Il est le seul champion du Val-de-Marne à avoir participé aux Jeux Paralymiques de Rio à l’été 2016. Depuis son club Aviron Marne et Joinville, Antoine Jesel, aujourd’hui âgé de 35 ans, revient sur son parcours de grand sportif, depuis son accident jusqu’à ses plus récentes victoires.
C’est d’abord à Beaucaire, en Provence, qu’Antoine a découvert et commencé à pratiquer l’aviron, encore ado. Rapidement, il évolue dans des équipes de France junior mais au lieu de se consacrer pleinement à la pratique sportive, il préfère privilégier ses études. Alors qu’il travaille comme second assistant réalisateur, le jeune homme, âgé de 23 ans est victime d’un accident de la circulation qui lui abîme gravement la jambe gauche. « J’ai vécu la rééducation comme un défi sportif, toute ma jeunesse j’ai appris à me dépasser et je me suis servi de cela pour regagner une autonomie. Ce n’était pas gagné, au départ ma jambe était raide, et l’on m’avait dit que j’allais boiter toute ma vie. Après 23 opérations, j’avais récupéré la flexion. Puis un jour, un entraîneur du comité paralympique m’a demandé si ça me tentait de m’engager sur un projet sportif. Au départ je ne pensais pas être capable de performer, mais après quelques essais et la création d’un prototype de planche de pied adapté à mon handicap, j’ai constaté que je pouvais ramer sans problème et obtenir de bons résultats », se souvient-il.
Son cocon joinvillais
Antoine Jesel ne peut plus rester debout sur des lieux de tournages comme il le faisait avant l’accident. Souhaitant continuer à travailler dans le milieu de l’audiovisuel, il se reconvertit alors comme monteur. « C’est plus confortable, ça me permet de m’économiser physiquement. Bien sûr, ce n’est pas la même chose que mon précédent métier mais c’est tout aussi passionnant parce qu’on participe à la fabrication du film, du documentaire ou du clip», explique l’athlète, qui ne lâche pas non plus l’aviron. C’est au sein du club de Joinville-le-Pont que le jeune homme fera son nid. « Grâce à mon niveau, j’ai pu ramer en compagnie de rameurs valides en compétition, cela m’a permis d’entrer dans une dynamique de club, pas seulement limitée à l’handisport. J’ai trouvé ici un projet épanouissant, une histoire d’amitié avec des personnes qui partagent une passion.»Pour les compétitions internationales, les courses s’effectuent par bateaux de deux ou quatre personnes (sans compter le barreur). Aussi, pour pouvoir être sélectionné en équipe de France, le Joinvillais doit se qualifier sur la base d’un temps établi avec l’aide d’un partenaire d’entraînement. «J’ai toujours eu la chance d’avoir un membre du club qui s’entraîne et passe les qualifications avec moi», un investissement considérable compte tenu des entraînements quotidiens et des nombreux déplacements effectués dans toute la France,« l’année des Jeux Olympiques, on passe 200 jours en dehors de son domicile, entre les stages de préparation, les déplacements et les compétitions en club et équipe de France».
La colère, ressort du dépassement physique
Les JO de Londres en 2012, Antoine Jesel les a en ligne de mire, travaillant avec détermination pour se qualifier. Quand son corps le fait souffrir, il s’appuie sur la colère de l’accident comme exutoire. Une participation qui porte ses fruits. Le sportif termine à la huitième place des JO de Londres, même s’il repart avec le regret d’avoir manqué sa qualification pour la finale de quelques centièmes. Entre-temps, il a rencontré et pardonné l’automobiliste à l’origine de son accident. « Je n’arrivais pas à me reconstruire après l’accident, il manquait une brique pour comprendre ce qui s’était passé de son côté. Quand on est victime d’un accident, on se demande toujours, pourquoi il a fait ça? pourquoi moi? Et c’est dur de réaliser que dans le cas de cet automobiliste, c’était juste un moment d’inattention, avec des conséquences assez graves, mais sans méchanceté », confie Antoine.
Après la colère
L’objectif désormais : aller à Rio en 2016. «Je voulais continuer sans cette colère qui avait été mon moteur. Je souhaitais cette fois dépasser mes limites. Après Londres, le but c’était de prendre du plaisir». Pour pouvoir s’investir dans la préparation de ces olympiades sans avoir à se soucier de son autre activité professionnelle, il bénéficie du pacte de performance proposé par le ministère des Sports et obtient un contrat d’image avec Coca-Cola. « En tant qu’intermittent du spectacle, je dois faire un certain nombre d’heures de travail pour bénéficier du statut. Avec le pacte de performance, j’ai pu m’entraîner sans devoir me soucier de mon activité professionnelle.»
En 2014, tout réussit à Antoine, entre une médaille de bronze décrochée aux championnats du Monde et la naissance d’un enfant. 2015 s’amorce plus compliqué. « J’ai continué ma préparation mais je me suis trop dépassé et me suis blessé à deux reprises. J’ai malgré tout réussi à me qualifier pour participer aux JO de Rio, mais là encore, tout ne s’est pas passé comme prévu. Nous évoluons dans un bateau avec trois autres rameurs et l’un d’eux s’est blessé peu de temps avant. Du coup, nous avons fait la préparation avec une nouvelle coéquipière. A Rio, nous nous sommes lancés dans la compétition sans trop nous poser de question!» Une image de ses jeux lui reste en tête, celle de sa femme et de sa fille dans les tribunes pour l’encourager. Malgré les péripéties, l’équipe termine huitième de la course.
Tokyo 2020 ? Ou pas…
Ayant envisagé de terminer sa carrière par les olympiades brésiliennes, Antoine Jesel souhaite désormais agrandir sa famille et s’investir davantage dans l’audiovisuel, qu’il a longtemps mis entre parenthèse pour se consacrer à sa carrière sportive. S’il ne souhaite pas s’engager tête baissée pour les prochains JO qui auront lieu à Tokyo en 2020, il se laisse toutefois le temps de la réflexion, d’autant que la fédération internationale d’aviron doit bientôt se prononcer sur l’évolution des épreuves handisport. « Jusqu’à présent les courses en handisport se courent sur 1 kilomètre, une distance sur laquelle des rameurs puissants peuvent se permettre de sprinter. La fédé va peut-être décider de mettre les distances à égalité avec les valides, 2 kilomètres. Un format qui peut me permettre de tirer mon épingle du jeu puisqu’il faut faire preuve d’endurance et de force».
En attendant, l’athlète de 35 ans n’a pas abandonné ses rames, et vient d’ajouter une ligne à son palmarès en décrochant, il y a quelques jours, le titre de champion de France d’Aviron indoor (rameur en salle), au Stade Charlety.
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