La saisie de 10 kg d’héroïne brune opérée le dimanche 25 novembre dernier dans le quartier du Bois l’Abbé de Champigny-sur-Marne relève tout simplement du jamais vu en Val-de-Marne. Un très beau coup pour la police et un douloureux coût pour les trafiquants, de nature à ébranler le modèle économique de ce réseau de grossistes. Retour sur ce coup d’éclat, ce qu’il révèle, et les problématiques qu’il pose.
La saisie record d’héroïne de ce dimanche 25 novembre, complétée de 8,7 kg de cannabis et 500 g de résine, n’est pas tombée du ciel mais résulte d’une minutieuse enquête qui a démarré par un signalement anonyme donnant lieu à une enquête préliminaire dès le mois d’août 2017, puis une information judiciaire à partir de mai 2018. Une enquête menée par la Sûreté territoriale du Val-de-Marne qui a mis à jour un réseau fonctionnant en “call center” (prise de commandes par téléphone), s’approvisionnant directement depuis l’étranger. Ce dimanche 25 novembre, informés d’un retour d’Espagne, les enquêteurs ont interpellé quatre personnes à bord du véhicule qui revenait chargé, et d’autres chez elles. Au total, sept personnes ont été placées en détention préventive dans différentes maisons d’arrêt de la région, en attendant la fin de l’instruction. Si le cannabis a été trouvé dans la voiture, l’héroïne était pour sa part planquée chez l’un des interpellés, dans le quartier du bois l’Abbé. “Cela ne veut pas dire que le réseau est totalement démantelé mais cela va faire très mal et le coût est très important pour les dealers“, commente Yoann Maras, secrétaire régional d’Alliance police nationale. A environ 40 euros le gramme d’héroïne brune, et alors que la drogue retrouvée était assez pure et devait être recoupée, la note s’élève en centaines de milliers d’euros et l’on imagine aisément que les débiteurs vont avoir des comptes à rendre. A défaut d’avoir pu partir au soleil, les dealers ont intérêt à rester à l’ombre pour un moment. Au-delà de la performance, ce coup de filet exceptionnel révèle aussi les tendances du business, de la consommation, et la difficulté des défis à relever pour éliminer durablement le fléau de cette drogue dure.
Des jeunes de 18 à 24 ans
Un premier élément est l’âge des interpellés, tous de jeunes majeurs. Sur les sept, le plus âgé a 24 ans et le plus jeune vient tout juste d’avoir dix-huit ans. Pour tenir une affaire de ce niveau, il n’est pourtant pas possible d’être un débutant. “Cela confirme la tendance. Aujourd’hui, des ados de plus en plus jeunes sont impliqués”, pointe Yoann Maras. Alors que le business de ce “centre d’appel” était évalué à quelques dizaines de milliers d’euros par mois, et devait sans doute impliquer plus que les sept jeunes majeurs interpellés, difficile de lutter contre la motivation de telles perspectives de gain. Un gros défi pour les actions de prévention, dès le plus jeune âge. “Les services publics sont très présents avec 162 agents territoriaux sur place. Les associations sont aussi dynamiques et il y a des centaines de jeunes du quartier qui font du théâtre, du sport, et ne sombrent pas dans le trafic”, tient à rappeler le maire PCF de la ville, Christian Fautré, traumatisé par les généralisations qui stigmatisent le quartier dans son ensemble. Malgré ces dispositifs, les situations de détresse sociale de certains foyers, avec des parents sans ressources, élevant pour certains les enfants seuls, contribuent parfois à saper les initiatives . Comment résister à quelques dizaines d’euros pour faire le guet quand le frigo est vide et/ou que l’on rêve du dernier iphone ? L’engrenage peut commencer ainsi. “C’est pourquoi nous avons absolument besoin d’effectifs de police nationale suffisants et je me félicite que la police se soit donné les moyens de mener cette enquête. Laisser la drogue se propager pour acheter la paix sociale n’est une solution“, reprend le maire.
Quelle peine ? Quelle réinsertion ?
Ce jeune âge interroge aussi sur la perspective de réinsertion de ces dealers. En prison préventive jusqu’à leur procès, par période de quatre mois renouvelable, et potentiellement condamnés à des peines de plusieurs années de prison ensuite, comment faire en sorte qu’ils n’en ressortent pas plus déterminés, plus aguerris ? Comment mettre à profit ces années pour leur apprendre un autre métier dans le respect de la légalité ? A contrario, une sortie de prison trop rapide, donnant à penser que le trafic de drogue reste impuni, renverrait un mauvais signal aux dealers qui restent en présence, prévient le délégué syndical d’Alliance police nationale.
