Politique locale | | 12/01/2018
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Grand Paris: région et départements lancent l’offensive

Grand Paris: région et départements lancent l’offensive

Un appel aux élus d’Ile-de-France pour une métropole région respectant communes et départements, quelques esquisses d’un modèle de gouvernance, de nouveaux alliés, un grand rassemblement à la Seine musicale le 31 janvier et une campagne de communication. Voilà le plan de bataille

présenté par les présidents des sept Conseils départementaux de la banlieue parisienne ce 11 janvier, alors que les arbitrages du président de la République sont désormais attendus pour la première quinzaine de février, après plusieurs reports.

“J’aime mon département” écrit autour d’un gros coeur rouge. Ce jeudi matin, les patrons des départements arboraient le même badge pour tenir leur seconde conférence de presse commune, aux côtés cette fois de Marie-Carole Ciuntu (LR), vice-présidente du Conseil régional d’Ile-de-France, venue apporter le soutien de la région en place de Valérie Pécresse retenue au salon high-tech de Las Vegas. Présents également, le président du Sénat, Gérard Larger (LR), et le président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau (LR).

Consensus autour d’une métropole-région

Les départements de banlieue et la région partagent une ligne commune : celle d’une métropole qui ne s’arrête pas aux contours de la première couronne parisienne, vue comme un seconde frontière périphérique. “Sinon, il y a un risque de relégation et de fracture sociale des territoires“, insiste Marie-Carole Ciuntu, pour qui le périmètre régional constitue aussi une condition sine qua non de l’attractivité vis-à-vis des autres métropoles mondiales. Président du Sénat, Gérard Larcher, élu dans les Yvelines,  n’a pas dit autre chose, défendant une métropole du Vexin à Provins.

Vers une région-métropole bi-camérale ?

Quel schéma de gouvernance pour cette métropole région ?  Là-dessus, François Durovray, président LR du Conseil départemental de l’Esonne, rappelle que le consensus entre les élus concerne avant tout son périmètre, à savoir celui de la région, mais pose la question de savoir si cette future collectivité doit avoir une ou deux assemblées, avec par exemple une assemblée élue démocratiquement au suffrage universel et une autre assemblée représentant les territoires dans toute leur diversité avec des représentants communaux, municipaux, départementaux. “Nous sommes prêts à discuter des modalités de gouvernance“, insiste le président de l’Essonne, qui espère que les élus qui répondront à l’appel lancé par les départements s’empareront de cette question.

Un appel aux élus d’Ile de-France

Pour donner du poids à leur mobilisation, au-delà des pétitions déjà menées dans certains départements (celle dans le Val-de-Marne a obtenu 35 000 signatures), les présidents des départements, désormais alliés à la région, ont en effet décidé de mobiliser plus largement en lançant un appel à tous les élus d’Ile-de-France. Télécharger l’appel. De quoi pouvoir se compter d’ici quelques jours. D’ores et déjà, un certain nombre d’élus ont commencé à le signer, voir article précédent sur les positions des élus en Val-de-Marne. Alors que les maires ne se sont pour l’instant massivement positionnés dans le débat, leur ralliement ou non à cet appel pourrait peser dans la balance. Le bilan de cette mobilisation sera fait à l’occasion d’un grand rassemblement à la Seine musicale de Paris, le 31 janvier.

Le  triple étage municipal en ligne de mire

A l’attention des maires, Patrick Devdjian, président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, n’hésite pas à glisser que le triple échelon municipal actuel de la métropole a de toutes les façons ses jours comptés. “Lorsque j’ai fait remarquer au président de la République que remplacer les 138 élus au suffrage par 1263 délégués des communes, revenait, au nom de la simplification, à créer trois étages municipaux (commune, intercommunalité, métropole) tous trois formés des mêmes élus, ne constituait guère un progrès démocratique, le président -et cette position m’a été depuis confirmée par des préfets- m’a assuré que l’élection de la métropole et des  intercommunalités s’effectueraient au suffrage universel. Aux maires d’en tirer les conséquences…“, pointe l’élu, ajoutant qu’il s’agit du seul moyen de légitimer une telle réforme, car on ne  peut remplacer l’expression au suffrage universel par une kyrielle de “gens nommés“. “Le Conseil constitutionnel ne le laisserait pas passer au nom du principe de la décentralisation et du non-cumul des mandats”, prévient le patron des Hauts-de-Seine.

