A compter de ce vendredi 6 juillet, les rues d’Avignon s’emplissent d’acteurs vantant leur spectacle et de festivaliers en quête de la pièce à ne pas manquer. Dans le Val-de-Marne, plusieurs dizaines de compagnie sont au rendez-vous de ce marathon du festival off de théâtre qui s’achèvera le 29 juillet mais a commencé bien avant. Rencontres.
«Avignon est un moment unique où les gens qui viennent voir les spectacles ont une écoute et une disponibilité idéale», motive Valentina Arce de la compagnie fontenaysienne Shabano. Le festival off d’Avignon rassemble plus de 1500 compagnies qui jouent parfois depuis des années au même endroit ou se lancent pour la première fois. Une épreuve réjouissante mais épuisante. Hormis les relâches obligatoires, les journée sont denses. «Une journée type c’est départ à 10h30 pour tracter dans les rues afin de convaincre les gens de venir voir le spectacle, préparation de la scène, jeu, démontage, et enfin un peu de détente en buvant un coup ou en allant voir un spectacle avant de se coucher pas trop tard», témoigne la comédienne campinoise Céline Bognini.
Objectif : séduire le public mais aussi les programmeurs professionnels qui viennent acheter les spectacles qu’ils produiront dans leur salle ou festival la saison suivante. C’est «un grand marché du théâtre», résume Alain Chapuis de la compagnie villiéraine Toizémoi. «Les professionnels n’ont pas le temps de se déplacer en France ou même dans Paris pour tout voir et si on ne passe pas par la case Avignon, on perd beaucoup de visibilité, insiste Valentina Arce. L’année dernière, le centre culturel de Courbevoie a par exemple acheté six représentations sur trois jours. Mais cela peut être douloureux si cela ne marche pas, c’est un gros investissement psychologique, financier et temporel où il y a toujours des imprévus», confie-t-elle.
La mise de départ n’est en effet pas négligeable. “Environ 30 000 euros entre la location de la salle de spectacle, la logistique et les ressources humaines“, estime Céline Bognini, qui, l’an dernier, avait mis en place une cagnotte en ligne afin de financer une partie de la première saison de son spectacle Diva sur le divan. Un ordre de grandeur, de 20 000 à 30 000 euros, également avancé par d’autres troupes. Pour certains, il y a parfois d’heureuses opportunités. «Nous avions fait le festival il y a quelques années et n’avions pas recommencé pour des raisons financières. Mais cette année, le théâtre de l’Arrache Cœur a lancé un appel d’offres car une compagnie s’est désistée. Nous avons donc su que nous faisions Avignon il y a trois mois à peine !», indique Fabrice Roubeyrie, de la compagnie vincennoise Ayoye, qui vient d’écrire la pièce « Bastien et la magie des pourkoipas », spectacle mêlant théâtre et magie, à voir dès trois ans. Une création inspirée par son parcours personnel. « Mon père était magicien amateur. J’ai donc travaillé comme magicien et comme comédien après avoir fait l’école Claude Mathieu mais je considère que c’est le même métier », confie-t-il. Bastien n’est pas un magicien mais un imagicien, explique l’auteur. Il cherche le meilleur endroit pour rêver. «C’est un personnage proche de l’enfance et de la figure du clown. Il touche aussi au thème de la différence, qui est cher à Denis Lefrançois, notre directeur artistique», ajoute Fabien Martin, de la troupe.
Professeure au conservatoire de Champigny-sur-Marne et de Bondy, Céline Bognini aussi s’est inspirée de sa vie pour créer son spectacle. «Pendant 15 ans, j’ai été une «femme d’artiste» avant tout, me faisant oublier que j’étais moi-même une artiste à part entière.» Ayant quitté son mari et décidé de tracer son propre chemin, elle raconte ce mal-être qu’elle a vécu dans son spectacle «Diva sur divan», très autobiographique. «Le spectacle est la musicothérapie d’une «chianteuse» lyrique. J’interprète une personne qui n’arrive pas à s’assumer en tant qu’artiste et un psy me propose de faire une thérapie en public où il jouera du piano pendant que je chante.» Un premier spectacle écrit en solo. «J’ai déjà co-écrit un spectacle nommé «Trois drôles de gammes», avec une pianiste et une flûtiste du conservatoire de Champigny, et aussi des contes pour enfants avec mon ex-mari. Mais j’ai eu besoin de voler de mes propres ailes. Je crois que c’était la première fois que j’écrivais seule depuis mon journal intime à 14 ans!» Après avoir longtemps été à Avignon comme spectatrice, elle s’est lancée l’an dernier mais sans démarcher d’acheteurs potentiels. «Je voulais d’abord me rassurer en tant que comédienne.»
Histoire de femme et inspiration autobiographique également pour Fanny Cabon et son spectacle Gardiennes, produit par la compagnie La Pierre brute à Cachan. «La plupart des textes sont tirés d’histoires vraies et des pans entiers sont même issus de témoignage de ma famille, que j’ai interrogée. Je les entendais toujours dire «il faut qu’on écrive un livre de ce qui nous arrive», alors je me suis dit que j’allais leur écrire une pièce», se livre-t-elle. Entre souvenirs d’enfance et anecdotes, elle dresse des portraits de sa mère, sa grand-mère, ses tantes, n’épargne pas les sujets sensibles comme l’avortement, d’une génération à l’autre. «Je voulais leur rendre hommage, à l’amour qu’elles portent à la vie.» Sur les planches depuis l’âge de 8 ans, et en tournée professionnelle dès ses 17 ans, Fanny Cabon n’a jamais quitté le théâtre.
