La gestion du chantier du Grand Paris Express comporte de nombreux volets environnementaux dont celui de la gestion de ses boues de forage et de l’évacuation des déblais. Cas concret avec la future station de traitement de Vitry-sur-Seine sur laquelle l’Autorité environnementale vient de rendre un avis avant l’enquête publique préalable à son autorisation d’exploitation.
Les 205 km du futur métro Grand Paris Express impliquent un creusement intensif de nouvelles voies, parfois à 50 mètres sous terre, qui vont nécessiter pas moins d’une dizaine de tunneliers en même temps et générer des millions de tonnes de déblais à évacuer, constituant une logistique lourde au sein de l’agglomération. Pour s’adapter aux terrains plus ou moins stables, les engins de creusement utiliseront des techniques différentes, les uns à pression de terre pour les terrains cohérents, les autres à pression de boue pour les terrains les plus meubles, nécessitant aussi un traitement spécifique.
Contexte technique C’est le cas par exemple des deux tunneliers qui s’occuperont du tronçon T2A situé entre Villejuif-Louis-Aragon et Créteil-L’Echat, d’une longueur de 7,76 km, sous l’égide du groupement Horizon représenté par la société Bouygues Travaux Publics, retenu par la SGP (Société du Grand Paris, maître d’ouvrage du métro) pour réaliser ce morceau du tunnel. Lors du creusement, ces tunneliers à pression de boue maintiennent le front de taille grâce à une boue spéciale, composée de bentonite (un argile qui présente une forte capacité de rétention d’eau et qui cède facilement la place au béton coulé à sa place) le temps d’installer les voussoirs (les pièces pré-construites pour constituer les parois du tunnel). Concrètement, des pompes hydrauliques récupèrent les boues chargées de déblais et les remplacent simultanément par de la boue neuve constituée d’eau et de bentonite. Cette technique implique la création d’une station de traitement des boues qui sépare les matériaux excavés et les boues de forage. Les boues seront ainsi recyclées et renvoyées vers les tunneliers pour être réutilisées pour la suite du forage. Les déblais, eux, seront évacués par voie fluviale.
Le site Arrighi fonctionnera 24h sur 24 à Vitry-sur-Seine
La station sera située sur 4 ha au sein de la friche industrielle Arrighi, au niveau du point d’entrée des deux tunneliers et ses travaux de construction démarrent ce mois de mars 2018 par la construction des dalles, la mise en place des conduites, des convoyeurs, l’aménagement d’une plateforme fluviale, des voies de chantier, le montage des installations de traitement des boues et déblais… La mise en service de la station est prévue à partir d’août 2018. Sur place, l’activité sera soutenue. Pendant les huit mois de plus grande activité, les tunneliers fonctionneront en continu du lundi au samedi tout comme la station et l’évacuation des déblais et galettes par voie fluviale s’effectuera également en continu 7 jours sur 7. Au total, le site devrait être exploité durant deux ans. En termes d’impacts environnementaux, les principaux points relevés par l’Autorité environnementale concernent la gestion des déblais, depuis leur traitement jusqu’à leur évacuation en passant par leur stockage, ainsi que les risques de pollution et les nuisances pour le voisinage, notamment le bruit et l’augmentation des trafics, la gestion de l’eau, et la capacité à faire face à une crue.
Gestion des terres polluées excavées
Concernant la pollution des sols, l’Ae note que deux poches de pollution de 2 et 4 mètres d’épaisseur ont été identifiées et caractérisées lors de la préparation du site et que 3 820 tonnes de matériaux ont été évacuées pour faire place nette. Les déblais des tunneliers seront a priori non dangereux, les forages profonds préviennent en effet le risque d’extraction de matériaux pollués, mais devraient présenter quelques risques de pollution. “Les analyses des sondages réalisés le long du tracé du lot T2A ont montré que les formations qui seront traversées par les tunneliers sont ponctuellement contaminées en fraction soluble, par des sulfates (issus du gypse), fluorures et molybdène, à des teneurs supérieures à celles admises dans les installations de stockage de déchets inertes (ISDI), et les matériaux devront alors être évacués selon les cas vers des ISDI+ (ISDI aménagée)21 pour les déchets inertes présentant un dépassement de seuil, ou des ISDND pour les déchets non dangereux non inertes. Lorsque les analyses montrent des dépassements seulement en sulfates, les déblais seront prioritairement orientés vers une carrière de gypse à combler“, pointe l’Ae. D’après les résultats des sondages, le dossier prévoit 31 % de matériaux évacués en ISDI, 22 % en
ISDI+, 7 % en carrière de gypse, 40 % en ISDN. Sur cette question, l’Ae recommande de rechercher des sites d’aménagement en alternative à la mise en ISDI pour mieux valoriser les déblais.
