe hépatique de Henri Mondor à Paul Brousse. Cette décision figure parmi les 23 pistes retenues par  l’AP-HP pour gagner en marge de manoeuvre financière (voir le compte rendu officiel de la CME de l’AP-HP exposant ces motifs). Concrètement, la direction souhaite mettre en place une organisation bi-site inédite qui verrait l’acte de greffe seul opéré à Brousse tandis que les phases pré et post-opératoires resteraient à Mondor. Au sein de l’hôpital cristolien, la nouvelle a été accueillie avec effroi à tous les niveaux. La Commission médicale d’établissement et le Conseil de surveillance ont chacun voté à l’unanimité une motion contre ce transfert tandis que la coordination de vigilance Mondor, qui regroupe des syndicats, des représentants d’usagers et des élus déjà mobilisé en 2011 quand il était question de supprimer la chirurgie cardiaque,  lançait une pétition et organisait une manifestation. Parmi les principales craintes avancées : l’impossibilité dans la pratique de gérer une opération sur deux sites et l’impact négatif en termes de rayonnement, alors que Mondor est un centre hospitalo-universitaire réputé pour sa chirurgie multi-organe, risquant de fragiliser le positionnement de l’hôpital. Au-delà des aspects économiques rappelés par l’AP-HP dans ses groupes stratégiques, le projet vise aussi à résoudre une mésentente devenue insoluble entre des médecins et des chirurgiens du service. Afin de mener le projet au bout, l’AP-HP a installé un groupe de travail sous la houlette des doyens (voir la lettre de cadrage de l’AP-HP et lire l’interview du doyen de l’Upec). C’est dans ce contexte que Martin Hirsch a exposé sa vision de la situation auprès des élus, en mettant en avant le positionnement de pointe et le rayonnement international qu’il souhaitait pour le futur pôle de transplantation.  Face au patron de l’AP-HP, cinq élus étaient sur place : le maire PS de Créteil Laurent Cathala, les sénateurs Christian Cambon (LR) et Sophie Taillé-Polian (PS) et les deux députés LREM de Créteil, Jean-François Mbaye et Frédéric Descrozaille. Le président du Conseil départemental Christian Favier était invité mais mobilisé au même moment en séance plénière du Conseil départemental. Les sénateurs PCF Laurence Cohen et Pascal Savoldelli, dont l’un était aussi en séance au département, n’étaient pas non plus présents, regrettant que n’ai pas été invitée la coordination de vigilance Mondor, en première ligne sur le sujet, et qui rassemble aussi des représentants du personnel et des usagers. Au sortir de la réunion, le discours a été diversement perçu par les élus. Retours et ressentis des uns et des autres.

Réaction de Christian Cambon (LR)

Martin Hirsch a expliqué que cela n’était pas un projet d’économie mais qu’il souhaitait au contraire réinvestir pour un pôle d’excellence en matière de transplantation hépatique, argument auquel on ne peut qu’être sensible, reconnaît Christian Cambon, sénateur LR. Ce genre de service s’adresse à des pathologies très spécifiques qui n’arrivent qu’une fois dans la vie et il ne s’agit pas d’un service de proximité comme un service d’urgence. Ce qui nous a laissé dubitatifs, en revanche, est l’évocation de la dimension relations humaines. Nous avons bien compris qu’il y avait des conflits au sein des médecins et lorsque l’on nous dit que l’on va les séparer pour ensuite leur demander de travailler ensemble, on peut émettre quelques doutes et s’étonner que des conflits de personnes entraînent de telles conséquences. L’autre point sur lequel nous sommes un peu dubitatifs est que l’acte de transplantation s’effectue à Paul Brousse mais que les phases pré et post opératoires resteraient à Mondor. Quand vous souffrez d’une pathologie aussi grave, le fait d’être opéré dans un endroit et suivi dans un autre est un peu compliqué. il ne s’agit pas là de retirer une dent!  Sur l’aspect pratique des choses, l’AP-HP est prêt à investir car il faut ré-ouvrir une salle d’opération supplémentaire (ndlr, à Paul Brousse). Sur ce point, nous avons souligné qu’il n’y avait pas eu d’études d’impacts. Enfin, Martin Hirsch s’est engagé à ce que la décision définitive ne soit prise que lorsque le projet médical des deux hôpitaux serait achevé. Si les médecins se mettent d’accord entre eux, ce ne sont pas les parlementaires qui vont s’y opposer, mais pour nous, il faut un consensus médical et que les médecins de Mondor n’aient pas l’impression que l’on tente d’affaiblir Mondor, ce que Martin Hirsch a contesté en évoquant le TEP IRM, le RBI… éléments qui vont renforcer l’hôpital.  En revanche, il a fait allusion à de futures réorganisations au sein des plateaux hospitaliers du Val-de-Marne, laissant entendre que la contrainte économique était très forte “, poursuit le sénateur, partagé entre l’intérêt pour un “pôle d’excellence européenne” sur le plan de la transplantation hépatique et la crainte d’un “affaiblissement de l’hôpital Henri Mondor“.

