Voilà une occasion unique de plonger pour de vrai dans le parc à charbon de la centrale EDF de Vitry-sur-Seine, dont le démantèlement reprendra dès la fin de l’année. Ce weekend, dans le cadre de la Nuit blanche et du festival Murs-Murs, les bleus de travail seront de retour, portés par les danseurs de Tangible. Et la voix des agents, recueillie par la compagnie, résonnera de leur quotidien. Le site, immense, de l’ancienne réserve de charbon à ciel ouvert se transformera en scène géante jusqu’à la tombée de la nuit. Le soir, ce-sont les deux tours de 160 mètre de haut, qui reprendront la vedette dans un son et lumière. Plongée en avant-première dans l’insolite.
On pourrait y loger sans problème quelques stades de football. Au pied des tours de la centrale, le parc à charbon occupe à lui seul près de la moitié du site. Jusqu’au printemps 2015, date de l’arrêt de la centrale, il était encore empli de charbon, emmené dans les godets d’immenses roues-pelles pour être broyé et brûlé. Des traces de cette activité, qui débuta à Vitry bien avant la construction de cette centrale dans les années 1960, par une première, Arrighi, en service dès 1931, il ne reste désormais que des petits tas de poudre noire en certains endroits, et surtout les spectaculaires machines à manipuler ces masses de charbon. La nature s’est immédiatement réappropriée les lieux et des arbustes s’échappent de la moindre micro-fissure dans le sol, marquant soigneusement les séparations entre chaque plaque de béton.
C’est cet espace que Tangible a choisi de faire ressentir dans ses dimensions historique, industrielle, écologique, géologique, sociétale, physique, et, bien sûr, artistique, à travers des déambulations de près de deux heures, ces vendredi, samedi et dimanche. Avant d’imaginer le parcours, la compagnie, qui a fait sienne le concept d’archéographie en plongeant dans la mémoire des lieux qu’elle investit, a commencé par rencontrer des personnes qui travaillaient sur le site, des ouvriers à l’infirmière. Encore une centaine d’agents travaillaient encore sur place en 2015. Dans le car qui les emmènera sur le site, ce-sont donc les anciens chaudronniers, mécaniciens, magasiniers dont les visiteurs pourront écouter la mémoire. «On avait des collègues, c’était des morceaux. 100 kg. Un des collègues se mettait au micro et disait : on a besoin de viande à tel endroit. Dans toute la centrale, on entendait ça. On prenait des rondins de bronze, on les mettait sous les moteurs, on poussait et on tirait avec des poulies. C’était fascinant», raconte par exemple Jean-Jacques, chaudronnier. «Les gens ne se rendent pas compte quand ils rentrent chez eux et qu’ils appuient sur le bouton, que derrière, il y a des petits bonshommes bleus qui en chient…», ajoute-t-il. «C’était du boulot assez physique et salissant. Ce que j’aimais, c’était l’ambiance de travail, entendre les machines tourner parce que ça voulait dire qu’on produisait, qu’on faisait de l’électricité pour le service public », témoigne le mécanicien Gilles. Un agent évoque la finesse incroyable du charbon broyé, “comme du talc, mais en noir” , décrit-il. «Quand la centrale tournait, c’était du bruit, de la poussière et de la chaleur. Beaucoup de charbon pulvérisé volait de tous les côtés. Mais le bruit, c’est peut-être ce dont on pouvait se protéger le mieux avec les boules Quies, les casques et tout », relève encore Gilles, chaudronnier magasinier.
Une fois dans le parc à charbon, c’est à pied, seule manière de ressentir pleinement lieu, que se poursuivra la balade, accompagnée des danseurs de Tangible. Un défi chorégraphique d’ampleur au regard de l’amplitude et de l’aridité du lieu. Une échelle qui contraste avec l’intimité d’une scène dans une salle de spectacle. “Peu de danseurs sont capables de prendre cet espace“, explique Edwine Fournier, co-directrice artistique de la compagnie. “Nous commençons toujours par danser sur place nous-mêmes pour repérer un espace et je n’avais jamais ressenti de telle manière le côté masculin d’un lieu, même dans un stade de rugby“, confie la chorégraphe. Trois danseurs et danseuse ont relevé le défi : Olivia Caillaud, Gerry Quévreux et Stéphane Couturas, dans des costumes confectionnés intégralement à partir de bleus de travail. Tous ont plongé dans les témoignages des anciens agents et dans les lieux pour composer leurs personnages, créant une succession de performances qui s’emparent de l’intégralité du site avec vigueur dans un style tantôt trapu, tantôt débridé ou décalé pour explorer toutes les dimensions de ce passage d’un siècle à l’autre, invitant à imaginer la suite.