Evacuation des déblais : la question du dernier kilomètre
Concernant l’évacuation, le maître d’ouvrage prévoit des bateaux de 2 500 tonnes pour les sables et graviers, de 700 tonnes pour les galettes, au rythme de 5 000 tonnes de déblais évacués quotidiennement, 24 heures sur 24. En cas de crue ou autre empêchement par voie fluviale, l’évacuation nécessitera 400 camions par jour en plus du trafic liée à l’exploitation du site. La SGP estime néanmoins que ce recours ne sera nécessaire qu’un maximum de 10 jours par an. Sur cette question, l’Ae recommande également de préciser les modalités de déchargement des navires et d’acheminement vers les exutoires finaux. Combien de camions à l’arrivée ?
Pas plus de 800 passages de camions par mois
En phase de fonctionnement normal de la station, le trafic prévu, lié principalement à l’acheminement des voussoirs, devrait aller de 400 à 800 passages de camion par mois (sans compter ceux qui seraient dédiés à l’évacuation des déblais en cas de problème fluvial). A cela s’ajoutera le passage mensuel de 400 passages de véhicules légers. “Cela représentera une hausse de trafic globale de 3,7 % environ, et une hausse de trafic poids-lourds de 7,5 % sur le quai Jules Guesde“, note l’Ae qui convient toutefois que l’activité de l’installation semble présenter un impact négligeable sur la santé humaine tant que le transport fluvial est effectif pour les déblais.
Nuisances sonores
Concernant l’impact sonore, l’Ae recommande de reprendre précisément les calculs de nuisances acoustiques sur la base des données d’état initial les plus favorables aux riverains et de mettre les différents documents du dossier en cohérence, de préciser la nature des dispositions prévues en cas de dépassement constaté des émergences. L’Ae relève par ailleurs que l’analyse des impacts produite n’examine les bruits que sur la période de fonctionnement de la station et non dans sa phase de travaux préliminaires.
Gestion de l’eau
En termes de pollution, l’Ae a également regardé de près la gestion de l’eau sur le site, alors que le chantier y acheminera 162 000 m3 d’eau depuis le réseau de la ville chaque année. Si l’Ae note que les unités de stockage destinées à chaque type d’eau et de boue ont été pensées bien étanches, elle relève en revanche le désaccord de la direction des services de l’environnement et de l’assainissement (DSEA) du Val de Marne d’accueillir les eaux de ruissellement sur site dans le réseau unitaire, préférant que ces eaux soient renvoyées sur le réseau pluvial. L’Ae recommande donc de prendre les dispositions nécessaires pour soulager le réseau unitaire urbain et envoyer les eaux pluviales, après traitement adapté, le plus directement possible vers le milieu naturel. Par ailleurs, l’Ae note que le système de gestion des eaux internes au site s’avère complexe et demande un schéma de localisation des canalisations et des stations de traitement.
Résilience à une crue
Alors que les crues de 2016 et 2018 sont encore en mémoire, l’Ae recommande de compléter la présentation de la gestion du risque d’inondation en précisant
les modalités retenues selon les niveaux de montée des eaux pour assurer la transparence hydraulique et l’évacuation des déblais.
Vision globale de la gestion des déblais sur la ligne 15 Sud
Au-delà du tronçon concerné, l’Ae recommande de compléter le dossier qui sera prochainement soumis à enquête publique par l’actualisation du schéma directeur d’évacuation des déblais sur l’ensemble de la ligne 15 Sud, par site de production, en détaillant la liste des sites de valorisation et d’élimination identifiés
pour les différents types de déblais, les modalités de tri ainsi que les éventuels sites de transit nécessaires, les perspectives de répartition entre les différents modes de transport, routier, ferroviaire et fluvial, ainsi que les mesures prises pour limiter les risques d’engorgement du trafic routier.
Télécharger l’avis de l’Autorité environnementale
C’est ainsi qu’on s’aperçoit tardivement combien certains choix techniques qui ont présidé au lancement il y a 7 ans du Grand Paris Express étaient erronés et lourds de conséquences néfastes.
Vouloir à toute force construire un métro 100 % souterrain, même dans des secteurs où ce n’était pas nécessaire et 100 % à grand gabarit, même là où le trafic attendu ne le justifiait pas était une erreur. Maintenant, on découvre que le percement de ce réseau tel qu’il a été conçu il y a 7 ans nécessite d’évacuer des millions de tonnes de déblais ! On aurait pu se poser la question plus tôt.
Et comme tout cela implique des investissements qu’on découvre bien plus élevés que ce qui avait été envisagé, l’idée fait son chemin de tout évacuer par la route avec des milliers de camions plutôt que par le rail supposé plus onéreux.
Il était urgent d’en finir avec le “réenchantement” des banlieusards et de redescendre sur terre. Nous y voilà.
félicitations, très bonne synthèse, article clair, et suffisamment détaillé pour aborder la problématique environnementale et savoir ce qui est déjà fait et reste à faire en raison des interrogations qui demeurent.
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