Service public | | 25/05/2018
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A Rungis, la colère des auto-écoles face à celle des candidats libres

A Rungis, la colère des auto-écoles face à celle des candidats libres © Fb

Ce jeudi 24 mai, les auto-écoles en colère ont finalement bloqué le centre d’examen de conduite de Rungis toute la matinée pour protester contre les “faux” candidats libres issus des plateformes. Une matinée tendue qui a donné lieu à de vifs échanges.

Jusqu’à midi, pas une voiture n’est partie du centre d’examen de Rungis où une quarantaine de candidats au permis de conduire s’étaient pourtant présentés. Vers 8 heures, une trentaine de moniteurs d’auto-école avaient bloqué l’accès au grand parking avec leurs véhicules alors que ce jeudi était la première journée mensuelle entièrement dédiée au passage du permis en candidat libre.  “Aujourd’hui, tous les créneaux d’examen sont pris par des personnes qui passent leur examen en candidat libre mais ils sont nombreux à s’être inscrits via des plateformes ou des enseignes louant des véhicules en double commande et certains sont accompagnés par quelqu’un contre rémunération, or, c’est contraire à la loi. Nous souhaitons que la police intervienne et procède à des contrôles”, réclame Christine Chauvet, présidente du CNPA-ER (Conseil national des professions de l’automobile branche éducation routière).

“Alignez-vous sur leur prix !”, gronde un candidat qui indique avoir déjà dépensé 2000 euros en heures de conduite. “J’ai déjà tenté les auto-écoles, mais ils nous font passer plus ou moins rapidement en fonction de ce que l’on paye”, ajoute l’utilisateur d’une plateforme en ligne. “Ce n’est pas qu’une question d’argent, c’est aussi une façon d’enseigner, l’apprentissage à la conduite traditionnelle avec un moniteur ne me satisfait pas”, argumente une jeune femme qui opté pour un véhicule à double commande. Le dialogue entre candidats, loueurs de voitures et moniteurs d’auto-école est impossible et la tension monte d’un cran lorsque des policiers municipaux de Rungis s’approchent pour verbaliser les voitures qui empiètent sur la D165, avant de se raviser.

Vers 10 heures, le couperet tombe. Les sessions d’examens de la matinée sont annulées et de nombreux candidats quittent le centre, désabusés, après avoir signé la liste de présence. Un officier du commissariat central de L’Haÿ-les-Roses tente d’apaiser les candidats et accompagnateurs restants. “Nous n’allons pas déclencher des contrôles à chaud mais le fait d’enseigner sans autorisation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende”, rappelle le gradé, qui a aussi demandé aux moniteurs d’auto-école de lever leur barrage illégal. Puis, un agent responsable des examens annonce aux candidats qu’ils seront reconvoqués d’ici 4 mois pour de nouvelles sessions.

Jusqu’à 6 mois d’attente pour les candidats

“Ce n’est pas possible! A circonstance exceptionnelle, réponse exceptionnelle! Donnez-nous des créneaux plus rapidement, autrement, nous allons devoir à nouveau payer des locations de voitures pour qu’ils ne perdent pas la main!”, insiste un homme venu accompagner sa fille. Quelques candidats évoquent des recours devant le tribunal administratif alors qu’ils ont attendu six mois pour obtenir cette date, et ne comptent pas en rester là. “L’examen du code arrive à expiration, je vais devoir tout réapprendre et payer à nouveaux l’examen”, peste une conductrice.

De leur côté, les loueurs de véhicules, souvent des auto-entrepreneurs, s’estiment de bonne foi et partagent le désarroi de leurs clients. “C’est une demi journée de perdue mais ce n’est pas tant le manque à gagner qui m’embête que le grand chamboulement que je vais devoir faire dans les listes de passage à l’examen. Il va falloir faire de la place pour ces candidats“, déplore un loueur. “A l’avenir, il ne faut plus organiser de journées “candidat libre”, sinon, les blocages seront systématiques. Il faut programmer des créneaux avec des personnes accompagnées par des auto-écoles et des candidats libres”, ajoute l’un de ses collègues.

“Ce que ces loueurs de voiture ont vécu ce matin, nous le vivons au quotidien. Toutes les semaines, nos élèves voient leurs créneaux annulés, rappelle Christine Chauvet.  Le système arrive à saturation. Le gâteau n’était déjà pas grand mais nous sommes de plus en plus à nous le partager. Face à nous qui sommes soumis à une lourde réglementation, nous avons des acteurs qui veulent faire exploser le système. Nous ne pouvons l’accepter alors que notre activité est en déclin. Nous avons perdu 30% de nos clients en moyenne”, déplore la présidente du CNPA-ER qui espère pouvoir rencontrer au plus vite les autorités préfectorales pour trouver une issue.

Les intempéries de février ont empiré le problème

Face à l’incapacité chronique d’assurer le passage du permis de conduire dans un délai raisonnable, l’unité territoriale de la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (Driea) a pourtant augmenté année après année les créneaux disponibles passant de 20 000 en 2015 à 30 000 cette année, mais cela reste insuffisant. “Ces efforts conséquents ont permis de réduire le délai de passage de 117 jours à 80 jours en moyenne, nous rapprochant ainsi de la moyenne régionale de 76 jours. Malheureusement, les épisodes climatiques exceptionnels de février ont conduit à l’annulation de journées entières d’examens, ce qui a entraîné de nombreux reports de date et de retards qui doivent être résorbé d’ici la fin du mois”, confie le cabinet du préfet du Val-de-Marne.

Pourquoi avoir organisé une journée exclusivement réservée aux candidats libres, vécue comme une provocation par les auto-écoles ? Les autorités préfectorales expliquent que la liste a été générée de façon aléatoire par un système informatique. “Nous n’avons pas ouverts davantage de créneaux libres, la proportion avec les auto-écoles est restée stable. Si la loi a mis fin au monopole il y a quelques années, nous restons attentifs aux nouveaux acteurs et ne souhaitons pas que ce soit le far-ouest. Il est trop compliqué à l’heure actuelle d’organiser des contrôles sur les lieux d’examens mais nous réfléchissons à des modalités pour nous assurer de la légalité de l’activité des loueurs de véhicules”, assure-t-on en préfecture.

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