Urbanisme | | 18/09/2017
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Pourquoi le PLU de Villeneuve-le-Roi fait polémique

Pourquoi le PLU de Villeneuve-le-Roi fait polémique

La polémique bat son plein concernant le projet de PLU de Villeneuve-le-Roi (Plan local d’urbanisme), et risque bien de mettre à nouveau en péril l’entente presque cordiale qui règne au sein du Conseil de territoire comme elle l’a déjà fait en juin. Explications.

Lancé en 2010 et travaillé jusqu’en 2014 avant d’être mis en stand-by jusqu’en 2016, le PLU de Villeneuve-le-Roi est revenu en scène à l’occasion de l’enquête publique qui s’est déroulée au printemps 2017. Un délai qui a généré un premier point de crispation sur la forme.

“Il y a eu un premier bilan en 2014 puis plus rien avant l’enquête publique en avril 2017, en pleine période d’élection, alors que le sujet n’était pas revenu en Conseil municipal. La mairie n’a pas communiqué sur le projet“, s’agace Joël Josso, conseiller d’opposition PCF. “En 2014, un PPRT (Plan de prévention des risques technologiques) était en cours, et nous avons donc attendu la fin de son élaboration pour terminer le PLU car les contraintes du PPRT s’appliqueraient au PLU. De toutes façons, ce PLU ne change rien à la constructibilité des terrains en dehors des zones pavillonnaires“, répond sur ce point le maire LR de la ville, Didier Gonzales. “Durant la phase de concertation initiale, nous avons fait des réunions publiques sur trois endroits différents. Nous avons également tenu deux années de suite un stand dédié au PLU à l’occasion des fêtes d’automne.  Mais il n’est pas non plus prévu, dans le cadre d’une concertation, de sonner partout”, poursuit l’élu.

La ville prévoit de construire beaucoup de logements mais ne parle pas de logements sociaux ni aidés, pour les jeunes, déplore également Joël Josso. Villeneuve-le-Roi n’est pas soumis aux quotas de logements sociaux en raison de la proximité de l’aéroport. Il y a déjà eu un millier de logements construits et nous passerons bientôt sous la barre des 20% de logements sociaux alors que nous étions à 26-27%”, détaille l’élu. “Il y a aujourd’hui 26% de logements sociaux dans la ville et j’ai construit des logements sociaux dans le vieux bourg. Je ne peux pas encore dire combien il y aura de logements sociaux car il n’y a pas  de projets concrets”, répond le maire.

Si aucune nouvelle réunion publique ne se tient durant l’enquête publique, un certain nombre d’administrés ont néanmoins fait part de leurs réflexions et le commissaire enquêteur fait état d’une cinquantaine d’observations des habitants, entreprises, élus, ainsi qu’une pétition d’habitants du secteur de la Grusie. Sur le fond, deux points suscitent aujourd’hui la controverse : la zone de la Carelle et celle de la Grusie. Deux sites sur lesquels le PLU prévoit des Orientations d’aménagement et de programmation (OAP) impliquant la création de nouveaux logements.

Aéroport d’Orly, site Seveso, objectifs de construction de logements…

A Villeneuve-le-Roi, nous devons gérer une double contrainte : l’Etat nous demande de construire 110 logements par an pour atteindre l’objectif des 70 000 à l’échelle francilienne, et dans le même temps, nous devons respecter le Plan d’exposition aux bruits (PEB) lié à la proximité de l’aéroport d’Orly ainsi que le PPRT lié au dépôt pétrolier. En tenant compte de toutes ces obligations, il ne reste pas énormément d’options. Nous avons fait le choix de sanctuariser le secteur pavillonnaire auquel les Villeneuvois sont attachés. Le patrimoine vert, public ou privé, a été protégé et il n’est plus possible de construire dans les arrières-cours. Il ne restait donc plus que ces deux sites pour construire du logement. Pour l’heure, il ne s’agit toutefois que de périmètres d’attente, nous avons cinq ans pour définir précisément ce que nous allons faire dans ces secteurs, en concertation avec la population“, se défend le maire.

Des entreprises de la Carelle s’inquiètent

Le premier site, situé à l’Est de la ville, entre la ligne de RER et la Seine, est la zone de la Carelle. Cette zone de 128 hectares qui s’achève par un port, comprend des activités industrielles et de service, ainsi qu’un site classé Seveso 2 (seuil haut) : le dépôt pétrolier de la SPVM (Société Pétrolière du Val-de-Marne, co-détenue par Esso et les filiales distribution essence de Carrefour et Leclerc).  Un site Seveso que la ville aimerait vivement voir s’envoler ailleurs, tout comme les avions de l’aéroport voisin, mais dont le déménagement n’est pas prévu à court terme. Alors que des friches subsistent au nord-ouest de la zone, au croisement du Chemin latéral et de la Voie de Seine, le PLU projette d’y développer des logements pour prolonger le quartier résidentiel situé de l’autre côté de la Voie de Seine jusqu’à Orly.  Un projet qui inquiète certaines entreprises du secteur. “La ville n’a pas donné signe de vie aux entreprises. Il y a eu une enquête publique mais nous n’étions pas au courant. En juillet, nous avons écrit au maire pour accéder aux documents mais nous nous sommes heurtés à une fin de non recevoir. Cette zone d’activité n’est pas perçue positivement mais c’est une belle zone industrielle qui pourrait monter en gamme, en utilisant notamment le transport fluvial pour la marchandise, en réaménageant les voies publiques pour qu’elles soient propres”, détaille Erwan Le Meur, dirigeant de Paprec, qui occupe une partie de la zone, juste en aval du site qui serait aménagé en logements.

