Trouver des clients, de l’argent pour financer sa croissance et des bons profils pour tenir le cap, les défis des entreprises restent les mêmes mais leur environnement bouge à toute vitesse. C’est dans ce contexte que le président de la CCI 94, Gérard Delmas, a présenté les projets 2018
de la Chambre de commerce à l’occasion de sa cérémonie des voeux puis d’un déjeuner de presse ce lundi midi, en compagnie d’élus entrepreneurs de la CCI. Petit tour des nouveaux chantiers en fonction des besoins cruciaux des entreprises.
Trouver de l’argent : 2 millions d’euros levés en 2017
Le financement, c’est l’une des premières difficultés des entreprises en croissance, structurellement fragiles dans leur trésorerie en raison de l’effet de ciseaux entre les charges croissantes liées à l’augmentation du personnel et les paiements de clients rarement en temps réel. “La loi LME (qui a fixé les délais de règlement contractuels maximum à 60 jours à émission de facture) nous a été très défavorable. Même des entreprises qui vont bien, en croissance, ont des défauts de trésorerie, témoigne Michelle Ducrest, membre du bureau de la CCI et co-dirigeante d’une PME du BTP à Saint-Maur-des-Fossés. Si le marché lié au Grand Paris Express décolle, je ne sais pas comment nous ferons car notre besoin en fonds de roulement va augmenter.” La solution passe-t-elle encore par les banques? Cinq minutes de discussion avec un patron de petite entreprise rend plutôt pessimiste quant à la réponse. “Il y a des moments où l’on a du mal à se comprendre, se défend Christian Bouvet, secrétaire général au LCL et membre de la CCI, qui rappelle qu’une banque ne fait que prêter de l’argent qui ne lui appartient pas mais lui est confié par ses clients. Le financement classique se trouve, et concernant les périodes charnières de croissance, les solutions d’affacturage permettent de soulager la trésorerie. Ce qui est plus difficile est de financer l’immatériel. Or il y a beaucoup d’immatriculations dans la nouvelle économie. Pour certains financements, les plates-formes sont plus adaptées et nous avons des partenariats avec certaines”, reconnaît le banquier. “La demande de financement est très forte mais il n’y a jamais eu non plus autant de partenaires financeurs potentiels, entre les banques, les business-angels, les plates-formes de prêt, de don…L’important est de frapper à la bonne porte pour ne pas s’épuiser en refus et c’est justement notre rôle, en tant que CCI, que d’aider à identifier la bonne porte”, rebondit Gérard Delmas. Et de rappeler que la CCI du Val-de-Marne a permis aux entreprises qu’elle a accompagnées de lever 2 millions d’euros en 2017, grâce à son collège de financeurs à qui elle a présenté les dossiers après avoir aidé les demandeurs à affiner leur plan d’action et modèle économique. Bilan 2017: une quinzaine de réunions des financeurs et une cinquantaine de dossiers sélectionnés. En 2018, la Chambre prévoit de poursuivre le dispositif en développant des collèges de financeurs spécialisés par secteur, à commencer par la santé et l’agroalimentaire, les deux dominantes de la CCI 94.
A lire aussi : Grand Paris “Attention de ne pas créer du doute”, prévient Gérard Delmas
Faire du business : du réseau, du réseau, du réseau
Pour les entreprises, le point numéro un reste bien sûr de faire des affaires, diversifier sa clientèle pour ne pas dépendre d’un seul contrat, lisser ses recettes, et être capable de s’organiser pour gérer ses priorités et poursuivre son développement. Sur ce terrain, le credo de la CCI est le réseau. Une stratégie déclinée dans toutes ses dimensions depuis 2017.
