Sécurité | | 22/10/2018
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Champigny-sur-Marne: 25 policiers de plus, et après ?

Champigny-sur-Marne: 25 policiers de plus, et après ?

Le nouveau ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, s’est rendu à Champigny-sur-Marne pour rencontrer les agents de police ce dimanche 21 octobre, dans le double contexte du tollé déclenché par la diffusion d’une vidéo montrant des agents se faire insulter par des jeunes aux Boullereaux, et de l’arrivée des 25 policiers dans le cadre de la Police de sécurité du quotidien. Un renfort bienvenu mais qui ne constitue qu’un morceau du puzzle.

Annoncés depuis le début de l’année, dans le cadre du dispositif de police de sécurité du quotidien que Champigny fait partie des quinze premiers sites à expérimenter avec renfort d’effectif,  les 25 agents supplémentaires du commissariat du Bois l’Abbé ont pris leurs fonctions fin septembre. Un renfort notable pour la circonscription de police qui passe ainsi de 135 à 160 agents. Concrètement, ces 25 policiers composent une nouvelle brigade baptisée Brigade territoriale de contact (BTC) qui aura à la fois une mission d’intervention et de sécurisation mais aussi de contact avec les populations.

La ville s’engage sur la vidéosurveillance

Champigny-sur-Marne faisait déjà partie depuis 2013 d’un dispositif spécifique, la ZSP (Zone de sécurité prioritaire), qui demeure. Cette ZSP dédiée aux quartiers Bois l’Abbé et Mordacs vise à renforcer le travail judiciaire et la coopération entre les services. La police nationale est par ailleurs complétée localement d’agents municipaux de surveillance de la voie publique, de médiateurs et d’associations. “Pendant de nombreuses années, la police a été en sous-effectif à Champigny“, rappelle Christian Fautré, maire PCF de la ville, qui se réjouit de cette arrivée et indique que la ville, qui met aussi des moyens humains et techniques à disposition, va prochainement signer un contrat à ce sujet avec l’Etat pour préciser ses engagements, concernant notamment l’installation de caméras mobiles de vidéosurveillance. “Il faut que policiers et habitants se connaissent mieux. Nous sommes prêts à ce que notre service prévention jeunesse échange avec les jeunes pour expliquer pourquoi la police est utile“, plaide l’élu.

Un rattrapage d’effectif

De son côté, Yoann Maras, délégué Alliance police nationale Ile-de-France, rappelle également que ces 25 nouveaux policiers viennent renforcer des équipes qui avaient été fortement diminuées. “La BST (Brigade de sûreté territoriale) de Champigny était passée de 30 à 7 agents“, calcule le policier.

Traitement judiciaire et réponse pénale

Pour ce dernier, il convient aussi de compléter les effectifs de l’unité de police judiciaire, le Saip (service de l’accueil et de l’investigation de proximité). “L’Etat a mis l’accent sur ce qui se voit  en mettant du bleu dans les rues mais il faut pouvoir traiter les nouveaux dossiers rapportés par la BTC. Surtout,  la réponse pénale doit suivre. Sinon, à quoi cela sert-il d’interpeller des personnes que l’on retrouve dans la rue le jour d’après ? Cela crée un sentiment d’impunité totale qui explique les scènes comme celle qui a été partagée sur les réseaux sociaux. Ce qui m’hallucine n’est pas la vidéo elle-même mais le fait que les gens découvrent seulement une situation qui nous arrive tous les jours“, poursuit le délégué syndical. Dans une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux ces derniers jours, une scène filmée une nuit du mois d’août dans le quartier des Boullereaux, montre un agent qui se laisse stoïquement insulter par des jeunes, au pied d’un immeuble. “Si la police avait procédé à une interpellation pour outrage, il y avait neuf chances sur dix pour que cela dégénère en violence urbaine. Et puis, ce que l’on ne voit pas sur la vidéo, c’est qu’il y avait beaucoup plus de monde autour. Ce que l’on ne voit pas non plus sur la vidéo, c’est qu’il y a eu un échange calme ensuite“, détaille le policier.

Concilier prévention et répression

Concernant le travail de lien avec la population et en même temps de répression, Yoann Maras s’avoue dubitatif. “C’est compliqué pour des agents qui se sont faits insulter par des jeunes dans la rue de s’asseoir au tour d’une table avec eux le lendemain pour aborder leurs problèmes sociaux. Au sein de la police, il y a une mission prévention, communication, c’est leur rôle. Les agents sur le terrain, eux, sont là pour protéger les personnes et les biens“, développe le délégué syndical. “Pour moi, il n’y a pas d’opposition entre répression et contact avec les habitants, considère pour sa part Christian Fautré. Du temps de la police de proximité, on voyait régulièrement la police et cela rassurait. La présence de services publics en général est nécessaire sur le terrain.

En amont de la répression et de la réponse pénale, le maire insiste également sur la prévention au sens plus large. “C’est bien que le ministre de l’Intérieur se soit déplacé mais la réponse sécuritaire seule ne suffira pas pour éviter que d’autres gamins ne tombent dans le deal. Il faut aussi de l’éducation, du sport, de la culture, des emplois aidés…”, explique l’élu.

L’enjeu financier du trafic de drogue

Pour Yoann Maras, la grosse difficulté, en termes de prévention, est l’ancrage du trafic de drogue.  “Comment donner envie à un gamin d’étudier pour gagner 1000  euros par mois alors qu’un point de deal rapporte 10 000 euros? Et que la réponse pénale, insuffisante, ne fait pas peur et ne sert pas d’exemple ? Lorsque nous “pétons” un point de deal, il se reconstitue immédiatement. Et lorsque nous allons au tribunal correctionnel voire la suite de nos affaires, nous avons l’impression de travailler dans le vide” pose le policier qui défend, pour les acheteurs, le principe d’une amende par contravention pour taper au portefeuille tout en évitant une procédure de police judiciaire. Pour le maire, il convient de se donner les moyens pour casser les réseaux rapidement afin d’éviter ces exemples.

“Le Bois l’Abbé n’est pas une zone de non droit”

Dans un communiqué, l’élu a toutefois appelé à éviter “un quelconque amalgame, entre la vie du Bois l’Abbé et de ses habitants, avec les trafics et méfaits divers qui ne font en rien de ce quartier, une zone de non-droit.”  “Bien au contraire, j’ai fait écho à la vie « normale » de milliers de salariés, d’étudiants, de retraités ; à la vie citoyenne et associative qui y existe, aux réalisations qui s’y opèrent, et à l’urgence que des moyens nous soient accordés pour pouvoir mettre en œuvre l’ANRU 2. Nous devons reconstruire l’école Jacques Solomon, et maintenir la présence des services publics qui jouent un rôle indiscutable dans la cohésion et le lien social“, insiste Christian Fautré, rappelant que pendant la  visite du ministre dans le mail Rodin, “la vie du Bois l’Abbé continuait : les enfants jouaient dans le square, des jeunes se rassemblaient sur la place du marché, une scène du film de Kerry James se tournait ….” Et d’ajouter que le Tribunal qui a jugé les incidents du réveillon du jour de l’an, a donné une suite positive à la plainte pour atteinte à l’image de la ville et de ses habitants.

 

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