La décision de transférer immédiatement le geste chirurgical de la greffe hépatique de Henri Mondor à Paul Brousse dès ce vendredi 1er juin fait suite à un coup de théâtre intervenu le weekend dernier, alors que le projet voulu par l’AP-HP était jusqu’alors conditionné aux avancées d’un groupe de travail qui n’avait pas trouvé d’accord. Comment la situation s’est-elle retournée et peut-elle à nouveau évoluer ?
A première vue, c’est à n’y rien comprendre. Alors que la coordination Mondor et les représentants de son corps médical luttent depuis des mois contre le transfert de la greffe hépatique, l’un des pivots du positionnement de greffe multi-organes de l’hôpital, et parmi les composantes stratégiques du CHU en termes de recherche, c’est de l’hôpital Mondor qu’est partie le weekend dernier la demande de transférer l’acte chirurgical à Brousse!
Pour comprendre le contexte, il faut revenir à l’origine de la remise en question de la greffe à Mondor : une querelle de mandarins qui a affaibli l’équipe. Pour remédier à ce problème par les ressources humaines plutôt qu’en supprimant le service, une procédure de recrutement a toutefois été initiée et validée, qui est même sur le point d’aboutir. Un chirurgien expérimenté issu d’un autre CHU est déjà venu en renfort et avait commencé à venir greffer. Les conflits humains n’ont toutefois pas été complètement réglés et ont même atteint un niveau paroxystique en mai, avec des refus de poursuivre les greffes de la part de professeurs mécontents. C’est dans ce contexte que samedi dernier, le professeur qui assume la charge du service a envoyé un mail à la direction de l’hôpital pour l’informer de la situation et lui demander de préciser son cadre de travail. En guise de réponse, la direction a contacté l’équipe de Brousse pour lui demander de reprendre les greffes Mondor et convoqué une réunion le lundi. “On m’a appelé samedi soir et nous nous sommes rendus à une réunion interne dès lundi dernier”, indique le professeur Didier Samuel, doyen de la fac de médecine Paris Sud et chef de pôle. “Nous avons mis en place une procédure d’urgence et déjà transféré un patient à Paul Brousse. Nous allons en rencontrer une dizaine d’autres ce lundi pour les intégrer dans notre file d’attente. Il y a eu une très bonne coopération entre les équipes avec une volonté commune de faire en sorte que les patients ne pâtissent pas de la situation”, poursuit le professeur.
Au-delà de cet épisode de crise qui a réuni tout le monde autour de la table, se pose désormais la question du long terme. C’est là que les avis divergent. Car la vision stratégique de l’avenir des différents hôpitaux de l’AP-HP n’est pas partagée. Pour la direction de l’AP-HP, qui défend ouvertement depuis bientôt un an qu’elle souhaite réduire le nombre de ces centres de transplantation hépatique adulte de 4 à 3, en créant une fédération Brousse-Mondor dans laquelle l’acte chirurgical serait conduit à Brousse, la demande d’urgence de Mondor a été interprétée comme un feu vert définitif. Et dans son courriel aux élus, Martin Hirsch, le directeur de l’AP-HP, a présenté la situation comme l’aboutissement d’un processus de concertation. Une vision qui n’est pas partagée par la Coordination Mondor, pour qui la situation ne doit être que transitoire et n’est pas viable à terme en termes d’organisation, comme cela a été développé dans les notes de l’équipe médicale Mondor dans le cadre du groupe de travail qui avait été mis en place. “Il est tout simplement illégal de supprimer le centre de transplantation hépatique de Mondor alors que le Projet régional de Santé officiellement en cours en ce moment prévoit quatre centres”, rappelle par ailleurs Fabien Cohen, porte-parole de la coordination. Au-delà, ce dernier met en garde contre ce qu’il considère comme un nouveau coup de boutoir de la direction de l’AP-HP pour déstabiliser le CHU Henri Mondor, après avoir voulu en supprimer la chirurgie cardiaque il y a quelques années. “La volonté de l’AP-HP est de transformer Mondor en hôpital gériatrique et de recentrer l’excellence dans Paris intramuros“, craint le porte-parole qui défend “l’excellence” généraliste de Mondor et sa situation géographique qui lui permet de répondre aux besoins de patients du Val-de-Marne mais aussi de Seine-et-Marne et de l’Essonne alors que la désertification médicale continue de progresser.
Du côté de l’hôpital Paul Brousse, Didier Samuel défend le schéma d’une fédération incluant les deux services Mondor et Bicêtre avec transfert du geste de transplantation à Brousse, comme cela est en train de se mettre en place de manière effective ces jours-ci. “Nous allons discuter la semaine prochaine de l’organisation sur le moyen et le long terme. Mondor est un très grand hôpital et nous sommes un gros centre mono-thématique autour des maladies du foie. Il y a a des complémentarités et des intelligences des deux côtés et travailler ensemble à des propositions sur le plan hospitalo-universitaire me convient tout à fait”, indique le professeur, qui maintient en revanche son souhait que le geste de la transplantation soit effectué sur le site Paul Brousse. “Depuis le coup de tonnerre de la semaine dernière, j’ai senti une volonté positive des équipes pour arriver à quelque chose de constructif“, observe, confiant, le doyen de Paris Sud.
Les élus poursuivent leur mobilisation
Du côté des élus, la mobilisation se poursuit. Dans un courrier commun, tous les députés LREM, la députée Modem et la députée LFI du Val-de-Marne ont interpellé la ministre de la Santé Agnès Buzyn pour lui rappeler l’engagement qu’elle avait pris lors de sa visite à l’hôpital le 18 mai dernier, de recréer un groupe de travail avec tous les acteurs concernés avant de décider, et demandent qu’une réunion se tienne rapidement au ministère “avec pour objectif une véritable discussion entre les responsables médicaux et universitaires, la Coordination de défense de Mondor, les élus ainsi que le Directeur de l’ARS IdF autour de la réorganisation de ces services hospitaliers“. Le président PCF du Conseil départemental, Christian Favier, a également réagi immédiatement auprès de Martin Hirsch en demandant à celui-ci d’organiser le groupe de travail. Plusieurs communes ont voté des voeux contre la suppression de la greffe hépatique à Mondor et Laurent Cathala, maire PS de Créteil et président du Conseil de surveillance d’Henri Mondor, dénonce dans un communiqué “une situation inacceptable” et considère que la situation était biaisée dès le départ puisque “l’AP-HP avait décidé de supprimer” le service de transplantation de Mondor dès l’origine de la discussion. L’élu revient sur la “déstabilisation du service de chirurgie hépatique” qu’il considère comme une “conséquence directe, d’une part de l’ incapacité dont a fait preuve la direction générale de l’AP-HP de mettre un terme à une situation conflictuelle au sein du corps médical du dit service et, d’autre part, de son refus de valider le remplacement d’ un chirurgien partant.”
Les sénateurs se sont aussi associés à cette démarche des députés .Ce serait bien d’en faire état car nous aussi nous défendons notre territoire du Val-de-Marne contre les attaques répétées qui visent à déstabiliser l’hôpital Henri-Mondor
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.