Formation | | 11/10/2018
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En redressement judiciaire, l’Infa prend le taureau par les cornes

En redressement judiciaire, l’Infa prend le taureau par les cornes © Les 50 ans de l'Infa, en 2013

Attentisme des donneurs d’ordre lié à la réforme de la formation professionnelle, catastrophe informatique, modèle économique à revisiter… Autant de facteurs qui ont pesé sur la trésorerie de la fondation Infa, en redressement judiciaire depuis début octobre. L’institut de formation, issu du mouvement d’éducation populaire, peut heureusement s’appuyer sur un solide patrimoine foncier pour sortir de l’ornière et accompagner une mue d’ampleur avec des projets concrets en perspective comme le développement d’une maison de retraite d’application au sein du centre de formation de Nogent-sur-Marne. Explications avec son président, Christian Laine.

Nous avons un bon bilan, nous ne sommes pas endettés et nous avons un patrimoine foncier évalué autour de 33 à 34 millions d’euros”, pose le président de la fondation. Tous les voyants sont au vert… sauf la trésorerie, cet argent disponible tout de suite, indispensable pour payer les salaires et les charges. A l’origine de cette situation : plusieurs facteurs structurels, conjoncturels et accidentels.

Attentisme lié à la réforme en cours

Sur le plan conjoncturel, l’institut a subi directement le coup d’arrêt lié à la réforme en cours de la formation professionnelle, dont le pilotage va passer des régions aux branches professionnelles.“Le gouvernement a fait des annonces mais les décisions ne sont pas encore prises et il y a actuellement un attentisme des régions qui savent qu’elles vont perdre cette compétence. La région Auvergne Rhône Alpes a par exemple diminué son budget formation de 30%”, cite le président de la fondation Infa. Avec en prime des délais de paiement du secteur public qui peuvent aller de trois mois jusqu’à parfois un an.

Concilier modèle économique et modèle social

Sur le plan structurel, l’institut repose sur un modèle économique trop ajusté. Né en 1963, l’institut, issu du mouvement d’éducation populaire CCO (Centre de culture ouvrière) initié par la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), n’a jamais perdu sa vocation sociale, même s’il est passé de la formation des animateurs de MJC et colonies de vacances à une diversification en six filières allant des services à la personne aux métiers d’arts. Transformé en fondation il y a cinq ans, l’institut ne peut travailler avec des donneurs d’ordre privé qu’à la marge. “Nous nous adressons à ceux qui sont le plus loin de l’emploi comme les décrocheurs scolaires et les chômeurs de longue durée, avec un taux de réussite aux examens de certification de 83% et un taux de placement en entreprise à six mois de 76%. Nous avons donc de bons résultats mais nous sommes payés de l’ordre de 5 à 7 euros de l’heure/stagiaire. On est loin des 1000 euros/jour que l’on pourrait facturer à des entreprises commerciales. Cela n’est pas dans notre vocation mais cela nous rend fragiles. Nous nous posons donc des question pour créer une société commerciale privée qui facturerait aux entreprises, à côté de la fondation. Nous devons réinventer un modèle différent. Nous ne sommes pas les seuls à souffrir dans ce secteur de la formation professionnelle”, analyse Christian Laine. “De même, nous avons un service historique, le Psychorec, qui permet de rencontrer les stagiaires avant la formation pour passer du temps avec eux, s’assurer de les orienter dans une formation qui leur convient et au terme de laquelle il y a du travail. Cette étape est fondamentale mais elle n’est pas payée. Il nous faut trouver des solutions pour la financer.” Plusieurs pistes sont à l’étude comme créer un CIBC (Centre Interinstitutionnel de Bilan de Compétences) à côté ou chercher des subventions directement au sein de la fondation.

Plus d’un an de compta perdue

A cela, s’est ajouté un accident informatique qui a mobilisé les forces vives de l’institut au lieu de leur permettre de se concentrer sur son adaptation au contexte. Au total, plus d’un an de comptabilité et de paie ont en effet été perdus. “Nous avons rapidement retrouvé la paie mais quatre à cinq personnes ont travaillé à plein temps pendant un an pour reconstituer intégralement la comptabilité à partir des centaines de milliers de pièces. Actuellement, nous sommes en procès avec la société qui était censée sauvegarder nos données mais celui-ci se tiendra dans plusieurs années, cela ne règle donc pas notre problème immédiat…”, relate le président de la fondation.

Une opération de lease-back en partenariat avec la Caisse des dépôts

Désormais au pied du mur, la fondation a justement décidé de s’attaquer aux murs pour résoudre ses problèmes de financement à court terme. L’ensemble du patrimoine immobilier, qui va du siège de Nogent-sur-Marne (en place des anciens laboratoires Merck) aux implantations en région (Nice, Perpignan, Pau…), va être vendu à une SCI à laquelle participera principalement la Caisse des dépôts mais aussi éventuellement d’autres partenaires. Cette société louera ensuite les biens à la fondation Infa jusqu’à elle puisse les racheter. Une sorte d’opération lease-back qui doit permettre de générer du cash pour renflouer les caisses et financer le nouveau plan de développement de l’institut de formation.Dans l’immédiat, la fondation devrait d’abord conclure un prêt bancaire pour soritr du redressement judiciaire. “Les banques françaises ne proposant un parapluie que lorsqu’il fait soleil, nous n’avons pas trouvé d’accord avec elles mais nous sommes en train de négocier avec une banque italienne”, confie le président.

Créer une mini maison de retraite médicalisée dans le centre de formation de Nogent-sur-Marne

Au-delà de la trésorerie, la fondation Infa entend s’appuyer sur cette remise en question pour reprendre son développement en partant des bases. “Nous avons toujours défendu la formation par l’action et projetons de faire du centre de Nogent le centre national de référence pour les métiers du social et de l’aide à la personne en envisageant par exemple d’avoir dans nos locaux une petite résidence pour personnes âgées, avec des lits médicalisé. De même, nous souhaitons faire de Gouvieux (Oise) notre centre national de référence dans les métiers de la restauration en lien avec des grands chef, en retravaillant notre restaurant d’application. Nos centres de formation doivent être des lieux d’application immédiate”, détaille Christian Laine. Une approche terrain qui n’exclut pas le développement de la formation à distance en s’appuyant sur les outils numériques, éventuellement en partenariat. “Nous avons un Conseil scientifique qui travaille sur ce programme qui devrait être arrêté d’ici quelques mois.”

Une étape délicate sera également la restructuration des équipes, qui comprennent aujourd’hui 450 personnes, avec une réduction de la voilure. “Nous allons le faire correctement mais c’est une étape obligée, pour des raisons économiques et de projet”, indique le président de la fondation.

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