Clubs d’entreprises, réseaux Plato
Premier pilier : encourager les clubs d’entreprise. Pour aller plus loin, la Chambre a décidé de nouer des partenariats avec les EPT (Etablissements publics territoriaux) afin d’aider les clubs des territoire à se structurer. Une première convention a été signée avec Paris Est Marne et Bois fin 2017, avec mise à disposition d’un conseiller. En 2018, la CCI devrait également engager un partenariat avec le territoire Grand Paris Sud Est Avenir, à la fois sur les clubs et d’autres problématiques, et un autre est prévu avec Grand Orly Seine Bièvre. Le développement des réseaux passe passe aussi par les réseaux Plato, des sessions de coaching de groupe d’entrepreneurs sur un ou deux ans, qui couplent un accompagnement par des experts et un tutorat avec des cadres de grands groupes implantés localement. Autant de professionnels qui sont invités ensuite à rejoindre des clubs locaux. En 2017, un nouveau type de réseau Plato, spécial nouveaux dirigeants, a vu le jour, et devrait être déployé en 2018 avec de nouvelles sessions. D’autres types d’accompagnement jouent l’effet réseau comme par exemple le programme Excellence, dédiée aux femmes entrepreneures.”Au-delà de l’accompagnement, il s’agit de lutter contre la solitude de la cheffe d’entreprise, souvent seule. Les échanges renforcent la confiance”, motive Annie Ducellier, secrétaire de la CCI 94 en charge de ce programme.
Mettre en réseaux les espaces de coworking
Pour matérialiser le réseau, la CCI a ouvert son propre espace de coworking début 2017, afin d’accueillir les professionnels nomades, entreprises de passage, réunions, et aussi d’organiser des ateliers sur place. L’étape suivante : la mise en réseau des différents espaces de coworking du département à partir d’un site Internet commun.
Un annuaire “qualitatif”
Autre manière de matérialiser le réseau : la création d’un annuaire. Un chantier dans les cartons 2018. “Il s’agit de mettre en avant les savoir-faire sur des sujets pratico-pratiques. C’est une manière de mettre en réseau l’écosystème local”, motive Géraldine Frobert, directrice de la CCI 94.
Le mix expertise et réseau passe aussi par l’approfondissement thématique, avec dans le Val-de-Marne deux secteurs privilégiés : la foodtech, avec la présence du MIN de Rungis, et la biotech, particulièrement déployée dans la vallée de la Bièvre.
Agroalia : le club d’animation de la Foodtech prend forme
Mayonnaise à base d’algues, protéines d’insectes, distributeurs automatiques de repas frais… les entreprises locales de la foodtech ne manquent pas, qui innovent sur le plan des aliments comme des comportements alimentaires. Pour les accompagner, la CCI a lancé le club Agroalia en 2017, lequel se déploie désormais au niveau régional avec de nouveaux projets pour 2018 comme la mise en place d’un incubateur, en partenariat avec Ferrandi. La CCI dispose aussi d’une pépinière sur le MIN de Rungis, en partenariat avec celui-ci.
Développer le pôle santé à Villejuif
Alors que la pépinière Villejuif Biopark, victime de son succès avec un taux de remplissage à 97%, arrive à saturation, la CCI étudie la possibilité de s’étendre au sein d’un bâtiment voisin du CNR (le bâtiment G) pour pouvoir accueillir de nouvelles entreprises de biotechnologie en quête de locaux adaptés à leur recherche. “Nous travaillons sur un parcours immobilier aux entreprises en croissance, en partenariat avec les professionnels et les territoires. Villejuif est déjà très accessible via les transports et accueillera futurement le Grand Paris Express. Il y a également beaucoup de projets en cours, notamment de création de logements, permettant aux collaborateurs de s’installer à proximité”, explique Géraldine Frobert, directrice de la CCI94. “Pour nous, il est crucial de trouver de la place. C’est plus urgent que le métro”, confie Jean-Claude Lourme, directeur de Valotec, une entreprise de recherche et développement appliquée aux dispositifs médicaux, en croissance de 33% en 2017.
Commerce : haro sur le digital
Réseau numérique cette fois avec le commerce. “Si vous n’êtes pas sur Internet, vous n’existez pas”. Tel est le message que les commerces doivent intégrer progressivement, et ce n’est pas facile, même si ça fonctionne. “Nous avons conseillé à un restaurant, qui était prêt à renoncer, de rejoindre une plate-forme de réservation en ligne, et cela a transformé complètement son activité!” cite Géraldine Frobert. En 2017, 600 commerçants ont participé à des ateliers pour se familiariser aux nouveaux outils et 140 ont également bénéficié de suivis individuels. Au programme : des ateliers, des web cafés directement dans les villes ou encore des temps forts comme l’opération Connect Street organisée en fin d’année à Saint-Maur-des-Fossés pour donner à voir tous les outils numériques à disposition des commerçants. Un accompagnement qui devrait se poursuivre en 2018 dans le cadre du dispositif Académie commerce, soutenu par le FSE (Fonds social européen). “Les commerçants sont en retard sur le digital, c’est le pari de demain”, lance Gérard Delmas. Au-delà du numérique, le réseautage des commerçants passe aussi par le réseau Ecoville qui fédère les responsables commerces des communes.
