Société | Val-de-Marne | 13/12/2018
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Blocus lycéens et réactions policières : situation très tendue en Val-de-Marne

Blocus lycéens et réactions policières : situation très tendue en Val-de-Marne

Alors que les blocus lycéens et les incidents autour des établissements ont commencé il y a déjà huit jours, atteignant leur paroxysme en début de semaine avec une soixantaine d’interpellations lundi et autant mardi, depuis une dizaine de villes, la situation reste très tendue en cette mi-décembre. Ce jeudi matin encore, une dizaine d’interpellations ont eu lieu rien qu’à Créteil, après une autre douzaine d’interpellations la veille.

Plus que les messages des lycéens contre la réforme du lycée, les suppressions de postes ou Parcoursup, la question des affrontements entre jeunes et forces de l’ordre semble avoir pris le dessus dans l’image du mouvement.

Dans un communiqué publié ce mercredi 12 décembre, le Barreau du Val de Marne fait état de témoignages relatant des gazages de lycéens dans le fourgon de police qui se trouvait à l’arrêt devant le dépôt de Créteil lors du transfert de jeunes mineurs au dépôt du Tribunal de Grande Instance de Créteil dans la nuit de lundi à mardi, sans motif lié à un quelconque maintien à l’ordre et alors que les jeunes étaient attachés dans le camion. “Selon les déclarations des adolescents, cet acte serait incontestablement délibéré puisqu’aussitôt après le gazage, la porte a été refermée sur eux par un fonctionnaire de police“, insiste l’Ordre des avocats du Val-de-Marne, précisant que les témoignages des jeunes “ont pu être recueillis par l’avocat de permanence et le Juge des Enfants, qui les a entendus.” “L’un des mineurs qui suffoquait a dû être sorti du fourgon avant les autres. De plus, l’un des jeunes s’est plaint d’avoir reçu des gifles au commissariat de Créteil parce qu’il ne comprenait pas ce qui lui était dit ; précisons qu’il s’agissait d’un jeune indien qui n’avait pas d’interprète. Une éducatrice, présente lors de l’audience, a été particulièrement choquée de l’état dans lequel se trouvait le jeune. Un deuxième jeune s’est plaint d’avoir reçu des coups portés avec une bouteille en plastique dans une cellule du commissariat de Créteil. S’agissant de la régularité des procédures engagées, les avocats de permanence ont pu constater que bon nombre de mineurs ont été entendus par les services de police hors la présence d’un avocat, la permanence n’ayant même pas été prévenue dudit placement en garde à vue. Quelques soient les faits reprochés aux mineurs en question, un tel traitement ne saurait être légitimé”, conclut le Barreau du Val-de-Marne qui indique avoir alerté le Parquet de Créteil et la Présidence du Tribunal ainsi que le Défenseur des droits et le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté.

Du côté du Parquet, on indique que l’on va prendre contact avec le juge des Enfants pour en savoir plus, et que l’on attend d’avoir plus d’éléments pour réagir. On pointe toutefois que le ressortissant indien dont il est fait mention dans le communiqué parlait français car son portable contenait des sms échangés en français. Côté police, Yoann Maras, secrétaire régional Alliance Police nationale rappelle que les policiers montent eux-mêmes dans les fourgons de police et n’ont aucun intérêt à le rendre inutilisable. “En revanche, si les personnes qui se trouvaient à l’intérieur du fourgon avaient reçu des gaz, ceux-ci s’imprègnent dans le véhicule“, pointe le policier.

Au Perreux-sur-Marne, où une jeune fille a témoigné s’être prise une balle perdue de flashball en sortant de Paul Doumer pour aller en sport lundi matin (voir article d’hier), un membre de l’équipe éducative raconte à son tour une scène de dérapage. “Vers 8 heures du matin, la situation s’était détendue. L’entrée avait été débloquée et les élèves qui souhaitaient aller en cours ont pu rejoindre le lycée. La police nationale et la Bac étaient parties, ne laissant sur place que la police municipale avec qui tout se passait bien. La situation s’est crispée vers 9 heures. Les élèves avaient à nouveau bloqué mais l’ambiance était bon enfant, ils avaient installé des nounours et chantaient. La police nationale et la Bac sont revenues. Alors que la situation était maîtrisée et que l’établissement ne réclamait pas d’intervention, les policiers ont commencé à gazer au bout de trois-quart d’heure de statu-quo. C’est à ce moment que des élèves ont réagi. Il y a eu des insultes, aussi de la part des policiers. Deux élèves ont reçu des tirs de flashball alors qu’ils se rendaient au sport et un élève a témoigné avoir vu un camarade, qui faisait partie des meneurs, recevoir un tir à bout portant alors qu’il était déjà maîtrisé”, raconte le membre du personnel du lycée.

