Coïncidence. Aors que les sept présidents des Conseils départementaux de banlieue parisienne lançaient ce jeudi matin un appel pour une métropole-région respectant les communes et les départements, la Chambre régionale de la Cour des comptes a publié ce même jour son référé sur l’organisation territoriale en Ile-de-France, qui envisage trois scénarios pour réduire les inégalités territoriales, dont deux s’appuient sur les périmètres départementaux.
La Chambre régionale de la Cour des comptes dresse tout d’abord le constat d’un nombre peu important de fusions de communes au sein de l’Ile-de-France, et d’intercommunalités à géométrie très variables, entre les petites communautés de communes de quelques dizaines de milliers d’habitants et les communautés urbaines de quelques centaines de milliers d’habitants en grande couronne, ou entre la ville-territoire de Paris de 2,2 millions d’habitants et les 11 territoires périphériques d’une moyenne de 430 000 habitants en petite couronne. La Chambre dresse par ailleurs un bilan assez sévère de la jeune Métropole du Grand Paris MGP) et de ses territoires, à peine éclos, considérant que la MGP “organise et finance peu de services publics locaux” et que “ses compétences relèvent essentiellement de la planification et du soutien à l’investissement de ses membres par le biais d’une dotation de soutien à l’investissement territorial”. En bref, un rôle de guichet. Surtout, la Chambre déplore dans le double échelon communal de la Métropole et de ses territoires “un dispositif peu lisible pour les administrés” et relève que “en définitive, la mise en place de la métropole du Grand Paris a conduit à créer deux niveaux d’administration supplémentaires sans aucune réorganisation des échelons existants.” A côté des collectivités territoriales, la Chambre estime que les syndicats intercommunaux (environ 770 en Ile-de-France) sont trops nombreux et pourraient être “supprimés, regroupés ou transformés sans préjudice pour les usagers”.
Au-delà de la question organisationnelle, la Chambre régionale de la Cour des comptes alerte sur l’état des inégalités territoriales franciliennes, citant par exemple les écarts dans le potentiel financier par habitant des communes, allant de 407 € à 22 013 €, ou de taux d’impôts locaux, de 5,99 % à 34,94 % pour la taxe d’habitation et de 4,64 % à 33,15 % pour la taxe foncière. “Si seulement 6 % de la population des Hauts-de-Seine vit dans un quartier de la politique de la ville, c’est le cas de 39 % des habitants de la Seine-Saint-Denis”, note la CRC IDF, qui pointe aussi un prix de l’eau facturé aux usagers qui peut “varier de près de 16 % sur le territoire“. Pour la CRC IDF, la MGP et ses territoires “ne permet pas de corriger les écarts de potentiel financier” et même, “le schéma de financement de la métropole et de ses établissements publics territoriaux mis en place par la loi pérennise ces inégalités.”
Supprimer les territoires au profit de départements-territoires
Dans ce contexte, la Chambre régionale envisage trois scénarios d’organisation territoriale susceptibles de réduire les inégalités, et émet sept recommandations. Le premier scénario, sur lequel la CRC ne s’étend pas, est celui d’une “communauté urbaine dotée également des compétences des départements“. La CRC détaille en revanche deux scénarios qui s’appuieraient chacun sur les périmètres des départements existants, dans des modalités différentes. Dans le premier cas, il s’agirait de répliquer le nouveau statut de Paris, à la fois ville, département et territoire, au niveau des départements de petite couronne existants, les départements étant susceptibles de se mesurer à Paris en termes de population puisqu’ils font tous les 3 entre 1,3 million et 1,6 million d’habitants. Dans ce premier cas de figure, les villes deviendraient des arrondissements… Dans le second scénario, qui devrait limiter le nombre de crises cardiaques de maires à la lecture, il s’agirait aussi de créer des collectivités “à statut particulier” sur le périmètre des départements, avec les compétences des départements et des territoires. Dans le premier scénario, dans lequel les communes cessent d’exister en tant que collectivités, les ressources fiscales seraient entièrement mutualisées et les taux d’imposition homogénéisés. Pour étayer sa proposition de premier scénario, la Cour des comptes joint un tableau simulant la situation financière comparée de Paris et des trois départements de petite couronne, en cumulant les budgets des départements, des communes, des territoires (Etablissements publics territoriaux), des caisses des écoles et encore des Centre communaux d’action sociale (CCAS). Il en ressort ainsi un budget global de 7,3 milliards d’euros pour Paris, 5,3 milliards d’euros pour les Hauts-de-Seine, 5,3 milliards d’euros pour la Seine-Saint-Denis et 4,2 milliards d’euros pour le Val-de-Marne, représentant à chaque fois entre 3000 et 3400 euros par habitant. Dans les deux scénarios explorés par la Cour des comptes, les territoires seraient supprimés. Et dans le premier, les communes seraient réduites au statut d’arrondissement.
Pas question de supprimer les communes, répond le Premier ministre
Dans son courrier de réponse du 2 janvier 2018 à la CRC, le Premier ministre, Edouard Philippe, fait état d’une “large consultation” conduite par le gouvernement et d’hypothèses “en cours d’analyse“. Le chef du gouvernement indique toutefois que “la disparition totale des communes de petite couronne n’est pas à l’étude.”
Des fusions de villes en grande couronne
En grande couronne, la CRC préconise des fusions de communes sur le périmètre de communautés de communes existantes. “De la même façon, sur le modèle du statut de la métropole de Lyon, une fusion des départements de la grande couronne avec les grandes intercommunalités pourrait être envisagée après que leurs compétences auront été homogénéisées”, suggère la Chambre.
Sept recommandations
Au-delà de ces scénarios métropolitains, la CRC IDF émet 7 recommandations visant à “diminuer le nombre de niveaux de collectivités en priorité en petite couronne”, réexaminer la situation des syndicats intercommunaux, limiter la diversité des statuts d’établissements publics (entre celui de la MGP, des territoires, des communautés de communes…), regrouper des communes, réexaminer les compétences respectives des régions et départements et “inciter financièrement à la mise en place de services mutualisés entre les collectivités et leurs groupements.”
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.