Entreprendre | | 14/02/2018
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Industrie cherche millions de m2 en Ile-de-France

Industrie cherche millions de m2 en Ile-de-France

1,5 millions de m2 ou 1,9 millions de m2 supplémentaires par an d’ici à 2030. Voilà les besoins évalués par la CCI d’Ile-de-France pour permettre aux activités industrielles déjà présentes de continuer à se développer. Des milliers d’emplois sont en jeu.

La Chambre de commerce et d’industrie du Val-de-Marne, qui tenait hier son assemblée générale avec une nouvelle formule composée de tables rondes pour présenter son activité à l’ensemble des acteurs économiques, a commencé sa matinale par ce constat stratégique qui s’appuie sur une étude menée par la Commission du développement économique régional (CDER) de la CCI. La Chambre y fait le double constat de besoins croissants mais d’un foncier industriel disponible qui s’amenuise au fil des pressions foncières. “Au cours des 30 dernières années, les surfaces de foncier productif ont augmenté de 207 ha/an en Ile-de-France, uniquement en grande couronne. La petite couronne a perdu 30ha/an de foncier productif entre 2003 et 2012“, pointe l’étude. En outre, le foncier francilien disponible souffre d’obsolescence avec des zac vieillissantes et des locaux qui ne sont pas adaptés aux nouvelles formes d’activité. Seuls 5% des locaux disponibles dans la région sont neufs. Pour le rapporteur de l’étude, Jean-Michel Tasse, patron de l’équipementier industriel Festo basé à Bry-sur-Marne et vice-président de la CCI 94, c’est maintenant qu’il faut réagir alors que le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) de la Métropole du Grand Paris, l’un des documents réglementaires d’aménagement, doit être élaboré en 2018-2019.

Alors qu’un effort stratégique a été impulsé par les pouvoirs publics pour développer le logement, l’étude préconise de faire de même pour préserver le développement industriel et fait douze propositions concrètes pour changer la donne, pour donner sa place à l’industrie dans la métropole. “L’important était d’abord de dresser le constat. Avoir chiffré les besoins constitue déjà une prise de position. Désormais, nous allons pouvoir discuter avec chaque partie prenante”, indique Jean-Michel Tasse, du ministère pour certaines questions de normes, aux territoires pour les projets et partenariats concrets.

Proximité des transports, des lieux de vie

Il s’agit aussi de s’inviter dans les projets d’aménagement qui se multiplient à proximité des futures gares du Grand Paris Express où la pression foncière est  particulièrement forte. Alors que les projets de logements, commerces et bureaux se positionnent naturellement près des futures gares, les activités industrielles ont aussi besoin de se connecter aux réseaux de transports, condition sine qua non pour attirer et garder ses ressources humaines et l’ensemble de ses partenaires, des clients aux fournisseurs. “L’accès au personnel qualifié représente un enjeu croissant. Le besoin en qualifications de plus en plus élevées des entreprises industrielles pousse une partie d’entre elles à s’installer davantage en zone urbaine et à proximité des infrastructures de transport. Pour fidéliser le personnel recruté et déjà formé, les entreprises recherchent en priorité une implantation à proximité (5-10km) de leur ancien site“, pointe l’étude qui cite notamment le cas de l’ entreprise de robotique Balyo (systèmes pour l’automatisation des chariots élévateurs) qui a déménagé de Lieusaint en Seine-et-Marne, à Ivry-sur-Seine, à proximité de Paris, “pour se rapprocher de son éco-système (recrutement d’ingénieurs de haut-niveau, visibilité pour les investisseurs dans le cadre de son introduction en Bourse…).” La densification de l’habitat et le développement des livraisons à domicile créée aussi des nouveaux besoins en matière d’activité. “Il faut gérer la logistique du dernier kilomètre et il y a un besoin de parkings  pour garer les petits camions à proximité”, pointe Jean-Michel Tasse qui suggère notamment d’explorer les possibilités des sous-sols qui ne sont plus utilisés, jusqu’aux champignonnières par exemple. De même, les activités de BTP ne peuvent être situées aux antipodes des habitations et immeubles qu’elles entretiennent, sauf à rallonger à l’infini les temps de parcours, ce qui ne sera ni bon pour la planète, ni pour le porte-monnaie. Pour les PME du BTP, rester en zone résidentielle devient pourtant une gageure. “Cela fait trois ans que nous cherchons à déménager pour acheter nos propres locaux au lieu d’être locataires et pour nous agrandir en passant de 100 à près de 200 m2, mais nous ne trouvons rien autour de nous, témoigne Michelle Ducrest, membre du bureau de la CCI et co-dirigeante d’une PME du BTP à Saint-Maur-des-Fossés, où elle habite. Nous trouvons soit des locaux très chers, soit de trop grandes surfaces comme dans la zone d’activité de Bonneuil-sur-Marne, soit des lieux mal desservis comme la zone d’activité en pleine décrépitude de Chennevières-sur-Marne”, résume la cheffe d’entreprise.

