A peine atterri ce dimanche soir de la Corse du Sud dont il était secrétaire général de la préfecture il y a encore quelques jours, Jean-Philippe Legueult, 37 ans, a démarré sa première journée comme sous-préfet de l’arrondissement de Nogent-sur-Marne par une après-midi complète au Bois l’Abbé après le traditionnel dépôt de gerbe au monument aux morts de Nogent le matin. L’occasion de faire un premier bilan du dispositif Pacte de la seconde chance destiné à faire sortir des jeunes de la délinquance.
Un groupe scolaire tout neuf, Anatole France, un autre qu’il reste à reconstruire, Solomon, un nouveau mail avenant qui ouvre la perspective rue Carpeaux, d’autres tours encore en attente de réfection… Perché sur les hauteurs, le quartier du Bois-L’Abbé a déjà parcouru un long chemin depuis la construction de grands ensembles par les offices HLM de Paris à la fin des années 1960, avec une immense dalle, des impasses et voies de circulation propriétés de l’OPH parisien. Entre deux programmes de renouvellement urbain, le désenclavement se poursuit pour ce quartier qui compte à lui seul 15 000 habitants, répartis entre Champigny-sur-Marne et Chennevières-sur-Marne. Mais cela prend du temps, des moyens, et des problèmes demeurent, notamment le trafic de stupéfiants, dans un contexte de difficultés sociales en cascade. “Le quartier a besoin de réparation sociale“, résume le maire PCF de Champigny, Christian Fautré. ZSP (Zone de sécurité prioritaire) et bientôt PSQ (Police de sécurité du quotidien)… le quartier fait partie des heureux élus de chaque nouveau dispositif national fléché politique de la ville. Ce lundi, le sous-préfet est ainsi venu échanger avec les partenaires du Pacte de la deuxième chance, un outil destiné à accompagner des jeunes délinquants ou pré-délinquants de 100 quartiers prioritaires pour les réinsérer socialement, et dont le Bois l’Abbé est le seul du département à avoir bénéficié.
Lancé début 2016 après avoir été expérimenté dans le Rhône, il a concerné 18 jeunes (14 Campinois et 4 Canavérois) tous passés par la case prison et tous des garçons, majeurs, quasi tous sortis du système scolaire sans le bac. Depuis, cinq ont trouvé un emploi stable et deux sont en apprentissage. “Il ne s’agit pas d’une recette miracle mais cela permet de travailler avec tous les partenaires pour résoudre un problème et d’éviter l’effet patate chaude“, expose Marc Zimmermann, responsable de l’antenne campinoise de la mission locale des bords de Marne, au Bois-l’Abbé. Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip), association d’éducateurs de Champigny (ACP), police, villes, Etat – via la sous-préfecture, et mission locale, laquelle pilote le projet, se réunissent ainsi tous les mois pour faire le point sur chaque jeune afin d’affronter les blocages et tenter de leur trouver une solution. “Cette collaboration permet de mieux coordonner tous les dispositifs, nous en avons listé plus de trente! Avec une effet coupe-file“, ajoute Marc Zimmermann. “Cela permet aussi d’objectiver une situation car on partage avec des professionnels. Parfois, lorsque c’est uniquement le jeune qui nous explique, on peut avoir l’impression qu’il nous raconte des bobards“, explique un éducateur. Certains problèmes sont bien-sûr plus difficiles que d’autres à surmonter, comme par exemple le logement, explique une éducatrice. Il y a aussi les problèmes de papiers, d’addiction, les problèmes psy… Que du lourd… Cet accompagnement aide aussi à trouver des entreprises ou organismes pour accueillir les jeunes. “Nous accueillons 3-4 jeunes sur 25 collaborateurs mais pour cela nous avons besoin d’être aidés. Nous sommes beaucoup en relation avec Marc Zimmermann et allons aux réunions avec les partenaires”, témoigne Véronique Frelon, directrice de Val Bio Ile-de-France, une association de maraîchage et préparation de paniers bio installée dans la plaine des Bordes, à Chennevières, que le sous-préfet est venu visiter.
Les limites? La difficulté de capter les jeunes avec parfois des récidives, des retours en prison ou encore des affaires du passé qui les rattrapent…Partenaires et élus s’inquiètent aussi de la pérennité du dispositif et de son étendue possible à d’autres quartiers. “Je ne peux m’empêcher de penser à tous les jeunes qui auraient besoin de cet accompagnement“, remarque Jean-Pierre Barnaud, maire Modem de Chennevières-sur-Marne. De l’avis des partenaires, rien que dans la ville, une centaine de jeunes auraient besoin d’un tel accompagnement. “Nous constatons une légère diminution du nombre de jeunes du quartier qui sont à la prison de Fresnes et une légère augmentation de ceux qui viennent des Mordacs”, pointe Moncef Jendoubi, directeur de la Mission locale. En attendant l’évaluation et éventuelle généralisation du dispositif, un nouveau sigle devrait venir le compléter dès cet automne, le Prij (Plan régional pour l’insertion des jeunes des quartiers de la politique de la ville), impulsé par le préfet de région au printemps. “Nous espérons pourvoir ainsi passer de un quart de poste à un poste complet pour piloter le suivi”, attend le directeur de la mission locale.
Au moins, cette réalité aura-t-elle été présentée en situation au nouveau sous-préfet, dès son arrivée. “J’ai tenu symboliquement à ce que ma première visite s’effectue dans ce quartier qui concentre les difficultés mais je ne viendrai pas que le premier jour“, a insisté Jean-Philippe Legueult. “J’ai lu beaucoup de notes mais j’ai toujours besoin de me rendre sur place même si je ne prétends pas connaître Bois l’Abbé en une visite. En Corse du Sud, je me suis rendu dans les 81 communes, parfois à deux heures par les petites routes.”
Concernant les 20 nouveaux policiers attendus en septembre dans le cadre de la PSQ, le sous-préfet n’a pas fait d’annonce complémentaire.
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