Depuis un peu plus d’un an maintenant, femmes isolées, familles et couples de réfugiés sont accueillis dans le centre d’hébergement d’urgence d’Ivry-sur-Seine. 2000 personnes ont déjà été accueillies.
Au-delà du traitement de leurs démarches administratives, ils bénéficient d’un suivi médical et socio-éducatif durant leur séjour n’excédant pas deux mois, avant d’être orientés vers les structures correspondant à leur statut juridique.
Jour de fête pour les enfants du centre qui courent partout dans la cour de récréation de leur école. Avant les vacances, les enseignants leur ont réservé une surprise en suspendant des piñatas, ces structures en papier mâché qu’il faut fendre pour libérer des bonbons. L’enthousiasme des plus jeunes tranche avec l’état d’esprit des adultes aux visages soucieux. “Pendant leur exil, ils étaient en mode survie, concentrés sur la satisfaction de leurs besoins primaires : trouver de quoi se nourrir, un endroit pour dormir. Nous souhaitions offrir à ces personnes vulnérables un accueil digne et humain”, explique Delphine Jardin, directrice territoriale 91-94 d’Emmaüs Solidarité. “Ce centre est unique en son genre. Les réfugiés y restent entre 6 semaines et 2 mois.”
Sortie de terre en seulement trois mois, cete petite cité sur pilotis entièrement démontable est venue se poser sur les bassins filtrants de l’ancienne usine des Eaux de Paris, au sud du quartier d’Ivry-port. L’Atelier Rita architectes a d’ailleurs été récompensé du prix de la Première Œuvre il y a tout juste un mois pour la conception du site. Six unités de vie de 67 personnes découpées en chambres privatives sont disposées le long d’allées. A l’entrée de chaque bloc d’habitation, se situe le petit bureau d’un auxiliaire socio-éducatif présent toute la journée et gérant les demandes des hébergés. Le centre dispose également de sanitaires collectifs (pour 8 personnes) ou encore des laveries. Les allées débouchent sur un mail où se situent des yourtes abritant des salles à manger collectives faisant également office de salles polyvalentes. Enfin, des bâtiments en préfabriqué abritent le pôle santé, le pôle social ainsi que l’école du centre d’hébergement.
Une école pilote
La présence de ces trois structures fait figure d’exception dans les centres d’hébergement d’urgence accueillant des réfugiés. Tout d’abord, la petite école a vu le jour grâce à un partenariat avec les rectorats de Paris et de Créteil ayant mis à disposition des enseignants volontaires. Elle accueille aujourd’hui 120 élèves. “A l’instar de leurs parents, les enfants ne restent pas plus de deux mois ici, il faut donc aller à l’essentiel à travers des micro-programmes pour qu’ils puissent se débrouiller rapidement. La communication n’est pas toujours évidente. Nous faisons la classe en Français mais parfois, il peut nous arriver de glisser un mot en Anglais puis ils font des chaînes de traduction. Un élève un peu habitué traduit ce que j’ai dit à ses jeunes compatriotes. Nous avons divisé les groupes d’âges en trois et nous faisons également la distinction entre les enfants n’ayant jamais été scolarisés, lesquels bénéficient de cours comme au CP, et les autres, au niveau un peu plus avancé”, décrit un professeur.
Art et culture pour mieux échanger
Les journées des personnes hébergées au centre sont rythmées par des sorties et activités culturelles animées par les dizaines de bénévoles investis au côtés des 80 salariés d’Emmaüs Solidarité, chargé de la gestion du site. “Il est primordial de proposer ces activités qui permettent de retrouver des repères, reprendre confiance et se familiariser avec la culture française. Ils sont très réceptifs aux propositions artistiques notamment pour la peinture. Les visites du Louvre provoquent à chaque fois beaucoup d’enthousiasme. Nous avons des partenariats avec le MacVal, la Philharmonie, le musée de l’Immigration. Plus récemment, des jeunes filles ont assisté à une représentation de danse contemporaine au théâtre de Choisy-le-Roi et s’en sont inspirées pour créer leur propre chorégraphie. Nous proposons également des actions où ce-sont les réfugiés qui font découvrir leur culture. Des jeunes Afghans champions de cricket qui ont fait une démonstration devant des Parisiens et nous avons organisé une journée thématique sur les apports de l’étranger dans notre alimentation”, explique Gabrielle de Preval, coordinatrice socio-culturelle. Les yourtes du centre accueillent également des ateliers de langue pour les adultes ou des activités manuelles, en dehors des repas. Ces salles équipées en Wifi sont également le lieu privilégié des conversations en ligne avec des membres de la famille.
Bilan médical pour 71% des hébergés
De son côté, le Samu social gère un pôle santé particulièrement mis à contribution du fait de la durée de séjour des réfugiés. Depuis son ouverture, 1420 personnes ont bénéficié d’un bilan médical soit 71% des réfugiés accueillis. A titre de comparaison, les personnes accueillies au centre de La Chapelle et qui ne restaient en moyenne qu’une semaine, n’étaient que 40% à solliciter un tel bilan. “Il n’y a pas beaucoup de pathologies chroniques, nous retrouvons beaucoup de problèmes de santé physiques ou mentaux liés à des traumatismes sur le parcours. Les psychotraumas se soigent sur le long terme mais avec le temps qui nous est imparti nous pouvons recueillir les témoignages des patients et transmettre ses informations aux structures qui vont les recevoir en aval, ainsi qu’aux Préfectures et à l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (Ofii) en cas de prise en charge sanitaire”, décrit Laure Guennau, responsable de la mission Migrants au Samu social de Paris. Le pôle santé a notamment permis à des femmes hébergées dans le centre de mettre au monde 50 enfants. Les équipes médicales et travailleurs sociaux animent des ateliers autour des questions de contraception, parentalité et violences conjugales.
Toutes les semaines, les différents acteurs intervenants dans le centre se retrouvent pour assurer le suivi de la situation des hébergés et un comité de pilotage se tient régulièrement avec la Préfecture, la commune d’Ivry et l’ARS (Agence régionale de santé). Une fois les démarches administratives des réfugiés terminées, ils doivent ensuite quitter le centre d’hébergement d’urgence pour des structures accueillant les demandeurs d’asile telles que les Cada, mais peuvent aussi se retrouver en centre de rétention administrative s’ils sont déboutés.
Emmaüs souhaite créer 200 places supplémentaires
Devant le succès de cette structure et les besoins d’hébergement toujours importants, Emmaüs Solidarité qui bénéficie encore de 4 ans de bail, souhaiterait mener un projet d’extension de 200 places supplémentaires. Mais pour son directeur général, Bruno Morel, il est encore trop tôt et le contexte s’y prête difficilement. « Nous offrons ici un accompagnement global avec prise en charge socio-éducative et sanitaire pour permettre à ces personnes, après un long voyage traumatisant, de se ressourcer et d’entamer leur reconstruction. Malheureusement, nous craignons que le gouvernement ne plafonne les budgets dédiés aux centres d’hébergement pour se limiter exclusivement au financement de bases hôtelières avec des pôles d’accès au droit ».
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