Quel schéma pour quelle efficacité ?

Sur le fond, les élus argumentent sur l’efficacité. Quelles propositions pour quels objectifs ? “Je crois en l’idée du Grand Paris, mais c’est d’abord un outil de développement qui doit être en faveur de l’égalité territoriale et surtout pas un outil technocratique conçu par quelques élus qui se passionnent pour le mécano institutionnel!“, pose Stéphane Troussel, président PS du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis. “Je veux que l’on réponde à une question simple. Est-ce qu’après cette énième big-bang territorial, les habitants de Sevran, Montfermeil et Clichy-sous-Bois, paieront autant d’impôts locaux que les habitants du centre de Paris, ou continueront-ils à payer trois plus de taxe d’habitation et de taxe sur le foncier bâti ?“défie l’élu, enjoignant à travailler sur le Grand Paris des projets concrets. Et l’élu ce citer les transports, l’une des priorités pour faire métropole, regrettant le retard possiblement annoncé du Grand Paris Express. “Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans les départements qui nécessiterait qu’on les supprime ? C’est la question de fond“, demande également Christian Favier, président PCF du Conseil départemental du Val-de-Marne. “Quel serait l’avantage à faire éclater les structures aujourd’hui organisées pour la protection de l’enfance sur onze territoires ? Nos interlocuteurs sont les trois tribunaux de Bobigny, Créteil, Nanterre. Le gouvernement prévoit-il de créer onze tribunaux ? On va vers une complexité qui  fragilisera une politique dont aucun territoire ne réclame pourtant la compétence. Pourquoi vouloir désorganiser cette politique?“demande encore l’élu.

Faire le poids vis-à-vis de Paris

L’autre question de fond, cruciale, est celle du rapport à la ville de Paris. Le statut spécial de Paris, épargné en 2016 par le découpage en plusieurs territoires, épargné par la suppression des départements puisque le 75 va fusionner avec la ville, et systématiquement sanctuarisé quand la banlieue se fait découper à l’envi, constitue en effet un irritant important, vu de l’autre côté du périph. “Pour les trois départements de la petite couronne, qui ont chacun environ 1,5 millions d’habitants, il est prévu que leurs compétences soient transférées à trois ou quatre établissements publics territoriaux (EPT) par département, soit onze structures! Mais à Paris, qui compte 2,2 millions d’habitants, il n’y aura qu’un seul EPT qui regroupera les compétences du territoire et du département. Ceci est destiné à assurer la prééminence de Paris sur l’ensemble régional dont l’organisation est volontairement émiettée. On fait exploser l’organisation actuelle et en même temps on conforte Paris“, dénonce Patrick Devedjian ajoutant que “Paris est historiquement la seule ville de France qui ne se soit jamais lancée dans une intercommunalité” mais ait organisé son territoire en s’entourant à l’intérieur du périphérique. “C’est une politique délibérée de Paris de ne pas faire métropole. C’est la politique de  Napoléon III, lorsque la banlieue était le dépotoir de Paris!“, fustige l’élu. Pour François Durovray,  il y a effectivement le risque d’aggraver la “situation déséquilibrée entre Paris et sa banlieue, avec des territoires beaucoup plus faibles institutionnellement et financièrement que Paris.” Et l’élu de citer l’annonce d’Anne Hidalgo, maire PS de Paris, lors de se voeux 2018, concernant la gratuité des transports pour les plus de 65 ans gagnant moins de 2200 euros par mois.  “Ces disparités seraient multipliées par 5 ou 10“, prévient l’élu tandis que Christian Favier cite justement comme exemple de politique départementale la mise en oeuvre depuis janvier 2018 du passe Navigo à moitié prix pour les retraités imposables, et sa quasi-gratuité déjà acquise pour les non-imposables. “Récemment, nous avons du déménager 650 collégiens en quelques semaines suite à une pollution dans un établissement de Vincennes, et nous allons devoir construire un collège provisoire d’ici à la rentrée de septembre 2018.  Quel niveau de collectivité serai capable de faire cela aujourd’hui ? et nous pourrions multiplier les exemples de ce type”, ajoute le président du Val-de-Marne. “Tous les départements d’Ile-de-France ont la chance de faire presque la même taille. Nous allions la proximité et la puissance. Appuyons-nous sur ce qui fonctionne !“, enjoint pour sa part Pierre Bédier, président LR du Conseil départemental des Yvelines.