“La zone de la  Carelle ne peut être construite qu’au nord et le PLU n’a rien changé par rapport au POS (Plan d’occupation des sols, ancêtre du PLU). Environ 300 logements peuvent être construis sur ce site, derrière la gare. Plusieurs entreprises installées sur le site de la foncière Morillon-Corvol ont déjà prévu de muter mais il n’est pas question de supprimer les entreprises du secteur“, assure le maire. Une partie des terrains de la foncière, situés au bout de la Voie de Seine, côté fleuve), ont d’ores et déjà été cédés à Nexity pour créer des logements.

A la Grusie, les habitants ne veulent pas voir les terrains de sport remplacés par des immeubles

L’autre pierre d’achoppement concerne le complexe sportif de la Grusie, situé dans un quartier dense en population et en cités HLM. L’OAP du nouveau PLU envisagerait de transférer ce complexe sportif, posé sur du foncier appartenant à ADP (Aéroports de Paris), sur un autre site d’ADP, à proximité de la Ferme des Meuniers, près du petit quartier pavillonnaire qui jouxte l’aéroport.

“Plus particulièrement visé, le quartier de la Grusie verra une urbanisation importante difficilement supportable (600 à 800 logement), supprimant le stade de la Grusie et les pavillons alentours”, s’inquiète Eric Chamault, conseiller PS. “Le terrain de sport actuel, en libre accès, est collé à deux cités et est le terrain de jeu de tout le monde. Si il n’y a plus d’espace, où vont jouer les jeunes ?” questionne Joël Josso. Et puis, les terrains sportifs seraient déplacés au bout de la piste 3 de l’aéroport, la plus utilisée !”, ajoute l’élu.

Les habitants font aussi entendre leur voix. “Ici, les terrains de tennis sont toujours remplis, et le city-stade, il n’y en a déjà qu’un seul pour cinq quartiers alors qu’à Orly, il y en partout! Tout le quartier du haut-pays est déjà bétonné, le complexe sportif est le seul espace qui nous reste pour se retrouver, organiser des pique-nique, barbecue, mettre de la musique sans déranger personne, plutôt que de s’installer dans des halls d’immeuble. On a grandi avec ces stades, nous les enlever, pour les habitants du quartier, c’est comme retirer le kiosque du centre-ville!”, témoigne un jeune homme du quartier.

“Le secteur de la Grusie est l’autre seule zone où l’on peut construire. Ici encore, il s’agit d’un périmètre d’attente et nous nous donnons 5 ans pour savoir ce que l’on va faire, justifie pour sa part Didier Gonzales. L’opération sera complexe car il s’agit de terrains d’ADP. Concernant le city stade, c’est moi qui l’ai fait construire, ainsi que la crèche, et quand bien même nous construirions à cet endroit, il y aura toujours un city stade. Les terrains de foot, en revanche, sont occupés par les clubs, et nous discutons actuellement avec eux. Dans le cas d’un transfert près de la ferme des Meunier, il n’y aura pas plus de bruit, même si c’est plus près de l’aéroport, car c’est davantage la position par rapport à la trajectoire des avions que la proximité des pistes qui joue sur le volume sonore. Concernant les pique-nique au stade enfin, on ne peut tout de même pas revendiquer des intrusions illégales sur les terrains de sport. Ils rentrent par effraction et ils y font plus que des pique-nique.”

Avis favorable avec réserves du commissaire enquêteur

Au terme de l’enquête publique,  le rapporteur  a rendu un avis favorable assorti de deux réserves : que les projets d’évolution respectent bien les contraintes des plans de prévention (bruit, risques technologiques) et que les terrains actuellement insalubres susceptibles d’accueillir des logements ou écoles soient dépollués de manière conforme à la réglementation.

Règlement de compte au Conseil de territoire ?

Alors que ce-sont désormais les Conseils de territoire (les EPT) qui sont compétents pour valider les PLU, ce n’est pas au Conseil municipal que le PLU devait être définitivement adopté après enquête publique mais au Conseil de territoire Grand Orly Seine Bièvre (GOSB). Mais, si d’ordinaire les conseils de territoire se contentent de valider les PLU des villes membres sans trop mettre le nez dans les détails, pour éviter d’embarrasser une commune à charge de revanche, il se trouve que fin juin, le Conseil de territoire de l’Est du département (Paris Est Marne et Bois), de majorité LR, a retoqué le PLU de Champigny à la faveur d’arguments de l’opposition campinoise. Réponse du berger à la bergère, écoute de l’opposition villeneuvoise, ou sans doute les deux, le CT du GOSB, de majorité de gauche, a reporté le vote du PLU de Villeneuve-le-Roi pour vice de forme (lié à une absence de vote préalable en Conseil municipal), et doit donc à nouveau le voter, cette fois sur le fond.

