Pas de plan, aucune précision sur le positionnement en dehors de la superficie à prévoir, entre 15 et 17 hectares, la réunion qui s’est tenue ce lundi 10 décembre entre quatre élus* du département, le préfet du Val-de-Marne, la garde des Sceaux Nicole Belloubet et ses conseillers à propos du projet de prison de 700 places à Noiseau n’a pas permis d’avancer sur des bases étayées, mais plutôt de faire entendre les voix de chacun.
Comme la ministre l’avait confié quelques jours plus tôt au sénateur Christian Cambon, elle a néanmoins confirmé qu’elle n’avait pas pris la mesure du problème de transports publics à proximité. Sur le papier en effet, deux stations, celle du RER A à Sucy-en-Brie, et celle du RER E à Pontault-Combault, sont situées, sur le papier, à 20 minutes de bus, par la ligne 2 de Transdev, de la station Les Champs, de Noiseau, la plus proche de l’emplacement prévu pour la prison. Celle-ci doit se situer sur la RD136, en place de l’ancien site de France Telecom, dans le périmètre de Noiseau mais en bordure de La Queue-en-Brie. Sur le papier seulement car la route est souvent embouteillée. En outre, il n’y a pour l’instant qu’un bus toutes les demi-heures le samedi et un toutes les heures le dimanche. L’alternative est de parcourir les 5 km à pied , en vélo si un libre-service est disponible, ou de venir en voiture. Un sujet pour les visiteurs des 700 détenus comme pour les 400 personnes qui travailleront sur le site. Une question qu’il faudra aussi considérer dans le cadre de tout projet prévu à cet emplacement, y compris celui d’agroquartier, dont les arguments de présentation vantent au contraire l’accessibilité du site et le fait qu’il sera à terme relié à la gare Grand Paris Express de Bry-Villiers-Champigny (RER E et ligne 15 Sud) via la voie de bus en site propre Altival.
La ministre de la Justice s’est surtout excusée de la manière dont le plan a été annoncé publiquement, via une interview dans la presse suivie de la mise en ligne d’un dossier récapitulatif sur le site Internet du ministère, sans information préalable des élus concernés.
Au-delà, la réunion n’a pas contribué à enrichir d’informations détaillées les parties prenantes mais à réaffirmer des convictions. “Nous avons tous pu exposer ce qui nous tenait à coeur“, se réjouit la députée Modem Maud Petit, à l’initiative de cette rencontre. “Nous avons bien expliqué que nous ne sommes pas dans la posture “pas chez nous mais chez les autres’ mais que Noiseau n’est objectivement pas l’endroit idéal, en raison de son manque de desserte et du projet d’agro-quartier autour de l’agriculture vivrière”, défend la parlementaire qui, personnellement, n’est pas favorable à la construction de places supplémentaires de prison, considérant que plus de places conduit in fine a plus d’emprisonnement et autant de surpopulation carcérale. “En Suède, premier pays à avoir aboli les violences éducatives, la délinquance a chuté de 68% et les prisons se vident”, projette la députée.
En attendant, le gouvernement doit composer avec une surpopulation carcérale qui atteint les 200% à Fresnes et la garde des Sceaux a rappelé l’objectif des 15 000 places de prison, déjà annoncées fin 2016 par Manuel Valls, alors Premier ministre, avec une première tranche de 7000 places en 2022 et une seconde de 8000 places en 2027. L’autre certitude, concernant Noiseau, est qu’il s’agira de la tranche de 2027.
D’ici là, le projet d’agro-quartier devrait être largement sorti de terre. “Nous sommes en pleine négociation avec Ile de France Mobilité pour l’implantation d’un dépôt de bus de nouvelle génération, éventuellement à l’hydrogène, et avons engagé la concertation publique avec un objectif de déploiement d’ici à 2020”, détaille Yvan Femel, maire LR de Noiseau. “La seconde tranche devrait être finalisée d’ici à 2022-2023“, indique-t-on également au cabinet de la présidence du territoire Grand Paris Sud Est Avenir, maître d’ouvrage du projet et déjà propriétaire d’une partie des terres. Pour faire aboutir le projet, le ministère de la Justice devra donc passer outre le PLU (Plan local d’urbanisme), le Sdrif (Schéma directeur régional) qui sanctuarise les terres agricoles, et faire cela suffisamment rapidement pour stopper à temps le développement du projet d’agro-quartier. Une course contre la montre et contre les collectivités locales en présence.
Est-ce envisageable de faire coexister les deux ? Une prison et un agro-quartier ? “Cela paraît très difficile car chaque projet a besoin de son espace et est très cloisonné. En outre, la perspective d’implantation d’une prison fait fuir les investisseurs. D’ores et déjà, les agents immobiliers nous ont fait part des difficultés qu’ils rencontrent depuis l’annonce du projet de prison. Et plusieurs acquéreurs d’une résidence en Vefa (vente en état de futur achèvement) sur un terrain municipal ont décidé d’attendre de savoir pour signer”, indique le maire de la ville. L’incertitude autour d’un tel projet risque en effet de peser de toutes façons sur le devenir de la commune, qu’il se réalise ou non.
Pour l’heure, la ministre n’a rien laissé paraître de la décision finale, s’engageant simplement à venir sur place, comme elle l’avait déjà proposé.
D’ici à sa venue, l’esquisse du projet sera peut-être davantage détaillée aux intéressés, accompagnée d’une analyse complémentaire. “Pour l’instant, nous n’avons aucun plan, rien. Nous ne savons même pas dans quel axe va se situer le projet, côté Noiseau ou côté La Queue-en-Brie”, indique Jean-Paul Faure-Soulet, le maire LR de La Queue, convié par le préfet du département, et qui pensait que cette rencontre permettrait au moins d’éclaircir ce point. Sa commune, bien que n’accueillant pas directement la prison sur son territoire, pourrait en effet se retrouver la plus proche de sa sortie, la lisière entre les deux villes se situant au niveau du Ruisseau des nageoires, en bordure du site.
La recherche d’un site pour accueillir une prison dans le Val-de-Marne, date d’il y a déjà deux ans, suite au plan de nouvelles places de prison annoncé par Manuel Valls en octobre 2016. A l’époque, plusieurs pistes avaient été étudiées du côté de l’hôpital pénitentiaire de Fresnes, à Vitry-sur-Seine (en place du dépôt pétrolier et aussi du parc à charbon de l’ancienne centrale thermique) et encore au niveau de la VDO (Voie de desserte orientale, cette friche liée au projet de rocade entre A4, RD4 et RD19 qui n’a jamais vu le jour), à la fois du côté de Sucy-en-Brie et de Chennevières-sur-Marne. A Villeneuve-Saint-Georges, la piste Villeneuve Triage avait aussi été évoquée. (voir article sur ce sujet au printemps 2017) Mais aucune ne s’était avérée fructueuse.
* Laurent Cathala, président du territoire Grand Paris Sud Est Avenir, Yvan Femel et Jean-Paul Faure-Soulet, maires LR de Noiseau et de La Queue-en-Brie et Maud Petit, députée Modem de la 4ème circonscription.
A lire aussi :
Les terres agricoles nous nourrissent, grosses cultures ou maraîchage.
L’emplacement laissé par France Télécom est insuffisant pour construire un quartier en béton ou une prison en béton, il faut donc bétonner les terres agricoles.
Le problème c’est qu’ après le béton plus rien ne pousse.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.