A lire aussi : Les scénarios départementaux de la Cour des comptes

Crainte d’une re-centralisation aux dépens des territoires, des citoyens

Quel rôle doit jouer l’Etat dans la métropole parisienne ? Sur cette question, les élus dénoncent une re-centralisation qui ne dit pas son nom. “Sur la forme, il y a un un mépris complet des élus locaux que nous sommes alors que nous représentons nos populations, que nous avons été élus au suffrage universel. Ce qui se passe actuellement est en fait une re-centralisation déguisée, met en garde Jean-Jacques Barbaux, président du Conseil départemental de Seine-et-Marne, qui alerte sur la nécessité d’adapter l’organisation de l’Etat en même temps que celle des collectivités.  La Seine-et-Marne est un cas d’école. Pour notre département, la loi Maptam ne s’est pas passée sous péridurale! On nous a piqué 20 communes qui sont parties dans le Val d’Oise à Roissy et 9 communes côté Sénart qui sont parties dans l’Essonne. Le problème est que cela ne marche pas car on n’a pas réformé l’administration d’Etat ! Comment vont évoluer les préfectures et sous-préfectures? “, questionne l’élu. “En attendant, que constatent les habitants sur le terrain? Que l’on supprime des gendarmeries, des perceptions, et que l’on éloigne l’administré des services qu’il attend. Ce n’est pas cela la nouvelle France.”

“Je crois vraiment que la re-centralisation est en marche”, insiste également Gérard Larcher, citant l’exemple de la formation professionnelle et de la contractualisation entre l’Etat et les grandes collectivités pour que ces dernières puissent bénéficier de leur complète dotation globale de fonctionnement (DGF) de la part de  l’Etat. “Nous apprenons entre Noël et jour de l’an que l’essentiel de l’apprentissage et demain de la formation professionnelle va être confiée aux branches professionnelles. N’était-ce pas un sujet dont nous aurions dû débattre à Cahors, en Conseil national des territoires ?”, questionne le patron du Sénat, également très critique concernant la contractualisation. “Chacun ici sait aujourd’hui l’incapacité d’analyse des services financiers de l’Etat sur le territoire. Et voilà que l’on va leur soumettre un certain nombre d’avis contractuels qu’ils seront dans l’incapacité d’analyser, alors qu’ils ne sont pas capables d’expliquer pourquoi la DGF de Noisy-le-Roi et celle de Bailly (ndlr, deux communes des Yvelines) sont complètement différentes!” tance le parlementaire, qui voit là un problème général de méthode.

Concernant la méthode, Pierre Bédier, appelle à l’évolution plus qu’à la révolution et défend les outils existants de coopération entre les collectivités et avec l’Etat. “La contractualisation entre collectivités est ancienne est fonctionne très bien”, insiste le patron des Yvelines. Concernant les compétences décentralisées, l’élu suggère que l’université comme les routes nationales pourraient relever de la compétence régionale-métropolitaine, et non de l’Etat, puisque les collectivités sont déjà sollicitées pour les financer…  

Questions de forme: les maladresses de la concertation de couloir

“Le mépris des élus locaux” Dans la bouche des présidents de département, le mot revient souvent. Au-delà des questions de fond éminemment complexes dans ce territoire de 12 millions d’habitants, la forme qu’a pris le débat, non posé officiellement,  froisse particulièrement les élus. C’est aussi ce qu’a rappelé Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France, en préambule, déplorant les informations via les bruits de couloirs parisiens et une méthode de concertation qui ne respecte pas les premiers concernés. “L’ADF est solidaire de l’Ile-de-France et le sera de la même façon si l’on cherche à rapprocher de la même manière des départements comme la Creuse et la Corrèze demain”, a prévenu le président de l’ADF.

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