Une évolution de la consommation d’héroïne
Cette saisie importante, mais qui n’est pas non plus isolée dans le pays, avec notamment une recrudescence dans le nord et l’est près des frontières, témoigne aussi d’une évolution de la consommation, qui, bien que restant rare, n’est pas seulement l’apanage de personnes en marge qui ne consomment que de l’héro, mais s’est intégrée dans la palette des drogues, aux côtés notamment du cannabis, largement en tête des ventes, et de la cocaïne. Son mode de consommation a aussi évolué. La prise d’héro en injection perdure mais ne concerne qu’un peu moins de 30% des modes de consommation contre 53% en sniff et 19% par voie fumée, selon les données de l’OFDT (Observatoire français des drogues et toxicomanies). Dans les contextes festifs, c’est même 64% de la consommation qui s’effectue par voie nasale, parfois pour redescendre après une prise de cocaïne. Selon les données de l’OFDT, 1,5% des adultes ont expérimenté l’héroïne en France et 1% des jeunes de 17 ans. Un chiffre qui reste bien-sûr très en deçà de ceux du cannabis dont plus de 10% de la population âgée de 18 à 64 ans fait usage régulièrement. Mais les effets ne sont pas les mêmes.
Un approvisionnement constant depuis un Afghanistan en plein chaos
Si le marché de l’héroïne, qui représente quelques centaines de millions d’euros par an en France, reste dynamique, c’est aussi car il dépend d’un marché mondial. C’est en Afghanistan qu’est cultivé l’essentiel de la production d’opium nécessaire à la fabrication de l’héroïne. Un pays aujourd’hui dans un chaos politique, et par conséquence économique, total. Sur place, cette culture constitue donc un moyen vital de subsistance pour ses paysans producteurs, qui ne risque pas de diminuer tout de suite. Au-delà, c’est tout un business qui est organisé, avec des pays intermédiaires qui stockent la marchandises et plusieurs filières d’acheminement par l’est ou le sud de l’Europe. “Il faudrait une action coordonnée de tous les pays“, plaide le maire de Champigny. Illicite, la drogue fait partie malgré tout des modèles économiques des pays, et l’Insee a du reste intégré pour la première fois cette activité dans le calcul du PIB (Produit intérieur brut), évaluant le marché français toutes drogues confondues à 2,3 milliards d’euros, soit 0,1 point de PIB…
Voir le rapport 2017 de l’OFDT concernant les chiffres clefs de la drogue.
A lire aussi :
https://www.monde-diplomatique.fr/mav/163/DUMAY/59505
LES FLICS SONT AUSSI DES DEALERS! ( source: plusieurs ex fonctionnaires de Police de Stains et Sevran dans le 93)
Vous vous faites flasher à 83 km/h sur une route départementale du Var. 5mn plus tard un policier assermenté situé à 900 km certifié qu’il a vu votre infraction et vous adresse le PV dans la semaine.
Ce même policier ou un de ses collègues passent devant les dealers qui officient à la vue de tous et là bizarrement sa parole ne suffit plus à dresser le PV. Donc tous les habitants et tous les policiers des cités savent où se trouvent les dealers et on les laisse tranquille au prétexte de arrêter sue les chefs après 2 ans d’enquêtes couteuses, lesquels chefs seront remplacés à la minute de leur arrestation ….
Mouais… facile à dire quand on n’a pas à craindre les représailles et les expéditions punitives que ces voisins vivent au quotidien la peur au ventre !! Sans parler des voitures brûlées ou autres actes d’intimidation.
Vraiment très facile votre raisonnement…
Un aspect qui aurait pu être intéressant mais qui n’a pas été abordé par l ‘article est la loi du silence qui s’impose dans nos quartiers. Les familles, amis et voisins voient le train de vie délirant de toutes ces personnes pourtant supposées toucher au mieux le RSA, et pourtant personne ne parle !
Trop de personnes sont arrosées par cet argent facile, il n’y a plus aucune notion de bien ou de mal.
Alors que si toutes ces personnes pensaient un peu plus aux conséquences de la consommation de drogue et un peu moins à leur train de vie on pourrait démanteler des tas de trafics qui ne se cachent même plus. Je pense notamment à la cité Victor Hugo de Gentilly où on voit les guetteurs (mineurs) en plein jour et tout le monde vit avec (municipalité comprise!), comme si c’était normal !
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