Le projet, Points de vue, qui a démarré il y a un an, produit conjointement par la ville, l’Epa-Orsa (aménageur du renouvellement urbain de Vitry) et la fondation EDF, doit se poursuivre encore deux ans pour accompagner la suite de la transformation. En parallèle de révéler la mémoire du lieu, la compagnie travaille aussi avec les habitants aujourd’hui, notamment avec les jeunes des collèges et centres sociaux, lesquels sont venus sur place pour appréhender cette centrale qu’ils ne connaissaient que par la haute stature des cheminées. Le 13 novembre, une cérémonie de transmission se tiendra du reste, lors de laquelle les anciens ouvriers de l’usine donneront leur bleu de travail à des jeunes de la ville.
Après le focus sur le parc à charbon, c’est vers les deux cheminées de la centrale, vouées à la destruction, que les regards se tourneront samedi soir, avec un son et lumière unique produit par le Kilowatt et Cosmo AV, qui a déjà à son actif les illuminations de la Tour Eiffel, le Festival des lumières de Saint Petersbourg, le théâtre antique d’Orange, le Puy du Fou, les J-O d’hiver de Sotchi… et mis en musique par Magnetic ensemble (quand l’acoustique fait de la techno…). Voir le programme détaillé de ce son et lumière.
Attention, si le son et lumière pourra se regarder depuis de nombreux endroits dans la ville, les déambulations performances dans le parc à charbon sont sur réservation.
Lien pour réserver.
Au-delà des projecteurs sur la centrale EDF, le festival Murs Murs de Vitry-sur-Seine propose cette année une foison d’événements comme la composition d’un Tetris géant sur la dalle Robespierre, le rallye des grands ensembles ou encore l’Industrail, une course de 12 km unique au milieu de la zone des Ardoines, ponctuée de performances.
Voir le programme complet du festival Murs/Murs
je viens de parcourir votre article a propos de la centrale EDF de Vitry sur seine._celle ci était une des plus puissante de la région parisienne avec l’ancienne centrale Arrighi c’était près de 600 personnes qui travaillaient sur ces deux sites. elles pouvaient fournir de l’électricité pour tout paris sans le métro._centrale moderne puissante mais aussi ou les conditions de travail étaient dans de nombreux endroits extrêmes._température poussières amiante quant on raconte une histoire on a tendance a édulcorer les choses oublier les souffrances, et les malheurs. on dit dans cet article on parle de boulot assez fatiguant et salissant, assez physique ?quand le médecin du travail nous comparait a des sportifs de haut niveau._salissant oui beaucoup mais ce qu’il avait de plus dangereux c’est ces fibres invisibles qui vous envahissent les poumons les reins la vessie l’estomac, dont on connaissaient l’existence mais que l’on continuaient a utiliser parce que moins chères, et se déclarent des années apres et que l’on a du mal a faire reconnaitre et condamné EDF pour faute inexcusable, les salariés n’étaient pas au courant des dangers qu’ils encouraient en manipulant cette “saloperie” des dizaines de salaries sont touché par cette maladie de l’amiante, de nombreux autres sont atteints de cancer, combien de morts,? combien d’invalides? au moins quatre sur les chantiers, mais aussi de suicide._certains disent qu’ils y avait une bonne ambiance c’est vrai mais on était bien parce que nous avions la volonté de ne pas nous laisser faire, la vie dans une usine est faites de luttes, de besoin de se soutenir de se battre pour obtenir des paires de gants , des tabliers en cuire pour les chaudronniers, d’une change complet pour les travaux salissants des tenues chaudes contre les intempéries, et bien aussi pour les salaires. voila une partie de que c’est une entreprise, ou bien des choses se télescopent _la joie et les pleures, les beaux jours plein d’espoirs et les jours sales. oui malgré cela nous aimions notre travail parce que nous, nous nous savions utiles dans notre service public. JOLY JEAN PIERRE ancien salarie EDF de la centrale de Vitry ancien secretaire du CHSCT
Oui, les souffrances au travail sont trop souvent minimisées ou mêmes moquées, et les syndicats critiqués. Les techniques modernes sont plus propres et probablement moins dangereuses, mais le stress est plus grand, l’isolement des travailleurs aussi, et la précarité du monde salarié explose.
Allumer la lumière, prendre le métro, acheter un objet fabriqué on ne sait où dans on ne sait quelles conditions, tous ces actes de la vie quotidienne ont un prix social.
Merci pour votre témoignage.
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