Réaction de Frédéric Descrozaille (LREM)

De son côté, Frédéric Descrozaille, député LREM, ne cache pas son enthousiasme : ” Je ne connaissais pas la situation et cette réunion était très utile, même si j’irai quand même à l’hôpital pour rencontrer les équipes sur place. En fait de fermeture du service, il s’agit simplement de déplacer l’acte chirurgical et non de démanteler le service chirurgical et hépatique de Mondor. L’AP-HP regroupe les services pour en faire la première fédération mondiale, au sens de dispositif chirurgical multi-sites. C’est une précision importante. Parmi les motifs de cette décision,  il y a un point auquel j’ai été sensible, et que Martin Hirsch a pas mal développé, c’est la nécessité d’atteindre des effets de seuil dans l’attractivité de ces métiers vis-à-vis des étudiants, y compris dans le rayonnement à l’international. Il a ainsi évoqué le fait que ces métiers très techniques et exigeants attirent moins d’étudiants et de médecins et qu’il faut anticiper le renouvellement  en étant suffisamment important pour pouvoir rayonner en réputation, en fonctionnement… Il n’a pas fait mystère des tensions internes et considère qu’elles sont liées au fait que les chirurgiens ne sont pas assez nombreux. C’est pourquoi il propose d’assurer cette disponibilité de tous les instants en la faisant reposer sur plus de personnel, ce qui me semble assez rationnel, pointe l’élu qui indique avoir trouvé un homme “ouvert, sincère, qui ne se cachait pas derrière son petit doigt. Nous attendons désormais de savoir ce que va donner la concertation entre les deux équipes mais nous sommes loin du cost killer qui raisonne sur des tableaux de chiffres. Ce n’est pas du tout la motivation de l’AP-HP dans cette affaire. Cela m’a donné de la distance par rapport à ce que l’on a pu lire. Il a aussi été évoqué que manifestement cette situation a été instrumentalisée par des interlocuteurs qui ont intérêt à se faire mousser. Pour l’instant, il y a simplement une feuille de route demandant aux équipes de faire un projet commun mais il n’y a pas plus que cela, nous sommes donc dans la concertation. La situation n’est pas si dramatique ni délétère. Sur quatre sites en Ile-de-France, l’idée de passer à trois avec un au nord, un à Paris et un au sud n’est pas délirant. Ce projet est encore inabouti mais il est rationnel. Que les professionnels soient inquiets, c’est normal car cela représente un changement, et c’est très humain “, poursuit le parlementaire.