Un enjeu en termes d’emplois

Au-delà des besoins de proximité, conserver et développer les emplois dans l’activité productive constitue aussi un enjeu non négligeable en termes d’emplois pour la région. Si l’heure n’est plus aux usines à haute cheminée aux portes de Paris, l’activité industrielle et d’innovation francilienne représente en effet encore près de 440 000 emplois, soit plus de 10 % des emplois de la région (chiffres 2017 de la préfecture Ile-de-France) et 14% des emplois industriels du pays.  Ci-dessous le détail des emplois industriels par département, au 31 décembre 2014.

 

“Les espaces d’activité existants ne doivent pas être considérés comme du foncier disponible”

Dans son étude prospective, la CCI a imaginé deux scénarios, celui d’une évolution assez linéaire “au fil de l’eau” et celui d’une évolution plus dynamique “métamorphose”, qui tienne compte des changements de comportement (télétravail, optimisation des espaces, mais aussi développement plus important de l’activité).  Dans le premier scénario, le besoin de m2 supplémentaires est évalué à 1,5 millions de m2/an, dont 2/3 dans des locaux neufs. Dans le second, il varie de 1 million à 1,9 million de m2/ an selon l’hypothèse basse ou haute.  Surtout, pointe l’étude,  la part la plus importante des besoins en immobilier est liée au renouvellement du bâti et au besoin des entreprises de rester implantées à proximité de leur localisation actuelle.“Les espaces d’activité existants en zone urbaine ne doivent pas être considérés comme du foncier disponible pour d’autres usages. Les entreprises de l’industrie, de la logistique et du BTP ont un besoin durable de ce foncier“, insiste la Chambre.

12 recommandations pour conserver l’activité industrielle d’Ile-de-France

Le constat des besoins étant établi, l’étude préconise 12 pistes pour faire sa juste place à l’industrie :

1° Intégrer les données concernant l’activité productive dans les SCOT, avec des objectifs comme il y a en déjà en matière de logements. L’objectif de 70 000 logements nouveaux par an est effet décliné dans les documents d’aménagement à toutes les échelles, de la région aux villes.

2°Travailler à l’échelle des 24 bassins d’emploi franciliens

3° Sanctuariser et rénover les zones d’activité industrielle, en particulier en zone dense.

4°Travailler à l‘intégration de l’activité productive avec l’habitat. “L’aménagement des zones d’activité, avec notamment le positionnement des immeubles de bureau en tampon entre activités et habitat, peut contribuer à une meilleure acceptation des activités productives“, suggère l’étude.

Inciter les promoteurs à intégrer l’activité productive et soutenir les innovations en ce sens.

6°Étendre à l’activité  le dispositif expérimental du « permis de faire ». Ce dispositif permet aux constructeurs de déroger, à titre expérimental, à certaines normes. “A l’heure actuelle, cela s’applique au logement social et dans le cadre de projets portés par Grand Paris Aménagement. L’expérimentation doit être étendue à l’immobilier d’activité en Ile-de-France en raison des contraintes foncières spécifiques liées à la région-capitale.”

7°Etendre aux locaux d’activités l’abattement prévu sur les plus-values liées à la vente de terrain privé pour du logement, afin d’éviter un tarissement des ventes de terrains destinés à l’activité.

8° Expérimenter le bail collectif pour faciliter la mutualisation des PMI. “La montée en gamme de l’industrie et l’optimisation de l’espace implique un besoin accru de partage des outils les plus coûteux mais qui ne sont pas utilisés en continu”, pointe l’étude.

9° Créer un intéressement pour les collectivités qui accueillent de l’activité.

10° Mobiliser davantage les aides européennes au service des entreprises qui dépolluent le sol où elles s’implantent au-delà des normes minimales pour leur activité. ” La dépollution coûte cher, mais elle peut être réalisée a-minima si elle précède l’implantation d’autres activités, contrairement à la création de logements. Les entreprises qui effectuent une dépollution plus profonde et durable doivent être soutenues.

11° Impliquer les PME des opérations d’aménagement situées sur leur territoire, dès la phase amont.

12°Etudier le besoin et les possibilités de mise en place d’une bourse des locaux en ligne à l’échelle régionale. “Il n’existe pas de dispositif public ou privé centralisant l’ensemble de l’offre en locaux d’activités en Ile-de-France, alors même que cela simplifierait les recherches sur un marché déjà en pénurie. Des initiatives locales (Chambres de métiers et de l’artisanat, EPCI…) existent qui pourraient constituer la base d’un dispositif plus global“, suggère l’étude.

Télécharger l’étude intégrale

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