Société | | 10/01/2018
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Emotion et colère après l’incendie de l’épicerie casher à Créteil

Emotion et colère après l’incendie de l’épicerie casher à Créteil © Fb

L’incendie ce mardi matin avant l’aube de l’épicerie casher Promo & Destock au centre commercial Kennedy, a mis en émoi le quartier du Mont-Mesly à Créteil. 

Après l’intervention des pompiers, un ballet de policiers, personnalités, journalistes et employés chargés de la mise en sécurité du site s’est succédé toute la journée devant des riverains écœurés.

« Regarde ce qu’on fait ces voyous là où tu t’amusais hier », raconte un père à son jeune enfant qu’il tient par la main avant de s’éloigner. Une odeur de brûlé se dégage encore de l’épicerie dont il ne reste presque plus rien. A l’intérieur, quelques silhouettes d’étals carbonisés tiennent encore debout. Dehors, seuls des pans de murs noircis matérialisent encore la façade de la boutique. Les nombreux débris éparpillés sur la dalle commerciale, noyée sous l’eau des lances des pompiers, sont progressivement nettoyés après les dernières constatations de la police judiciaire.

Deux femmes se tiennent à distance. Elles étaient venues faire quelques courses mais les commerces sont restés fermés toute la journée. « C’est malheureux ce qui est arrivé mais ce n’est pas la première fois. Le bar PMU au premier étage vient tout juste de rouvrir après avoir subi un incendie. Le climat est devenu tellement insupportable que certains commerçants ont tout simplement fermé boutique et sont allés s’installer ailleurs. En tant que riverains, nous constations depuis de nombreuses années que des personnes se servaient de ce centre commercial pour mener toute sorte de trafic.»

Des sentiments mêlés au sein de la communauté juive locale

En parallèle à ce sentiment d’insécurité, des membres de la communauté juive résidant au Mont-Mesly perçoivent des symptômes de plus en plus nombreux d’antisémitisme. Pour mémoire, cette épicerie avait été la cible de croix gammées inscrites sur sa grille pas plus tard que la semaine dernière, ainsi que celle de l’Hyper Cacher voisin.

« Je suis arrivée ici dans les années 60. Nous vivions tous ensemble, des familles juives et musulmanes. Nous allions au lycée et nous respections la laïcité. Aujourd’hui ce n’est plus pareil, on se sent menacé, stigmatisé. Je venais chercher mon pain chez un boulanger turc, un homme adorable qui a ensuite cédé son affaire à ses enfants. Ils n’ont plus voulu me servir. Il n’y a plus de vie juive à Créteil. Les commerces ferment comme les restaurant du Lac. Je n’ai plus que deux ans avant la retraite puis j’irai m’installer en Israël », se résout une femme dont les enfants ont déjà fait leur  alya (installation en Israël par un juif).

A quelques dizaines de mètres, dans un autre commerce, un boucher coiffé de sa kippa condamne l’incident mais estime que le vivre-ensemble a encore toute sa place à Créteil. « Il faut parler de ces événements graves quand ils arrivent mais bien comprendre qu’il s’agit d’actes isolés. Parmi nos clients nous recevons toutes les communautés et je peux vous dire qu’aujourd’hui, ils étaient tous peinés par ce qui est arrivé. » Apprécié des riverains, Aziz, le gérant musulman de l’épicerie casher, s’est promis de rouvrir le plus rapidement possible.

Condamnation unanime des élus

Du côté des élus, les réactions ont été nombreuses et unanimes. Le maire de Créteil, Laurent Cathala (PS), ainsi que le préfet du Val-de-Marne, Laurent Prévost, sont allés à la rencontre des commerçants sinistrés. Le président du Conseil départemental, Christian Favier (PCF)  a condamné “fermement” un acte “manifestement criminel”, tout comme le député socialiste Luc Carvounas, appelant dans un tweet à “plus que jamais lutter avec force contre l’antisémitisme et le racisme“. Le député LREM Jean-François Mbaye s’est également exprimé regrettant dans un tweet, “une escalade de la violence inacceptable. La garantie Républicaine du vivre ensemble doit être une priorité partout sur le territoire”. Le maire de la ville voisine de Bonneuil, Patrick Douet (PCF), a également exprimé sa solidarité “à toute la population” de Créteil, rappelant qu’il y existe toute l’année “une belle cohabitation et harmonie entres habitants pratiquant différentes religions ou n’en pratiquant aucune.”  L’ancien ministre et ancien député Roger-Gérard Schwartzenberg (PRG) encore,  a demandé “de renforcer les sanctions pénales contre ces actes et, par ailleurs, de doter la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, créée en 2016, de moyens accrus pour contrecarrer cette montée de la haine.” A Créteil, la France insoumise a également condamné ces actes, plaidant au niveau national pour “une augmentation du nombre ​des travailleurs sociaux et culturels​, de​ la police de proximité, de ​la justice et des moyens mis à leur disposition”. De son côté, Thierry Hebbrecht, président du groupe d’opposition LR,  dénonce la dégradation de la situation et des trafics au centre Kennedy depuis des années. “A quel point va-t-on laisser Créteil se dégrader? Il faut reprendre complètement la politique de sécurité et arrêter de bétonner encore plus en laissant le reste à l’abandon. Les élus Front national du conseil municipal de Créteil ont quant à eux  interpellé le maire sur son opposition à une police municipale armée, affirmant qu’«une telle structure aurait pu assurer la surveillance des commerces attaqués il y a deux jours.» 

Rassemblement citoyen ce mercredi et pétition contre la haine

Le collectif Créteil 3.0 organise un rassemblement contre la haine ce mercredi de 19h00 à 21h30 devant l’épicerie casher du centre Kennedy. «Le but de ce rassemblement est d’une part, de nous rassembler en solidarité avec l’épicerie cacher incendiée à Créteil dans la nuit du lundi au mardi 9 janvier dernier, trois ans jour pour jour après l’attentat contre l’épicerie HyperCasher à Porte de Vincennes. D’autre part, nous voulons appeler l’ensemble des cristoliennes, des cristoliens, et l’ensemble des citoyen-ne-s de la République française à s’unir face au déversement de haine, de racisme et d’antisémitisme dont font objets, hélas, le pays et la ville de Créteil. A Créteil comme ailleurs, face à la haine, organisons-nous !», explique les représentants du collectif qui ont également lancé une pétition pour dire “non à la haine”, qui a déjà obtenu plus de 400 signatures en quelques heures.

Du côté judiciaire, l’enquête a été confiée à la police judiciaire du Val-de-Marne.

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