Recruter les bons profils
Alors que l’activité économique repart, la quête des compétences dans les secteurs en tension s’intensifie. Dans le bâtiment, l’intérim comme l’insertion n’ont plus de listes d’attente, ce qui est un signe, souligne Nicolas Ducellier, directeur du groupe de BTP Evariste et membre de la CCI. “Dans la distribution aussi, il devient de plus en plus difficile de recruter”, note Sandra Hazelart, DRH au sein du groupe Casino. Pour traduire la demande des entreprises auprès des publics qui cherchent un emploi, un partenariat a été noué avec la Cité des métiers du Val-de-Marne, dont la CCI a rejoint le GIP (Groupement d’intérêt public). “L’objectif est de valoriser les métiers en tension”, explique Géraldine Frobert. Sur cette question, Eric Rebiffé, directeur de Sanofi Développement et membre associé de la CCI, insiste sur l’importance de travailler sur les filières et le maillage territorial. “Nous travaillons avec le Leem (fédération des entreprises du médicament) pour développer des formations en vue du premier emploi et cela marche très bien. Nous avons chez Sanofi 1400 alternants et autant de stagiaires. Cela constitue une filière de recrutement pour nous mais bénéficie aussi aux PME”, explique-t-il. Un effet ricochet. Du côté du LCL, Christian Bouvet évoque pour sa part le travail en partenariat avec l’association Apels pour recruter des jeunes des quartiers.”Ce-sont des gens de grande qualité mais il y a besoin d’une formation”, indique-t-il. Sur l’insertion, la CCI travaille également en partenariat avec des associations comme la Cravate solidaire ou le Face 94.
Lancement du parcours Entrepreneur leader avec le Conseil régional, InitiActive Île-de-France et le BGE
Parmi les changements 2018, à noter aussi le lancement du dispositif parcours Entrepreneur leader, initié par le Conseil régional, et qui remplace le Nacre (Nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d’entreprise). Ce nouveau dispositif mené pour la première fois de manière partenariale entre les grandes institutions qui oeuvrent au développement économique dans la région s’est fixé comme objectif d’accompagner 1000 créateurs et 1200 jeunes entreprises chaque année. Chaque partenaire interviendra sur une étape, le BGE au niveau de la construction du projet entrepreneurial, avant création de la société, InitiActive Île-de-France sur la phase de financement et la CCI dans premières années après la création d’entreprise. Objectif : atteindre un taux de pérennité des entreprises de 60% à cinq ans contre 49,3% actuellement.
Grand Paris Express: création d’un fonds de rebond
Dans son discours de voeux, le patron de la CCI a rappelé aussi le rôle d’une chambre pour accompagner les entreprises dans les aléas et dans l’imprévisible comme les inondations de 2016 ou plus récemment l’incendie de Choisy-le-Roi. Côté aléas, le Val-de-Marne est surtout servi en ce moment par le chantier du Grand Paris Express, qui impacte sérieusement les commerçants. Si la CCI rappelle que 60 PME du Val-de-Marne ont bénéficié de 40 millions d’euros de business dans le cadre de ce chantier du siècle, et pointe la mise en place d’une plate-forme Internet CCI Business qui favorise les mises en relation, l’organisation de rencontres d’affaires avec les donneurs d’ordre et encore le coaching de réponse aux appels d’offre, le Grand Paris Express reste néanmoins un chantier pénible pour les commerçants installés sur son sillon. “Plus de 300 soutiens ont été réalisés auprès des commerçants concernés”, note sur ce point le président de la CCI. Pour 2018, la CCI envisage de poursuivre ce suivi par la création d’un fond de rebonds pour les commerçants qui déménagent pour fuire les travaux du métro, en leur proposant un prêt intéressant. Un travail est en cours pour identifier les partenaires.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.