Réaction de Laurent Cathala (PS)

Nettement moins fervent, Laurent Cathala, maire PS de Créteil et président du Conseil de surveillance, qui a fait voter à l’unanimité une motion contre le projet la semaine dernière, reste circonspect quant aux possibilités de trouver un consensus entre les équipes médicales de Mondor et de Brousse. “ Martin Hirsch a développé les arguments de l’assistance publique. Il est parti du constat que Mondor avait connu des difficultés  au niveau des équipes chirurgicales et qu’il avait pensé que regrouper les deux services sur Paul Brousse et Henri Mondor permettrait de construire une fédération qui serait parmi les premières au niveau européen, voire mondial. Il ne voit pas la rupture que je dénonce dans le parcours de soins, du fait que l’acte chirurgical se tiendrait à Paul Brousse et que le pré et post opératoire se déroulerait à Mondor. Cela ne semble pas leur poser de problème, j’en suis moins sûr. Concernant l’affaiblissement du pôle hospitalo-universitaire de Mondor, l’AP-HP ne peut pas le contester. Concernant la poursuite du projet, Martin Hirsch pense que le groupe de travail qui a été mis en place fera des propositions susceptibles de satisfaire Paul Brousse et Mondor. Je lui ai fait remarquer que cela n’était guère possible si dès le départ on partait sur le déséquilibre de l’acte chirurgical uniquement à Paul Brousse. Faire travailler des équipes sur un projet commun en indiquant d’emblée qu’une partie des équipes n’opérera plus n’est plus discutable. Cela m’étonnerait que ce déséquilibre soit surmonté par le groupe de travail. Avec les informations dont je dispose, tant que le préalable de l’acte unique à Paul Brousse ne sera pas levé, je vois mal comment les deux équipes peuvent aboutir à un projet commun. Mais c’est un point de vue personnel “, glisse l’élu. ” De plus, il y a le problème de la rupture dans la continuité des soins. Ils disent que cela se fait pour les transplantations rénales, mais il s’agit d’une autre activité. Ils disent également qu’en termes d’information médicale, il y a possibilité d’avoir une information cohérente malgré des traitements sur plusieurs sites. Moi j’ai toujours appris le contraire. En général, plus il y a d’opérateurs, plus il y a de problèmes… “, poursuit le président du Conseil de surveillance, qui estime que l’on règle des problèmes de ressources humaines par des réponses de structures, comme lors du projet de suppression de la chirurgie cardiaque en 2011 -qui avait suscité une telle mobilisation qu’il avait été abandonné. ” Martin Hirsch nous a dit qu’il ne s’agissait pas d’un projet nourri par des raisons économiques. Je veux bien le croire, même si tout projet s’inscrit aujourd’hui dans une perspective économique, mais je ne suis pas certain que le projet, tel qu’il est présenté, ne soit pas plus onéreux que ce qui existe actuellement. ” Sur l’intérêt de cette réunion, l’élu y a vu l’occasion de pointer les contradictions du projet. Le maire de Créteil s’espère également rassuré quant à une nouvelle menace sur la chirurgie cardiaque ou le futur bâtiment RBI. “Mais il ne faudrait pas que la modernisation du plateau technique devienne un élément qui pèse dans les négociations…“, prévient l’élu.

Réaction de Sophie Taillé Polian (PS)

La sénatrice Sophie Taillé-Polian n’est pas sortie plus rassurée. ” Nous avons eu un certain nombre d’éléments qui ont confirmé nos craintes sur le devenir du geste de transplantation hépatique. Les inquiétudes sont toujours là, notamment sur la capacité à accompagner les patients en pré et post-opératoires  à Mondor avec des transplantation à Paul Brousse. Nous ne sommes pas rassurés et toujours opposés car il n’y pas de garantie sur les conditions dans lesquelles cela pourrait être mis en place.

La coordination Mondor manifestera directement au ministère

Du côté de la coordination vigilance Mondor, on goûte peu à l’invitation des seuls élus. “Le directeur général de l’AP-HP tente la division du mouvement en choisissant ses interlocuteurs tout en refusant de recevoir la Coordination dans sa diversité politique, syndicale, professionnelle et associative“, dénonce la coordination dans un communiqué. Alors qu’était prévue une manifestation devant l’AP-HP le 12 janvier prochain, la coordination a du coup changé de destination, et prévoit désormais de se rendre au ministère de la Santé, éventuellement en se groupant avec d’autres mouvements de l’AP-HP en Ile-de-France.

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