Habitants de Villiers-sur-Marne, Alain Chapuis et Marie Blanche, qui composent la compagnie Toizémoi, font partie des accros. «C’est la onzième fois que j’y joue et Alain la douzième», calcule Marie. Là encore, il y a un peu d’autobiographie dans la trame. «C’est l’histoire d’une famille qui emménage dans un appartement beaucoup plus grand que prévu. Cela nous est arrivés quand nous étions jeunes. Nous avions visité par erreur de l’agence un appartement de 140 m² à Lyon que nous avons pu occuper pour le prix d’un 40 m²! » Un prétexte pour mettre en scène toutes les problématiques familiales, adolescence, lien de parenté, rapport au genre, Alzheimer… sur le ton de l’humour. «Nous avons repris les personnages de notre ancienne pièce «Camille et Simon fêtent leur divorce», qui sont restés ensemble et sont devenus parents. Mais nous jouons une série de personnages : le gardien, les grand parents, l’agent immobilier», détaille Alain. 13 personnages sont ainsi interprétés par ces deux comédiens qui varient les costumes et les attitudes. Côté mise en scène, le duo a innové. «On a décidé d’ajouter la vidéo, c’est une comédie familiale en réalité augmentée!» explique Alain. Derrière les deux acteurs, un écran met en scène les personnages dans la cuisine d’un appartement.
Avec la compagnie Shabano, créée en 2005 à Fontenay-sous-Bois, place au conte. «Je suis du Pérou et mon idée était d’amener des contes qui ne sont pas accessibles dans les bibliothèques, je voulais faire découvrir l’Amérique du sud aux enfants français», motive Valentina Arce, directrice artistique. «J’ai commencé à la Plaine Saint-Denis après mes études. Nous devions écrire une histoire de ce lieu avec les habitants de la ville et travaillions avec les centres de loisirs. Je me suis rendue compte que le théâtre classique n’était pas forcément adapté aux enfants qui sont en revanche très sensibles à l’image et au son. Le conte a aussi une dimension multiculturelle,» défend Valentina Arce qui a élargi son spectre au monde entier avec des histoires qui «permettent de parler aux enfants comme aux adultes, avec des niveaux de compréhension différents.» Son spectacle, Amaranta, est adapté du texte d’un conteur colombien contemporain, Nicolas Buenaventura. Une plongée dans un monde fantastique mis en scène avec marionnettes et ombres chinoises. «Dans ce spectacle, la marionnette est en travail avec le comédien qui est toujours en vue. Elle permet de retranscrire l’âme d’enfant du personnage». Le spectacle joue cette année son deuxième Avignon. «Tous les professionnels n’ont pas pu nous voir l’année dernière et on a plus d’expérience, notamment sur la communication autour du spectacle.»
Comédies, récits autobiographiques, spectacles engagés, chorégraphies, grands classiques ou écritures contemporaines… D’année en année, le nombre de compagnies qui tentent l’aventure Avignon ne cesse de croître. «La première fois que je l’ai fait, c’était en 1992, se souvient Marie Blanche de la compagnie Toizémoi. A l’époque, il y avait 350 spectacles dans le off et l’on se disait qu’à 500, ce serait la fin du monde!» Ce mois de juillet 2018, ce-sont 1538 spectacles qui seront joués.
Fontenay en Avignon
La ville de Fontenay-sous-Bois fera un stop au festival à l’occasion d’un brunch convivial donné à la maison du off mercredi 11 juillet, de 11 heures à 13 heures, pour présenter le futur théâtre de la ville et «débattre de la politique culturelle avec les festivaliers, artistes, élus, organismes et associations», motive Marc Brunet, adjoint à la culture. Les travaux doivent débuter à la rentrée 2019.
Liste (non exhaustive) de compagnies du Val-de-Marne à Avignon cette année, par horaire de la journée
(si vous voulez y être ajouté contactez redaction@citoyens.com)
Voir aussi le site du festival Off
- Théâtre du Shabano – AMARANTA – 10h05 au théâtre du Centre
- Compagnie Ayoye – Bastien et la magie des pourkoipas – 10h10 au théâtre de l’Arrache Cœur
- Compagnie Caravane – Quand je serai grande… tu seras une femme, ma fille – 10h40 au théâtre 3 soleils
- Compagnie ToizéMoi – La fabuleuse Histoire de Mr Batichon – 10h45 à la Comédie centrale cinévox
- Compagnie Aigle Noir Productions – Le cas Martin Piche – 12h10 au théâtre 3 soleils
- Compagnie Parnicis – Liberté ! – 12h55 au théâtre Essaïon Avignon
- Compagnie M.A. Compagnie – Diva sur divan – 13h00 au magasin
- Alain Bernard – Piano Paradiso – 14h15 au théâtre Au Coin de la lune
- Passage production – MOLLY B – 14h45 à la maison de la poésie d’Avignon
- Compagnie Théâtre de la Rencontre – Le fantôme et Mme Muir – 18h10 à l’espace Roseau teinturiers
- La Pierre Brute – Gardiennes – 18h30 au théâtre 3 soleils
- Compagnie Entre Terre et Ciel – Aragon ou le Mentir-Vrai – 18h45 à l’Albatros
- Compagnie PSK PRODUCTIONS – Voyage dans les mémoires d’un fou – 19h25 au théâtres du corps saints
- Compagnie Nuit blanche – X & Y, la folle histoire musicale et improvisée d’un couple imparfait – 20h00 au grand petit théâtre
- Compagnie AGIL Productions – Benoit Joubert Oh Merde… – 21h30 au théâtre le palace
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