“S’il y a plainte, une enquête de l’Inspection générale des services sera diligentée, mais un tir de lance 40 (flahsball) est précis et ne part pas d’importe où, même s’il peut arriver qu’il y ait des dommages collatéraux “, réagit Yoann Maras, avant de donner le point de vue du côté police. “Aujourd’hui, il y a plus de lycéens casseurs que de lycéens qui veulent faire entendre leurs revendications. Il ne s’agit pas de manifestations mais de violences urbaines et les casseurs sont bien organisés, qui se donnent rendez-vous via les réseaux sociaux pour aller chercher des caddies au centre commercial le weekend. Du coup, des lycéens qui n’étaient pas casseurs se laissent aller aussi. Depuis la semaine dernière, j’ai 50 collègues policiers qui ont été blessés par des jets de projectile, qui vont des pierres aux boules de pétanque! Toutes les forces de police sont mobilisées et n’ont pas forcément tout l’équipement pour ce type d’intervention, comme les jambières et les plastrons”, lâche le délégué syndical.

A contrario, la présence policière avec boucliers, flashballs et bombes lacrymos est aussi ressentie comme une provocation. “A Cachan la semaine dernière, on nous a demandé de ne pas intervenir pendant les trente premières minutes. Le résultat, c’est qu’ils ont pété les abribus, retourné et brûlé une voiture”, rétorque Yoann Maras. Mais au Perreux, la situation était calme, rappellent les adultes présents.

Côté enseignants, le syndicat Sud Education s’inquiète des dommages collatéraux autour des lycées, alors que se trouvent bien souvent des écoles et collèges, réclamant une réaction de l’Education nationale. “La mobilisation lycéenne légitime qui se développe en ce moment dans les lycées du département (et partout en France) est particulièrement réprimée par les forces de police. Cette répression entraîne des affrontements violents dans les rues, et cela bien souvent devant les écoles maternelles, élémentaires et les collèges alentour. Ainsi, des écoles se retrouvent au milieu des gaz lacrymogènes, des détonations de grenades, des fumées des incendies et de la violence. Bien évidemment, les enfants et les adultes subissent le stress provoqué par ces situations : les classes ne peuvent fonctionner normalement, les enfants étant apeurés, excités, inquiets. Il n’est pas possible de faire classe, l’enseignant-e devant rassurer, calmer, protéger les enfants et l’école. Face à ces situations exceptionnelles, la DASEN et les municipalités refusent catégoriquement de fermer les écoles touchées. Pourquoi ? Il est demandé aux équipes de se mettre en confinement et d’attendre que cela se passe. Pour l’instant, pas d’incident, mais jusqu’à quand ? Alors que les lycées ferment leurs portes pour « protéger leurs élèves », les enfants des écoles, plus fragiles, doivent aller à l’école”, s’alarme le syndicat qui réclame des mesures. A Chennevières-sur-Marne, le maire Modem Jean-Pierre Barnaud a prolongé la fermeture des services qui se situaient à proximité du lycée Champlain. Voir article précédent sur le sujet.

Du côté politique, la députée LFI Mathilde Panot a interpellé le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, à propos du lycéen de Romain Rolland Ivry-sur-Seine qui a passé 36 heures en garde à vue après avoir tagué Macron démission sur le tableau d’affichage administratif du lycée, lui demandant d’intervenir auprès de la proviseure pour qu’elle retire sa plainte.  Voir le courrier. Le sénateur PCF Pascal Savoldelli a également écrit au ministre, pour lui demander de faire ouvrir des salles dans les établissements, afin de permettre aux jeunes de débattre dans les conditions appropriées. “Cette effervescence témoigne d’une chose : ces jeunes femmes et ces jeunes hommes ont soif de démocratie. Leur besoin de se réunir pour discuter, échanger, débattre est réel. C’est pourquoi nous demandons à ce que tou.te.s les chef.fe.s d’établissements scolaires mettent à disposition des élèves qui le souhaitent une salle afin qu’elles et ils puissent exercer, en toute sérénité et sécurité, leurs droits d’expression citoyenne. C’est un exercice sain et salutaire, une mise en pratique de la démocratie dans tout établissement garantissant l’éducation des élèves”, réclame l’élu.  Voir le courrier. Le Mouvement des Jeunes Socialistes du Val-de-Marne a également pris la parole pour apporter son soutien au mouvement lycéen, dénonçant dans un communiqué “l’ignorance de ces revendications et inquiétudes par le Président de la République lors de son discours” comme du “mépris adressé à la jeunesse et à l’avenir de la France” et appelant le gouvernement à ouvrir le dialogue avec la jeunesse en répondant immédiatement à ses attentes.

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