Un conseil municipal partiellement boycotté et conclu en présence de la police

Dans l’attente de son vote prochain au Conseil de territoire, le PLU a été présenté en Conseil municipal début septembre. En désaccord avec le PLU, les élus du groupe PS-PRG-MRC ont boycotté le conseil. “Nous avons décidé de boycotter cette réunion qui ne vise qu’à faire voter – vote que le maire avait refusé lors de la dernière séance – sur le même projet qui prévoit une densification extrême de notre ville, la construction de 5 000 nouveaux logements, la remise en cause du caractère majoritairement pavillonnaire de notre ville ou encore la suppression d’équipements publics majeurs comme le complexe sportif de la Grusie. Le tout en catimini sans véritable concertation avec les habitants“, dénonçait alors le groupe dans un communiqué. Les autres élus d’opposition étaient en revanche présents, ainsi qu’une trentaine d’habitants du quartier de la Grusie, venus protester contre une possible suppression de leur complexe sportif. Dans la salle du Conseil municipal, d’ordinaire peu remplie, la présence d’un certain nombre de jeunes qui ont envie de s’exprimer détonne.  “En juin, nous avions été présenter le projet dans le quartier avec les documents officiels, et une quinzaine de jeunes du quartier étaient venus au Conseil municipal de juin. Cette fois, ils sont revenus plus nombreux. Quand ils sont rentrés dans la salle, j’ai demandé au maire de suspendre la séance du conseil pour écouter un homme âgé, mais le maire a opposé un refus catégorique”, déplore Joël Josso, présent au Conseil municipal pour critiquer le PLU.

“Mes opposants auraient souhaité me voir prononcer le huis-clos pour jouer les martyrs, mais je n’ai pas voulu me laisser faire. J’ai fait prévenir la police municipale et la police nationale au cas où. Il y a avait des enfants d’une dizaine d’années parmi les jeunes qui étaient présents”, témoigne Didier Gonzales. “A la sortie du Conseil, deux équipages de la BAC étaient stationnés et les jeunes ont été obligés de longer une voiture de la Bac. Quand je suis sorti, j’ai vu un membre de la Bac avec son canon de flashball qui fumait. Ensuite, les jeunes sont partis et la pluie est tombée. Le deuxième équipage de la Bac a été envoyé pour chercher les jeunes et il y a eu 3 interpellations de majeurs français. Quelques jeunes sont aussi restés pour discuter calmement avec des élus”, témoigne à son tour Joël Josso. “A la sortie du Conseil municipal, il y a eu des jets de projectile. Un  élu a notamment eu un jet de pierre sur sa voiture et a porté plainte”, pointe de son côté Didier Gonzales.

“Nous avons fait une pétition avec plus de 120 signatures mais personne n’est venu nous parler. Ce serait pour un rond-point en centre-ville, on ne serait jamais venu jusqu’au Conseil municipal, mais là nous sommes concernés ! Il faut arrêter de nous prendre pour des gens sans cervelle!  pose l’un des jeunes qui étaient présents au Conseil. Durant le Conseil, les élus ne voulaient pas nous écouter, ils tournaient les pages, comme des personnes au-dessus des autres. Mais à quoi bon faire un Conseil municipal si les gens sont tous d’accord et votent oui oui oui. C’est une mascarade.  Il faut nous écouter. Nous sommes déjà entassés là-haut et il a des problèmes entre nous. Nous avons besoin de cet espace sinon on va se manger”, ajoute le jeune homme. “Concernant les mineurs qui étaient au Conseil municipal, c’est vrai qu’il y avait quelques petits frères de 10-14 ans, mais il n’y en avait que 7-8″, précise-t-il encore.

Que va faire le Conseil de territoire ?

Désormais, c’est le Conseil de territoire qui devra trancher lors de sa prochaine séance. D’ores et déjà, plusieurs élus d’opposition ont demandé à son président, Michel Leprêtre,  de ne pas approuver le projet. Les entreprises aussi ont pris leur plume. “Un certain nombre d’entreprises se sentent menacées et plusieurs ont écrit à l’EPT pour faire part de leur inquiétude. Nous demandons le report du vote au sein de l’EPT, après qu’une réelle concertation ait pu avoir lieu”, indique ainsi Erwan Lemeur, dirigeant de Paprec. “Nous saisirons, si nécessaire, la justice pour faire annuler un PLU qui menace notre ville, son histoire et son identité pour le seul profit des promoteurs privés“, prévient Eric Chamault, au cas où le PLU serait voté. Le maire, lui, prévoit de saisir la justice si le PLU n’était pas voté en Conseil de territoire. “Ce serait une agression de ne pas le voter et je déclencherai une action pour abus de pouvoir“, prévient-il.

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