Alors que les récentes inondations de la Seine, la Marne et l’Yerres ont démontré la nécessité de prévoir les risques en amont, les investissements dans l’entretien des quatre lacs réservoirs qui ont contribué à limiter la crue, ainsi que dans le projet de plaines à inonder de la Seine Bassée, seraient à la peine, selon la Chambre régionale de la Cour des comptes (CRC).
Un problème alors que ces sites servent non seulement à limiter les inondations mais aussi compenser les périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes. Entre décembre 2017 et février 2018, ces bassins aménagés dans l’Aube, l’Yonne et la Haute-Marne ont stocké près de 800 millions de mètres cubes d’eau. L’établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs, chargé de leur exploitation, estime que sans les lacs, le pic de la crue de Seine à Paris aurait atteint 6,50 mètres, soit 40 centimètres au-dessus du niveau de 2016. Au contraire, lors de la vidange d’été, ces bassins permettent de maintenir le débit de la Seine à hauteur d’un tiers de son début moyen, voire les deux-tiers en période de sécheresse. Un rôle qui devrait être encore renforcé dans les années qui viennent, du fait du changement climatique et de l’augmentation de la population de la métropole parisienne. A la clef également : l’enjeu de la qualité de l’eau de la Seine, qui alimente une bonne partie des habitants en eau potable. C’est du reste dans le cadre d’une enquête sur l’alimentation en eau potable de la métropole du Grand Paris que la CRC a décidé d’étudier le fonctionnement de l’EPTB Seine Grands Lacs.
Qui doit payer, qui doit gérer ?
Aménagés, entretenus et exploités dès l’entre-deux-guerre par le département de la Seine (qui correspondait à l’époque à peu près au périmètre de l’actuelle Métropole du Grand Paris), les barrages-réservoirs ont vu leur gestion évoluer au gré des réorganisations territoriales. A la fin des années 1960, lorsque le département de la Seine a été divisé en Paris et trois départements de petite couronne (92, 93 et 94), la gestion de ce ces infrastructures a été confiée à une institution interdépartementale, l’EPTB Seine Grand Lacs, associant ces quatre départements. Avec la loi Maptam (création des métropoles) et la fin de compétence générale des départements, l’établissement a depuis évolué à nouveau en syndicat mixte pour pouvoir accroître ses compétence et intégrer d’autres collectivités territoriales qui bénéficient de ces ouvrages, en amont de la métropole parisienne. Alors que chaque collectivité court après ses dotations pour boucler son budget, l’un des enjeux pour accélérer le développement de nouvelles infrastructures de prévention tout en assurant l’entretien des quatre lacs réservoirs actuels est en effet qui paie pour quel service. Pour les départements de la métropole parisienne, les frais doivent être partagés par les communes en amont et l’EPTB a instauré depuis 2012 une redevance pour service rendu qui contribue désormais à 40% de son budget de fonctionnement. Une redevance, dénoncée comme une taxe et contestée en justice par une trentaine de communes de la Marne. Début 2017 toutefois, le Tribunal administratif a tranché en faveur de l’EPTB. En parallèle, la gouvernance de l’établissement évolue pour faire entrer de nouvelles collectivités. Ainsi, Troyes Champagne-Métropole et la Communauté d’agglomération de Saint-Dizier-Der et Blaise ont rejoint l’établissement en janvier 2018.
Quelle stratégie d’investissement à long terme ?
Dans ce contexte de léger décalage entre gouvernance et ensemble des parties prenantes, de baisse des dotations, et de besoins d’investissements dont on ne ressent l’urgence que lorsque l’inondation ou la sécheresse est là, les investissements n’ont pas explosé pour mener en temps et en heure certaines réparations non plus que financer les nouveaux projets comme celui des plaines à inonder dans le secteur de la Bassée (Seine-et-Marne) qui permettrait à la fois d’éviter les dégâts en aval et de contribuer localement à la reconstitution de zones humides. Ces espaces endigués par 58 kilomètres de talus pourraient faire baisser le niveau de la Seine à Paris de 25 cm lors des pics de crues. Une analyse coût/bénéfice citée par les juges explique que 1 euro investi dans ce projet permettrait d’éviter 1,95 euros de dommages. Un projet qui a déjà vingt ans mais dont les 600 millions d’euros d’investissement sont loin d’être bouclés. Un site pilote est d’ores et déjà prévu, représentant un investissement de 100 millions d’euros, mais ne sera pas construit avant 2021, ce que regrette la CRC. Pour la Chambre, l’EPTB a sa part de responsabilité. « Le conseil d’administration de l’établissement a placé ce dernier en position de sous financement récurrent. Cela a conduit à un niveau d’investissement insuffisant pour maintenir les ouvrages dans un état satisfaisant, mais aussi à retarder des travaux nécessaires et cela a entraîné l’apparition de désordres graves sur les ouvrages. Cette situation a finalement imposé d’importants travaux de réhabilitation concomitants sur les deux ouvrages les plus anciens, le barrage de Pannecière (ndlr : situé dans la vallée de l’Yonne, ce barrage a été construit en 1936, en période de pénurie de ciment, et sa structure s’en est trouvée fragilisée, laissant apparaître des anomalies dès 1988. Alors que la réhabilitation du barrage a été demandée en 2001, les travaux n’ont démarré que dix ans plus tard et vingt-trois ans après avoir constaté les premières anomalies. Les travaux, initialement estimés à 17,5 millions €, ont finalement coûté le double en raison de crues successives qui ont perturbé le déroulement du chantier) et le canal d’amenée Seine. En l’absence de plan pluriannuel d’investissement et de plan de financement associé, l’établissement a rencontré de grandes difficultés pour financer ces travaux, ce dernier ayant toujours limité son appel à l’effort contributif de ses collectivités membres. Ainsi leur désengagement continu depuis 20 ans, en baisse de 40% en euros constants, s’est accentué ces dernières années. De plus, dans un contexte de crise des liquidités et de restriction de l’accès au crédit par les banques, l’établissement n’a pu recourir à l’emprunt comme il le souhaitait », note ainsi la Cour régionale des comptes qui souligne que “les nouvelles recettes constituées par la redevance, et qui devaient apporter des moyens supplémentaires pour réaliser les travaux sur les barrages, se sont en fait substituées aux subventions d’investissement. Elles ont également permis un substantiel désengagement des collectivités membres, et celles-ci ont réduit de 22 % leurs contributions entre 2013 et 2016.”
