C’est l’une des plus grosses fusions-acquisitions de l’histoire d’Europe qui a été engagée ce lundi 16 janvier. Et c’est à Charenton-le-Pont que cela se passe! Essilor, leader mondial des verres optiques, a décidé de convoler avec l’Italien Luxottica, qui domine lui le marché des montures, propriétaire de marques comme Ray-Ban ou Oakley.
Un ensemble qui, s’il passe l’étape des conditions suspensives à sa constitution, pèsera quelques 46 milliards d’euros de capitalisation boursière (selon les chiffres de vendredi dernier) à peu près équitablement répartis entre les deux entités, et un chiffre d’affaires cumulé de 15 milliards d’euros. De quoi propulser l’entreprise de la 22e à la 8e place du CAC 40 (Indice de la Bourse de Paris), voire la 7e si l’action continue à grimper comme ce lundi. Si Essilor est actuellement cotée en France et Luxottica à Milan et New-York, c’est en effet à Paris que le groupe fusionné sera désormais coté, indique Essilor. Et, bonne nouvelle pour l’économie du Val-de-Marne, le siège de ce géant de la lunette restera à Charenton-le-Pont, assure le groupe.
S’il est déjà possible d’associer chez son opticien, des montures de marques appartenant à Luxottica, ou commercialisées par elle, avec des verres Essilor, la fusion des deux entités permettra de valoriser davantage ces complémentarités et de développer de nouvelles pistes d’innovation. En outre, Luxottica dispose d’enseignes de distribution en propre avec des milliers de points de vente dans le monde, un atout précieux pour toucher directement les consommateurs.
Montage financier
En termes financiers, l’opération est prévue de la manière suivante. Delfin, société contrôlée par le fondateur de Luxottica, Leonardo Del Vecchio, et qui possède 62% des actions Luxottica, apporte la totalité de cette participation à Essilor, sur la base d’une parité d’échange de 0,461 action Essilor pour une action Luxottica. Essilor lancera ensuite une offre publique d’échange obligatoire pour l’ensemble des actions Luxottica restant en circulation (hors Delfin), selon la même parité d’échange. Au terme de l’opération, Luxottica ne sera plus cotée, absorbée par Essilor, qui sera en contrepartie contrôlée à hauteur de 31 à 38% par Delfin, faisant de cette holding italienne le premier actionnaire du groupe. Le nouvel ensemble, rebaptisé Essilor-Luxottica, sera détenu par Delfin, les autres anciens actionnaires de Luxottica, et les actionnaires actuels d’Essilor. Au sein de ce géant de l’optique, les droits de vote de tout actionnaire seront plafonnés à 31 % et les droits de vote double attachés aux actions seront supprimés.
A ce jour, les conseils d’administration des deux fiancées ont approuvé l’accord à l’unanimité le dimanche 15 janvier. Restent plusieurs étapes pour valider le mariage, à commencer par la procédure d’information-consultation des instances représentatives du personnel, l’accord d’une dérogation par l’AMF (Autorité des marchés financiers) pour que Delfin puisse déroger à son obligation de déposer un projet d’offre publique visant les actions Essilor, l’approbation de l’opération par les actionnaires d’Essilor et encore les autorisations par les autorités de concurrence concernées. Si toutes ces étapes sont franchies, la fusion interviendra au second semestre 2017.
Un groupe de 140 000 personnes
Sur le plan opérationnel, le groupe ainsi constitué comprendra deux filiales, Essilor et Luxottica. Les patrons actuels de la Française et l’Italienne se retrouveront en tête de l’organigramme avec Leonardo Del Vecchio, comme PDG et Hubert Sagnières, actuel PDG d’Essilor, comme vice-président – directeur général délégué, mais avec les mêmes pouvoirs que ceux du patron vénitien. Dans son communiqué, Essilor indique sur la base d’estimations préliminaires, que “le nouvel ensemble devrait générer progressivement des synergies de chiffre d’affaires et de coûts, qui atteindraient un montant compris entre 400 et 600 millions d’euros à moyen terme et qui s’accéléreraient sur le long terme.” Quelles seront les conséquences de la fusion en termes de réorganisation, de rationalisation? “Les deux métiers sont complémentaire et les deux filiales, Essilor et Luxottica resteront indépendantes dans leur fonctionnement. Mais au lieu d’avoir deux acteurs qui proposent des produits, il y aura désormais un seul acteur qui propose des solutions“, défend le porte-parole d’Essilor. En pratique, un comité d’intégration doit désormais faire travailler des équipes des deux maisons mères pour définir un projet commun. Le nouveau groupe emploiera 140 000 personnes.
En Val-de-Marne
A Charenton-le-Pont, où Essilor fait déjà partie des fleurons et des grands contributeurs aux côtés de Natixis, Crédit Foncier, le centre commercial de Bercy 2 ou encore La Martiniquaise, le maire LR, Hervé Gicquel, ne boude pas son plaisir. “Je me réjouis de cette excellente nouvelle. Essilor est une très belle entreprise et je suis heureux que ce leader mondial ait fait le choix de rester à Charenton”, réagit l’élu.
Pour l’entreprise val-de-marnaise, sobrement installée rue de Paris, cette fusion stratégique fait suite, à quelques décennies d’écart, à une première alliance déterminante. Celle, qui, en 1972, a réuni Essel, entreprise issue d’une coopérative d’ouvriers lunetiers créée en 1849, à l’origine du verre correcteur progressif Varilux inventé en 1959 par Bernard Maitenaz, et la société Silor, une filiale du groupe des Frères Lissac (enseigne d’opticiens qui existe toujours, désormais dans le giron d’Optic 2000) dédiée aux verres correcteurs, et inventrice du verre Orma 1000 en plastique incassable. Depuis, Essilor a noué des partenariats, racheté des entreprises, mais n’avait jamais re-fusionné.
Le groupe, qui emploie 55 000 personnes dans le monde, en compte environ 5000 en France et dispose, outre son siège monde, de deux autres sites dans le Val de Marne, le siège France à Vincennes, et son centre d’innovation européen, inauguré en 2014 à Créteil.
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