Concernant la redevance imposée aux communes en amont du périmètre de l’EPTB, la CRC note que seulement “quatre redevables supportent les trois quarts de cette redevance, pour certains pour des montants supérieurs à la contribution des départements constitutifs“. “Au final, les usagers métropolitains du service d’eau potable financent un quart des dépenses de fonctionnement et d’investissement de l’institution”, estime la CRC.
Dans ses conclusions, la CRC invite la collectivité à mettre en place une comptabilité analytique par activité, ainsi qu’un plan d’investissement pluriannuel complet mis à jour chaque année et accompagné du plan de financement correspondant. Elle recommande également à l’établissement public territorial de bassin d’élargir la catégorie des redevables et de mettre fin au traitement différencié dont bénéficient ou ont bénéficié deux sociétés de production de froid délégataires de la ville de Paris et des Hauts-de-Seine, et filiales d’Engie et d’EDF.
L’EPTB répond
«Ainsi que le note le rapport de la Chambre, l’Institution est “un opérateur du bassin de la Seine et ses actions ont un impact qui dépasse largement le territoire des quatre collectivités constitutives”. Cette différence d’échelle entre l’impact de ses actions et son organisation institutionnelle ne peut générer que des difficultés de gouvernance et de financement», s’est défendu Frédéric Molossi, président de l’EPTB dans sa lettre de réponse au rapport d’observations définitives, rappelant les efforts engagés par l’établissement pour faire évoluer sa gouvernance, dont l’avancement a été “contrarié” par la loi Maptam qui a changé à nouveau la donne. Le président de Seine Grand Lacs considère que la transformation de l’institution en syndicat mixte va permettre de poursuivre ses missions historiques, de développer de nouvelles activités, et de rechercher de nouveaux financements. Il s’inscrit néanmoins en faux concernant le fait que le projet de dispositif anti-crue de la Seine Bassée soit retardé faute de financement, estimant que les délais correspondent simplement à celui d’une opération complexe, entre les études et la concertation publique.
Télécharger le rapport complet de la chambre régionale de la Cour des comptes.
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On artificialise / bétonne / goudronne / imperméabilise
l’équivalent de la surface d’un département tous les 11 ans (routes et centres commerciaux entre autres).
Et l’on vient s’étonner ensuite ?
Je n’ai pas vu beaucoup de “bobos écolos” s’opposer au métro du Grand Paris … qui en soit est un vrai projet d’infra.
Pour ce qui est des crues, combien de personnes les pieds dans l’eau ? à quelle fréquence ? il faut arrêter d’imperméabiliser les sols et rejeter nos eaux de pluies à la rivière.
Plantons des arbres !
Nous commençons à vivre en vraie grandeur les conséquences de notre surendettement : on ne peut plus financer les projets d’infrastructures, on voit chacun qui renvoie la balle aux autres ‘ce n’est pas à moi de payer, c’est à toi’, on constate depuis plusieurs années que toutes les ‘réorganisations’ sont des réformes à la baisse : moins d’investissements, précarisation du travail, remise en cause des services publics et des droits sociaux, etc … Et cerise sur le gâteau, les bobos écolos s’opposent à tous les chantiers d’infrastructure. La France, puissance moyenne, devient très moyenne …
Nous sommes loin de l’époque où l’État pilotait et coordonnait avec une planification et des moyens associés, et confiait la réalisation au privé bien encadré.
Oui mais est-ce qu’il reste du pognon pour la N19 et la N406 ?
Ça coûte pas cher du tout , et on a besoin de toujours plus de voies rapides et d’autoroute.
Pour rameuter toujours + de bagnoles, c’est chouette comme programme
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